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La dégradation de la biodiversité par le tourisme de masse

  • Session : 2022-2023
  • Année : 2023
  • N° : 714 (2022-2023) 1

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  • Question écrite du 19/07/2023
    • de LENZINI Mauro
    • à TELLIER Céline, Ministre de l'Environnement, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité et du Bien-être animal
    Depuis la crise Covid, les Belges redécouvrent la beauté de notre pays et de notre région, les réserves naturelles et rivières sont victimes de leur succès. L'impact est certes positif sur l'économie et l'attractivité de notre région, il ne l'est néanmoins pas sur l'environnement et la nature.

    En effet, l'affluence des touristes peut détruire certains biotopes, comme au Fondry des chiens à Nismes ou à la Gravière Brock à Oupeye où les visiteurs s'installent pour pique-niquer ou planter leur tente sur des sites très fragiles.

    Malgré les règles et les dispositions prises par certains gestionnaires de site, des centaines de personnes continuent d'affluer et de fragiliser ces écosystèmes.

    Les agents du Département de la Nature et des Forêts (DNF) dressent un grand nombre de procès-verbaux et répètent les règles, mais ils font souvent face à des visiteurs non coopérants et parfois agressifs. Rien n'y fait pour le respect et la sauvegarde de la nature sur ces sites touristiques.

    Madame la Ministre peut-elle me préciser comment le DNF peut-il agir activement pour tenter de contrôler l'affluence des touristes et l'impact sur la biodiversité ?

    Quels sont les autres moyens d'action dont elle dispose pour réduire l'impact négatif du tourisme de masse ?

    Le DNF collabore-t-il avec les communes et les zones de police concernées ?
  • Réponse du 05/09/2023
    • de TELLIER Céline
    Tout d’abord, je suis convaincue qu’un tourisme durable et respectueux de la biodiversité est non seulement possible, mais aussi très bénéfique pour améliorer notre rapport à la nature.

    Ceci dit, il est vrai qu’un tourisme « de masse » peut entrainer une pression excessive sur les écosystèmes fragiles, ce qui peut mener à la destruction locale de biotopes ou à des perturbations pour certaines espèces présentes.

    Lors de la crise du Covid et ses vagues de confinement et de déconfinement, des affluences inédites ont été constatées, révélant par endroits et pour certains usages (avènement du VTT, éventuellement électrique) un manque d’infrastructure, de règlementation ou d’informations adaptées.

    C’est pourquoi j’ai été particulièrement attentive à la mise en place de différentes actions en faveur d’une meilleure intégration de la protection de la nature et de pratiques touristiques plus responsables. Ces actions se traduisent par l’information et l’éducation des visiteurs, l’adaptation de la règlementation en matière de protection de la nature et de préservation des espèces menacées, la gestion des flux touristiques, le développement de la mobilité douce, la sensibilisation des acteurs du tourisme ou encore la création d’espaces protégés supplémentaires.

    Ces actions s’incarnent notamment par la création récente de deux parcs nationaux qui ont entre autres pour but de concilier des pratiques de tourisme durable avec la préservation de la biodiversité. Différents projets du Plan de Relance de la Wallonie, entre autres, m’ont permis de soutenir des initiatives en ce sens. Cela concerne d’autres lieux de nature exceptionnelle à forte fréquentation touristique comme les Hautes Fagnes, la forêt d’Anlier, la Fagne de Malchamps, le site de Caster, Furfooz, Virelles ou plus généralement pour les réserves naturelles.

    L’accès aux réserves naturelles et la circulation du public y sont règlementés par des arrêtés du Gouvernement wallon. Il faut reconnaitre que l’incivilité de certains visiteurs sur certains sites attractifs exige un effort particulier pour contenir les comportements inadéquats.

    Très concrètement, le DNF met en place, sur certains sites, un système de tournée conjointe avec un de ses agents, un agent de police et un agent constatateur communal, chacun compétent dans ses missions respectives, pour répondre de manière ciblée aux délits constatés. Ces tournées conjointes font l’objet d’une analyse des situations rencontrées, débouchant sur des priorités, avant d’être planifiées. D’autres ont lieu inopinément sur la base d’un appel ponctuel. Dans tous les cas, la DNF n’agit qu’aux endroits où la gestion lui est légalement confiée. Par exemple, dans les endroits connus de feux sauvages ou de barbecues, les équipes passent régulièrement en semaine comme le week-end pour surveiller les activités. Les services extérieurs du DNF sont généralement en contact très régulier avec les services communaux pour la gestion ordinaire des territoires les concernant. Ils font aussi appel aux agents constatateurs pour certains délits tels que les dépôts clandestins de déchets.

    S’il n’y a pas nécessairement une planification d’actions conjointes avec la police dans toutes les directions extérieures du DNF, celles-ci font alors appel au service d’ordre en cas de besoin de renfort face à des groupes de contrevenants ou si la dangerosité de la situation le requiert. C’est aussi le cas si le délit constaté sort des compétences des agents du DNF.

    La compétence du DNF s’arrête également en dehors des sites dont il est gestionnaire ou dont la Loi lui confère la surveillance comme les réserves naturelles. En ce qui concerne la Gravière Brock à Oupeye, ce site, bien que de grand intérêt biologique reconnu, est un site communal sans statut de protection. C’est pourquoi l’implication des autorités communales est d’autant plus souhaitable pour renforcer ces contrôles, sensibiliser au maximum les visiteurs et au besoin verbaliser les infractions.

    Enfin, il faut savoir que ces questions ont été aussi largement abordées au sein de la « task force Aires protégées » pilotée par mon administration. Un plan d’actions, qui comprend un volet pour de meilleures protection et valorisation des espaces naturels, a été diffusé au sein de l’administration. Il s’appuie sur des collaborations entre différents acteurs, que ce soit au sein des différents services du SPW, mais aussi avec les communes voire avec des acteurs privés telles que les associations de conservation de la nature.

    Parmi ces actions, je peux notamment citer : le développement de l’accessibilité des aires protégées aux citoyens, l’amélioration de la signalisation des aires protégées et les infrastructures d’accueil du public, le développement de l’information du citoyen sur les aires protégées, le contrôle du respect de comportements adéquats dans les aires protégées.

    Pour tout ceci, un travail est actuellement mené sur la signalétique afin d’informer le public à l’aide de pictogrammes adéquats visant le respect de la législation. Les agents constatateurs communaux seront aussi sensibilisés sur leur pouvoir d’intervention.

    La « task force Aires protégées » poursuivra ses travaux pour réfléchir aux lignes de conduite en matière de fréquentation des aires protégées dans le but de concilier sensibilisation et valorisation des aires protégées avec la protection de la nature.

    Enfin, il m’importe de rappeler que l’ensemble de ces réflexions et de nombreux projets ont été menés en concertation avec ma collègue Valérie De Bue. Ces collaborations ont permis de réaliser de fortes avancées. C’est ainsi que je souhaite pouvoir pérenniser le groupe de travail conjoint DNF et Commissariat général au Tourisme pour faciliter le travail et les réflexions liés aux enjeux touristiques dans les aires protégées, et de manière plus générale dans les espaces naturels.

    Pour conclure, nous ne pouvons que nous réjouir du fait que les personnes qui vivent en Wallonie et ailleurs découvrent ou redécouvrent l’intérêt du patrimoine naturel de notre région et les bienfaits d’une sortie en pleine nature. Les incivilités, les comportements inadéquats, ou les dégradations de sites dues à une surfréquentation restent rares et localisés.