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L’équipement en véhicules électriques pour les collectes de déchets dans les grandes villes wallonnes

  • Session : 2022-2023
  • Année : 2023
  • N° : 731 (2022-2023) 1

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  • Question écrite du 26/07/2023
    • de LENZINI Mauro
    • à TELLIER Céline, Ministre de l'Environnement, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité et du Bien-être animal
    Bruxelles propreté vient d'acquérir un premier véhicule électrique pour ses tournées de collecte de déchets. Leur volonté est d'arriver à un parc automobile zéro émission d'ici 2038.

    Madame la Ministre peut-elle nous préciser ce qu'il en est pour les grandes villes de la Région wallonne ?

    À cet égard, quels sont les objectifs à court, moyen et long terme pour notre région ?

    Est-il envisagé d'équiper progressivement le parc automobile en véhicules électriques pour le ramassage de déchets ?
    Dans l'affirmative, à quelle échéance et dans quelles villes pour commencer ?
  • Réponse du 18/10/2023
    • de TELLIER Céline
    Depuis juin 2022, une nouvelle réglementation est entrée en vigueur en Belgique pour ce qui concerne les marchés publics atteignant les seuils européens. Il s’agit de la loi du 18 mai 2022 modifiant la loi du 17 juin 2016 relative aux marchés publics et aux contrats de concession, qui transpose la directive européenne 2019/1161/UE relative à la promotion de véhicules de transport routier propres et économes en énergie. Cette loi modificative introduit, dans la législation sur les marchés publics, des obligations pour les adjudicateurs en matière d’achats de véhicules plus propres et plus économes en énergie.

    Selon cette nouvelle réglementation, le pouvoir adjudicateur doit s'assurer que tous les marchés attribués pendant une période donnée (du 9 juin 2022 au 31 décembre 2025 et ensuite par tranche de 5 ans) contribuent à l'atteinte des objectifs minimaux définis à l'annexe 7 de la loi du 17 juin 2016. Ces objectifs minimaux visent à ce qu'un pourcentage spécifique de la flotte acquise pendant les périodes définies soit composé de véhicules « propres et économes en énergie », afin d’encourager l'adoption de technologies de transport plus respectueuses de l'environnement.

    Concernant l’application de cette nouvelle réglementation par les 7 intercommunales wallonnes de gestion des déchets, et renseignements pris auprès de la COPIDEC, il s’avère que la situation varie en fonction de la particularité du territoire couvert.

    Ainsi, dans le Brabant wallon, l’intercommunale inBW considère qu’il est difficilement envisageable à l’heure actuelle d’effectuer la collecte des déchets avec des véhicules électriques, étant donné l’absence de grandes villes dans la province, la faible densité de population des communes brabançonnes (qui implique des trajets assez longs) et la faible autonomie actuelle des véhicules électriques.

    En zone liégeoise, l’intercommunale Intradel a déjà étudié la question. Il apparaît que la solution envisagée serait plutôt d’utiliser des véhicules alimentés avec du biodiesel (HVO), vu les distances à parcourir lors de chaque tournée de collecte. À noter que la Ville de Liège a effectué des tests avec un véhicule électrique sur son territoire, dans le cadre de la gestion de ses collectes de déchets, sans que les résultats ne soient réellement concluants. Dès lors, aucune obligation spécifique concernant l'utilisation de véhicules électriques n'a été intégrée dans le nouveau marché de collecte des déchets ménagers, qui a débuté le 1er juillet dernier.

    En province de Luxembourg, l’intercommunale Idelux a fait l’acquisition de plusieurs camions fonctionnant au gaz naturel comprimé (CNG), l’option de l’électrique étant à ce stade inenvisageable vu la faible densité de population et les distances à parcourir. Les camions CNG constituent une alternative jugée plus propre aux véhicules diesel conventionnels, car ils produisent moins d'émissions nocives telles que les particules fines et les oxydes d'azote. En utilisant du gaz naturel comme carburant, ces véhicules contribuent à améliorer la qualité de l'air et à réduire l'empreinte carbone de la flotte de collecte.

    En ce qui concerne la zone de Charleroi, la flotte de l’intercommunale Tibi se compose notamment de 17 véhicules de collecte fonctionnant au CNG et de 12 petits véhicules électriques utilisés par les brigadiers en charge de la propreté publique et des collectes de déchets en zone urbaine, ainsi que de 2 camionnettes CNG dévolues au service entretien. Selon les responsables de Tibi, le verdissement de la flotte lourde (camions) au travers d’une électrification représente à ce stade des contraintes tant logistiques (autonomie ou approvisionnement en carburant alternatif) que financières (surcoûts conséquents à l’investissement de + 200 à + 500 %, qui devraient être reportés sur la facture « déchets » des citoyens).

    En région namuroise, l’intercommunale BEP a testé un camion électrique de collecte des déchets en juin 2022 au départ du site de regroupement des déchets de Floreffe. L’autonomie pratique du camion de type benne à ordures était de l’ordre de 130 km. Cette autonomie est apparue insuffisante pour assurer une bonne partie des tournées de collecte des déchets, surtout dans le sud de la province de Namur qui est moins densément peuplée.

    En 2024, le Conseil d’Administration du BEP Environnement devra se positionner pour les futures acquisitions dans le cadre du renouvellement de la flotte de véhicules. La proposition sera d’acquérir un nombre réduit de camions électriques pour 2026 afin de tenter de respecter les nouvelles règles en matière de marché public. Dans ce cas, les camions électriques seront uniquement utilisés dans les communes situées autour du site de regroupement des déchets de Floreffe et pour collecter les déchets produits au sein de la ville de Namur, vu la trop faible autonomie de ces camions, qui demeure le problème majeur.

    À ce jour, l’équipement progressif du parc automobile en véhicules électriques pour le ramassage de déchets en Wallonie se heurte à une série de difficultés majeures, qui ont été résumées par le BEP et qui sont partagées par les autres intercommunales de gestion des déchets. Les principaux freins observés ont trait :
    • à la faible autonomie actuelle de ces véhicules (moins de 130 km selon les tests), alors que les distances à parcourir sont en général beaucoup plus importantes, compte tenu de la densité de population du territoire wallon ;
    • aux prix d’acquisition de ces véhicules électriques, qui sont actuellement très élevés (+ de 200 % par rapport à un véhicule diesel), les coûts moyens sur 10 ans étant de 25 % supérieurs à ceux enregistrés pour un véhicule diesel. Ces surcoûts devront être in fine reportés sur la facture « déchets » des citoyens, alors que la situation conjoncturelle est défavorable ;
    • au temps de charge des batteries, qui est importante (jusqu’à 16 h pour une prise 3x400V) ;
    • aux travaux d’infrastructure (bornes électriques + renforcement du réseau) qui sont également importants et coûteux, le prix d’une borne de chargement rapide (2,5 h) pouvant atteindre 80.000 euros ;
    • au poids important des batteries, qui est source de perte de charge utile ;
    • à la formation spécifique des mécaniciens ;
    • aux nombreuses sources d’incertitudes existantes (garanties d’approvisionnement en électricité, évolution du prix de l’énergie, capacité du réseau électrique (GRD), sources de production de l’électricité…), qui peuvent freiner les investissements en la matière.

    Malgré ces multiples freins techniques et économiques, il faut saluer et soutenir la volonté des intercommunales de gestion des déchets de faire évoluer progressivement leur flotte de véhicules de collecte des déchets vers des véhicules moins énergivores et moins polluants, en adéquation avec les réalités de leur territoire.