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L’impact du retrait de la Russie de l’accord sur les exportations de céréales ukrainiennes

  • Session : 2023-2024
  • Année : 2023
  • N° : 3 (2023-2024) 1

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  • Question écrite du 07/09/2023
    • de GAHOUCHI Latifa
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    Ce n'est plus un secret pour personne, l'Ukraine jouait un rôle crucial sur le marché mondial des céréales en occupant une place majeure dans la production et l'exportation de céréales essentielles comme le blé ou l'orge.

    Cependant, la situation s'est considérablement détériorée en raison du conflit qui sévit dans le pays. Ce contexte de guerre a eu un impact dévastateur sur la production agricole ukrainienne, engendrant des perturbations graves non seulement pour l'économie nationale, mais aussi pour l'approvisionnement alimentaire mondial.

    Le 17 juillet dernier, une autre dimension du conflit a été franchie avec l'annonce du Kremlin suspendant sa participation à l'accord permettant à l'Ukraine d'exporter ses céréales via la mer Noire. En effet, cette décision pourrait avoir des conséquences significatives sur l'approvisionnement céréalier mondial, car la mer Noire est une voie maritime essentielle pour les exportations céréalières ukrainiennes vers différentes régions du monde.

    Quelle est l'analyse de Monsieur le Ministre de la situation ?

    Quel est l'impact prévu de ce retrait russe de l'accord céréalier sur les marchés européens des céréales ?

    Les prix des céréales devraient-ils augmenter ou y a-t-il des risques de pénurie en Europe et plus particulièrement en Wallonie ?

    Quelles sont les conséquences sur la production agricole wallonne ?
  • Réponse du 03/10/2023
    • de BORSUS Willy
    En premier lieu, il faut souligner l'indiscutable dépendance de l'Union européenne vis-à-vis des approvisionnements céréaliers en provenance d'Ukraine. Cette réalité est corroborée par des données éloquentes, qui indiquent que d’avril 2022 à août 2023, l'Union européenne s'est affirmée comme un marché majeur pour l'Ukraine. Plus précisément, environ 40 % du maïs ukrainien, 35 % du blé et 30 % de l'orge ont pris la direction de l'UE. L'Initiative du Grain de la mer Noire, jusqu'au 16 juillet 2023, a vu transiter près de 32,9 millions de tonnes de céréales par son entremise, bien que le Brésil et le Royaume-Uni maintiennent leur statut de pourvoyeurs aussi prépondérants au sein de l'Union. Parallèlement, les exportations de l'Union européenne vers l'Ukraine concernant les céréales et les oléagineux ont enregistré une progression significative, s'élevant à 384 millions d'euros, soit une hausse de 37 %. Ces chiffres mettent en lumière l'ampleur de l'impact potentiel de cette initiative sur les marchés mondiaux des céréales.

    Pour répondre aux trois autres interrogations que l’honorable membre a exposées, je souhaite me référer à l'axiome fondamental de l'économie, à savoir la « Loi de l'offre et de la demande » :

    1. L'impact anticipé du retrait russe de l'accord céréalier sur les marchés européens des céréales dépendra de multiples variables, dont la capacité de l'Ukraine à préserver ses niveaux de production et d'exportation actuels. Étant donné que l'Ukraine tient un rôle essentiel en tant que fournisseur de céréales pour l'UE, une perturbation majeure de ses exportations pourrait se traduire par une augmentation des prix des céréales sur le marché européen. De surcroît, cela pourrait perturber les chaînes d'approvisionnement et entraîner des implications pour la sécurité alimentaire de l'Union européenne.

    2. Les prix des céréales en Europe pourraient augmenter en raison de la suspension de l'accord d'exportation russe, bien que l'ampleur de cette hausse soit difficile à prédire. La disponibilité de multiples sources d'approvisionnement en céréales, y compris le Royaume-Uni qui a fourni une quantité significative de céréales à l'UE, contribue à atténuer les risques de pénurie. Par ailleurs, le 23 mars 2022, la Commission européenne a réagi en prenant des mesures d'urgence pour soutenir l'agriculture, soulignant ainsi l'engagement de l'Union européenne envers la sécurité alimentaire et sa capacité à réagir efficacement aux défis géopolitiques et économiques. À ce titre, l'Union européenne déploie une démarche proactive et complète pour faire face aux défis actuels liés à la sécurité alimentaire. Elle renforce sa propre production agricole, ce qui contribue à atténuer la pression sur les marchés alimentaires mondiaux. Cette augmentation de la production agricole interne vise à garantir une disponibilité accrue de produits alimentaires au sein de l'UE, tout en réduisant la dépendance à l'égard des importations. Pour répondre à l'augmentation des coûts des denrées alimentaires et des intrants, l'UE investit massivement avec un budget de 18 milliards d'euros pour la sécurité alimentaire mondiale jusqu'en 2024, apportant un soutien à plus de 70 pays pour accroître la résilience de leurs systèmes alimentaires. De plus, des voies de solidarité de l'UE facilitent les exportations agricoles, notamment en Ukraine, avec plus de 53 millions de tonnes métriques de produits exportés via ces couloirs de solidarité, soutenus par un investissement de plus de 1 milliard d'euros. Parmi les mesures figurent également des importations en franchise de droits pour certains produits, des initiatives dans les pays frontaliers pour faciliter le transit des céréales et un engagement continu envers la sécurité alimentaire durable à l'échelle mondiale.

    3. Les impacts sur l'agriculture en Wallonie dépendront de sa dépendance aux importations céréalières. Des prix plus élevés peuvent entraîner des coûts de production accrus pour les agriculteurs wallons, mais d'autres facteurs tels que la météo, le coût des intrants, le prix de l’énergie, et cetera, jouent également un rôle. Une surveillance continue et des ajustements stratégiques sont nécessaires pour atténuer les répercussions potentiellement négatives.

    Dans un contexte de récents développements liés à l'acheminement de céréales depuis l'Ukraine, des initiatives semblent offrir des perspectives encourageantes pour les consommateurs africains, bien que la prudence reste de mise. Selon les informations communiquées par les Autorités ukrainiennes le 19 septembre dernier, un premier cargo contenant 3 tonnes de blé a quitté l’Ukraine. Il s’agit du premier transport de céréales depuis que la Russie a mis fin à l’accord permettant l’exportation des céréales en juillet dernier. Il s’agit incontestablement d’un signal positif pour l’économie ukrainienne, mais aussi pour la sécurité alimentaire mondiale.

    La situation actuelle exige une gestion stratégique au niveau national et européen pour préserver la sécurité alimentaire et la stabilité des marchés céréaliers. La collaboration est essentielle pour relever ces défis et assurer la prospérité de notre continent. L'Union européenne reconnaît l'importance de l'approvisionnement en céréales et travaille en étroite collaboration avec l’Ukraine, avec ses partenaires, y compris le Royaume-Uni, pour œuvrer à la stabilité des marchés et la continuité de l'approvisionnement en céréales, essentielles à notre économie et à notre sécurité alimentaire.