/

La consommation budgétaire de la transition énergétique

  • Session : 2022-2023
  • Année : 2023
  • N° : 1307 (2022-2023) 1

2 élément(s) trouvé(s).

  • Question écrite du 12/07/2023
    • de CRUCKE Jean-Luc
    • à HENRY Philippe, Ministre du Climat, de l'Energie, de la Mobilité et des Infrastructures
    Si les budgets relatifs aux investissements énergétiques du Plan de relance sont identifiés, tout observateur attentif sait qu'ils ne suffiront pas pour affronter l'immense défi que représentent la transition énergétique et la politique d'adaptation

    Une vue holistique est néanmoins indispensable pour tous ceux qui veulent programmer l'action et éviter que l'esquive ne chavire !

    Monsieur le Ministre peut-il préciser, en masse budgétaire, l'estimation des besoins relatifs à la transition énergétique pour nous conduire au cap 2030 et des objectifs tels qu'actuellement définis par la CE ?

    Comment se détaillent les grandes lignes de ces perspectives et d'où proviennent ses sources ?

    Parmi ceux-ci, quels sont ceux qui se retrouveront dans le Plan de relance ?

    Peut-il les identifier, les chiffrer et en préciser l'objet ?

    Quels sont les budgets qui seront plus spécifiquement consacrés à la politique d'adaptation ?

    Peut-il également les identifier, les chiffrer et en préciser l'objet ?
  • Réponse du 20/09/2023
    • de HENRY Philippe
    La question des budgets nécessaires à la transition énergétique est effectivement cruciale pour les années à venir. Je partage la perspective de l’honorable membre d’adopter une vue holistique et de long terme sur la politique climatique et énergétique et d’avoir un pilotage structuré de l’ensemble des actions et des budgets pour nous mener à l’atteinte des objectifs climatiques à 2030 et 2050. C’est bien l’esprit des différentes réformes et des plans d’actions menés et en cours ces dernières années tant dans mes compétences que dans celles de mes collègues du Gouvernement wallon.

    Il apparait néanmoins difficile d’estimer de manière globale et unique l’ensemble des besoins budgétaires relatifs à la transition énergétique et climatique.

    En effet, ces enjeux étant par nature transversaux, ils se matérialisent dans différentes politiques réparties entre plusieurs compétences, et donc également plusieurs administrations et UAPs, y compris celles relevant d’autres ministres comme pour l’agriculture, l’aménagement du territoire, le logement, certains bâtiments publics ou soutien aux communes par exemple. Par ailleurs, pour une série de transformations des infrastructures énergétiques– réseaux de distributions, nouvelles technologies, nouvelles filières, la Région wallonne travaille en partenariat avec d’autres niveaux de pouvoir et/ou des acteurs privés.

    Enfin, au niveau des sources de financement, l’intervention parfois conséquente de fonds européens dans les politiques énergétiques, ou la participation de la Wallonie à des projets conjoints européens ou belges rendent la compilation de l’ensemble des chiffres ardue.

    De manière plus prospective, je constate que nous entrons, avec l’urgence climatique et la multiplication des crises de toutes natures, dans un monde où les équilibres et priorités sont bousculés.

    Il est possible, voire probable, que cela puisse affecter durablement la manière dont les pouvoirs publics répartissent les ressources dont ils disposent. Si ceci semble presque impensable, il suffit d’observer que c’est ce qui se passe dans tous les pays et régions lorsqu’elles subissent de graves crises (inondations, épidémie, et cetera), mais à ce stade, uniquement de manière temporaire (le temps de la crise).

    Pour en revenir au contexte de la présente législature, au niveau du PACE 2030, qui synthétise les différentes politiques et mesures principales à 2030 en matière énergétique et climatique, une grande partie des mesures sont soit déjà en cours d’application, soit prévues dans d’autres plans et politiques wallonnes. Pour les nouvelles actions, courant sur plusieurs législatures, l’impact budgétaire sera confirmé au moment de leur opérationnalisation. Pour tous les cas où c’est possible, la diversification des modes et sources de financement sera recherchée.

    Comme l’honorable membre le souligne, le Plan de relance de la Wallonie (PRW) dédie des budgets conséquents à la transition énergétique, à travers une série de projets dans toutes les compétences régionales. Le PRW est particulièrement mobilisé dans le cadre de la mise en œuvre du PACE 2030.

    Ainsi, ce sont plus de 2 milliards d’euros qui sont mobilisés pour accélérer la transition énergétique dans les compétences dont j’ai la tutelle. À ces budgets importants s’additionne également un montant d’environ 2 milliards d’euros dans les compétences de mes collègues.

    En parallèle à ces moyens issus du PRW, on peut également relever les moyens réservés à la transition au travers des fonds européens et du Programme FEDER/FTJ, notamment au niveau des priorités « Une Wallonie plus verte » et « Une Wallonie orientée vers la transition juste » (environ 1 milliard d’euros). Il faut également tenir compte du Fonds Kyoto qui alimente une série de projets pertinents et transversaux.

    À ces moyens conséquents, vont aussi se rajouter dans les années à venir des nouvelles sources de financement européen avec la mise en place de l’ETS 2 et le Fonds Social Climat lié. Ces différentes sources nous donnent des perspectives rassurantes sur les moyens financiers publics qui devront pouvoir être engagés dans l’accélération de la transition énergétique et climatique et l’amplification des actions dans tous les domaines.

    Comme signalé en introduction, il faut également rappeler que nous pouvons et pourrons compter sur les moyens et les actions du secteur privé.

    Je le renvoie par exemple en matière de rénovation énergétique des bâtiments, qui est un des leviers majeurs d’action de la Région wallonne, à la Stratégie wallonne à long terme pour la rénovation énergétique des bâtiments, dont la dernière version de novembre 2020 donne les ordres de grandeur budgétaires nécessaires à l’horizon 2050. On voit dans ces estimations globalisées que l’apport des pouvoirs publics est relativement limité par rapport aux investissements privés attendus.

    En outre, je lui rappelle que le Gouvernement wallon a adopté avec son nouveau Plan Air Climat Énergie (PACE 2030) un mécanisme de gouvernance et de pilotage des actions. Celui-ci permettra d’ajuster les actions et les budgets afférents au fur et à mesure tout en gardant un cap clair à 2030 et 2050.

    Enfin, au niveau de la politique d’adaptation, l’analyse des coûts et bénéfices économiques, sociaux et environnementaux des politiques adaptatives est un élément très pertinent pour la prise de décision, même si son calcul est souvent complexe.

    Les différentes réponses adaptatives entraînent en effet une série de coûts de planification, de préparation, de promotion et de mise en œuvre de mesures d'adaptation, y compris les coûts de transition et d'opportunité. Par contre, certaines situations d’adaptation peuvent apporter des bénéfices associés, pour l’industrie viticole par exemple, à condition de mettre en place les politiques adaptatives nécessaires. Il faut aussi tenir compte du fait que les mesures d’adaptation stricto sensu peuvent entraîner des co-bénéfices supplémentaires liés au développement socio-économique, à la qualité de vie, à la conservation de la biodiversité, à la santé humaine, et cetera.

    En outre, lors du calcul des coûts et des bénéfices pour la prise de décision en matière d’adaptation, il est important de prendre en compte les coûts de l’inaction, c’est-à-dire les coûts qui surviendraient si les mesures d’adaptation n’étaient pas planifiées. Ces coûts dépendront des trajectoires futures des émissions, il sera donc parfois nécessaire de prendre en compte différents scénarios de changement climatique. Retarder la mise en œuvre des mesures tant d’atténuation que d’adaptation augmenterait les risques d’actifs bloqués et des coûts. L’inaction réduirait la faisabilité et possibilité pour des systèmes humains et naturels de rester dans les limites souples de l’adaptation et augmenterait les pertes et les dommages.

    Lorsque cela est possible et significatif, les coûts et bénéfices doivent être évalués non seulement à travers une estimation quantitative et/ou qualitative, mais également en essayant d'identifier la répartition de ces coûts et bénéfices entre les secteurs et les groupes socio-économiques, tout en considérant la variation dans le temps. En outre, ces analyses devraient être liées aux coûts et avantages de l’atténuation et à d’autres tendances socio-économiques.

    L’étude pluridisciplinaire adaptation en cours (PRW 317) possède un volet spécifique visant à renforcer l’identification de pistes de financement de l’adaptation. Nous participons en tant que région à la Mission Adaptation Horizon Europe, au Next Génération EU, au Pacte vert et européen. Plus structurellement le cadre financier pluriannuel de l’Union avec ses fonds européens FEDER, FEAGA, FEADER et FEAMP ou les programmes LIFE comportent des volets adaptation.

    Notre action à travers l’étude pluridisciplinaire Adaptation est d’identifier rapidement et de manière holistique des zones d’intervention prioritaire (ZIP) pour activer de nouvelles politiques d’adaptation avec une vision pluridisciplinaire et itérative de manière à s’assurer la mise en place de processus flexibles et robustes qui évitent la maladaptation permettant l’intégration des solutions techniques et scientifiques appropriées de manière socialement juste.

    Au-delà des investissements nouveaux et de la maintenance adaptative des infrastructures et des systèmes humains et naturels, cela va nécessiter un changement des usages et comportements. Ce changement indubitablement, il doit être juste et solidaire et prendra en considération la perspective spatiale et la variabilité géographique.

    Le ratio coût-bénéfice des investissements en adaptation oscille de 1:2 à 1:10 d’après la Commission globale de l’adaptation, ce qui vient à dire que pour chaque euro investi en adaptation donne lieu en moyenne à des bénéfices économiques nets allant de 2 à 10 euros dans certains cas bien plus. Ce qui vient à dire que quand on s’endette pour financer des activités d’adaptation, nous obtenons une augmentation du PIB supérieure à l’augmentation de la dette.