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L’impact du "paquet sur l’écologisation du transport de marchandises" de la Commission européenne sur la mobilité et le climat de la Wallonie

  • Session : 2022-2023
  • Année : 2023
  • N° : 1316 (2022-2023) 1

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  • Question écrite du 17/07/2023
    • de CRUCKE Jean-Luc
    • à HENRY Philippe, Ministre du Climat, de l'Energie, de la Mobilité et des Infrastructures
    Le 11 juillet 2023, la Commission européenne a présenté un ensemble de mesures législatives visant à réduire l'empreinte carbone du secteur du transport de marchandises, à simplifier les formalités administratives pour le transport transfrontalier de marchandises et à lutter contre le greenwashing. Le « paquet sur l'écologisation du transport de marchandises » (Greening Freight Transport Package) comprend trois textes législatifs qui ont pour objectif de déplacer les marchandises de la route vers le rail et les voies navigables, de promouvoir l'achat de camions à faibles émissions et de faciliter et améliorer le calcul précis de l'empreinte carbone des trajets de fret.

    Ce paquet de mesures a le potentiel d'avoir un impact considérable et peut apporter une contribution majeure à la transition verte, car le transport de marchandises dans l'Union européenne représente un chiffre d'affaires annuel de 938 milliards d'euros et représente environ 30 % du transport routier émissions.

    Son excellente accessibilité aux principaux marchés de consommation, son inclusion dans les principaux corridors de fret européens, la forte densité de ses réseaux routiers et ferroviaires, ainsi que l'intégration de ses voies navigables intérieures dans le réseau européen font de la Wallonie un centre de transport vital en Europe, ce qui se traduit par de grandes quantités de transport de fret à travers la région. Il faut donc s'attendre à ce que le paquet de mesures proposé par la Commission européenne ait des conséquences majeures tant sur la mobilité que sur l'impact climatique dans notre région.

    Monsieur le Ministre peut-il fournir des chiffres récents sur la relation entre le transport de marchandises en Wallonie et la mobilité, ainsi que sur son impact sur le climat, notamment en ce qui concerne les émissions de CO2 ?

    Quelle est son analyse du paquet de mesures législatives proposé par la Commission européenne visant à rendre le transport de marchandises plus écologique ?

    Comment évalue-t-il son adéquation par rapport aux défis actuels de mobilité et de climat en Wallonie ?

    Selon son cabinet et son administration, quel est l'apport de ces propositions pour le développement de la Région wallonne en tant que hub de transport ?

    Dans son évaluation, quel sera l'impact concret de ces mesures sur l'empreinte climatique de la Région wallonne, et particulièrement sur les émissions de CO2 du secteur des transports en Wallonie ?

    Quelles mesures et incitations, le Gouvernement wallon met-il déjà en place pour encourager la transition vers des modes de transport plus écologiques ?

    Quelle est l'efficacité de ces mesures actuelles et quels sont les projets futurs pour renforcer l'adoption de modes de transport plus durables en Wallonie ?
  • Réponse du 19/09/2023 | Annexe [PDF]
    • de HENRY Philippe
    Concernant les chiffres généralement utilisés quant à l’impact du transport de marchandises en Wallonie, en particulier au regard des émissions de CO², les données chiffrées de mobilité cohérentes dans le temps sont assez délicates à établir du fait de la complexité de leur traitement (changements méthodologiques, désengagement fédéral, accessibilité des données sources …).

    Les chiffres présentés ci-joint sont ceux utilisés dans la modélisation des inventaires de gaz à effet de serre du transport routier. Une autre spécificité de ce secteur, à savoir l’obligation d’utiliser les ventes de carburants par le GIEC sur un territoire donné pour estimer les émissions, rend cette relation plus complexe à analyser.

    Alors qu’elle ne représentait que 12 % de la mobilité totale sur les routes wallonnes en 1990, les véhicules-kilomètres parcourus par les camions (HDV) et les camionnettes (LCV) s’établissaient à 25 % du total en 2021 (et à 30 % si l’on ne considère que le réseau autoroutier).

    Quant au paquet de mesures législatives, il faut garder en mémoire que ce paquet intervient comme un complément d’une série de mesures préexistantes et qui touchent toutes le transport de marchandises : révision de la Directive eurovignette, Règlement TEN-T, différents règlements sur les carburants alternatifs… Il n’y a donc pas lieu de distinguer et d’isoler ce nouveau paquet de l’ensemble des démarches entamées dans le plan Fit for 55.

    Cependant, le constat dressé par la Commission dans sa communication est largement partagé en Région wallonne : oui le transport de fret est essentiel pour l’économie et dans le même temps constitue un des très grands contributeurs aux émissions de GES ainsi que d’autres impacts pour la société.

    Ce constat n’a fait que se renforcer dans les circonstances économiques et géopolitiques que connait l’Europe. Malheureusement et malgré de nombreuses initiatives déjà entamées, les tendances dans ces domaines restent interpellantes.

    La Wallonie dresse les mêmes constats puisqu’elle a adopté, en octobre 2020, une stratégie régionale de Mobilité des marchandises qui a l’ambition d’agir sur les impacts négatifs du transport de marchandises tout en préservant son rôle économique essentiel.

    Dès lors, ce nouveau paquet complémentaire, visant des problématiques spécifiques de ce domaine, est certainement le bienvenu. Les quatre textes ont des portées diverses selon leur champ d’action. Mais il est important de garder en mémoire que ces propositions entament leur parcours législatif européen et qu’il est tout à fait prématuré d’en tirer des conclusions. En revanche, sachez que l’administration suivra l’évolution de ces dossiers, en collaboration avec les autres entités du pays.

    - Règlement CountEmissions EU (“Proposal for a Regulation of the European Parliament and of the Council on the accounting of greenhouse gas emissions of transport services”) :
    - la Commission propose une méthodologie harmonisée de comptage des émissions de CO2 qui vise à rendre le secteur du transport plus transparent pour le transport de passagers ET de marchandises.
    En ce qu’elle vise une harmonisation des méthodologies de calcul au niveau européen et considérant la dimension presque intrinsèquement transnationale du transport de marchandises, cette proposition est a priori très pertinente.

    - Directive poids et dimensions (“Proposal for a Directive of the European Parliament and of the Council amending Council Directive 96/53/EC laying down for certain road vehicles circulating within the Community the maximum authorised dimensions in national and international traffic and the maximum authorised weights in international traffic”) :
    - la proposition s’intéresse particulièrement aux véhicules zéro émission, alourdis par leurs batteries. Afin de faciliter la transition vers une flotte plus durable, des incitants doivent exister, particulièrement pour les PME attentives aux ratios coûts/bénéfices dans leurs investissements. La proposition intègre des ajustements techniques pour éviter la perte de capacité de chargement, et tente de rationaliser le patchwork des règlementations nationales concernant les véhicules à grandes capacités afin de faciliter leurs déplacements transfrontaliers.

    Sachant que le transport routier est et restera de loin le plus grand contributeur des émissions du secteur, une initiative visant à favoriser son évolution vers un transport moins polluant est certainement utile. Cependant on peut relever quelques questions sur ce point : l’harmonisation des tonnages admis dans l’optique du verdissement des flottes de camions amènerait le standard européen au niveau où il est déjà pratiqué en Belgique. En d’autres termes, il semble devoir y avoir peu de bénéfices pour les entreprises belges si ce n’est la diminution de certaines contraintes administratives récurrentes transfrontalières. À noter également que cette harmonisation est très loin de constituer l’élément déterminant de l’évolution du transport routier.

    - Règlement sur l’utilisation des capacités de l’infrastructure ferroviaire (“Proposal for a Regulation of the European Parliament and of the Council on the use of railway infrastructure capacity in the single European railway area, amending Directive 2012/34/EU and repealing Regulation (EU) No 913/2010”) :
    -le rail est une façon plus propre de transporter les marchandises, mais les règles sont défavorables aux services transfrontières, ce qui rend le rail peu attrayant. La Commission espère instaurer une meilleure gestion des capacités, plus flexible.

    Bien que la dimension ferroviaire ne relève pas directement de l’autorité wallonne, on ne peut que saluer une proposition qui s’attaque à un des grands obstacles européens au développement du ferroviaire : la très grande disparité des procédures et leur inadéquation à l’organisation structurée du transport. A priori cette proposition va dans le bon sens.

    Le Paquet sera complété par la publication de la proposition transport combiné qui est annoncée pour cette année, mais pour laquelle nous manquons encore d’un projet de texte. A priori, cependant, c’est un axe dans lequel souhaite également se développer la Wallonie.

    À ce stade de travail, on peut donc affirmer prudemment que ces orientations évoluent dans la bonne direction en ne permettant cependant pas, à elles seules, d’établir de manière sûre une évolution déterminante de ce secteur clé.

    À travers sa Stratégie régionale de mobilité des marchandises, la Région souhaite aller beaucoup plus loin en agissant sur d’autres leviers. Par exemple, on peut regretter que la commission, à travers l’ensemble de ses initiatives, ne s’attaque jamais à un aspect crucial du fret : la demande. En ne cherchant à agir que sur l’impact du transport lui-même sans jamais questionner la nécessité et la pertinence de ce transport, la Commission oublie un pan essentiel de la problématique. Il est essentiel de pouvoir modérer la demande de transport par une meilleure distribution et organisation des activités productrices et de consommation, par une meilleure organisation et combinaison des flux, par l’économie circulaire, par le choix volontaire des meilleurs moyens de transport selon le lieu où ils s’opèrent…

    Toutes ces questions sont posées au sein de la Stratégie régionale de mobilité des marchandises qui tente d’y apporter une réponse non pas en édictant des principes applicables aveuglément à tous, mais en ayant la volonté d’impliquer tous les secteurs dans la réflexion et la mise en œuvre d’actions concrètes.

    Actuellement, cette volonté reste une ambition, un avenir souhaitable. Mais des initiatives de plus en plus nombreuses convergent pour nous permettre d’avancer dans la bonne direction.

    Un premier état des lieux de ces développements et un travail sur les perspectives d’avenir seront présentés pour la première fois cette année lors du premier congrès régional de la mobilité des marchandises qui se tiendra le 28 novembre 2023. (voir annexe)