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L’augmentation des appels au centre de prévention du suicide

  • Session : 2023-2024
  • Année : 2023
  • N° : 3 (2023-2024) 1

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  • Question écrite du 07/09/2023
    • de AHALLOUCH Fatima
    • à MORREALE Christie, Ministre de l'Emploi, de la Formation, de la Santé, de l'Action sociale et de l'Economie sociale, de l'Egalité des chances et des Droits des femmes
    Le Centre de prévention du suicide (CPS) a dénombré pour l'année 2022 plus de 23 000 appels. L'année 2023 confirme la hausse des cas de détresse avec à la mi-2023 un nombre record d'appels consignés.

    Le Centre est donc continuellement sollicité et s'emploie au maximum à prendre en charge les personnes en détresse : on dénombre 1 800 entretiens psychologiques uniquement à Bruxelles. L'activité sur le forum du site enregistre également une hausse substantielle de messages.

    La directrice du Centre alerte sur l'ampleur d'une détresse qui s'accentue sous la pression de facteurs externes. Le contexte de crise géopolitique que nous connaissons, avec des répercussions sur le niveau de vie et sur l'emploi de milliers de personnes, participe d'un climat de plus en plus morose pour nombre de citoyens.

    L'alerte concerne particulièrement les jeunes et les adolescents qui sont de plus en plus nombreux à exprimer leur mal-être par des méthodes dangereuses, comme la scarification par exemple.

    Pour faire face à cet afflux, le Centre a recruté 18 nouveaux bénévoles, ce qui porte à 64 le nombre d'interlocuteurs du Centre. Les psychologues ont également augmenté leur nombre de consultations pour tenter d'aider au mieux le maximum de personnes.

    Malgré des moyens en hausse et une implication quotidienne, la directrice alerte sur la nécessité urgente d'agir en matière de prévention au regard de l'augmentation des pensées suicidaires dans la population.

    Quels sont les moyens actuellement dévolus à la prévention contre le suicide ?

    Comment Madame la Ministre analyse-t-elle la hausse de personnes en détresse ?

    Des moyens supplémentaires sont-ils envisagés ?
  • Réponse du 31/10/2023 | Annexe [PDF]
    • de MORREALE Christie
    Comme l’honorable membre le sait, le Centre de prévention suicide (CPS) est un opérateur bruxellois ne relevant pas de notre compétence.

    Pour ce qui est de l’augmentation du nombre d’appels reçus sur la ligne téléphonique du CPS, il m’est difficile d’interpréter les chiffres qu’elle cite, car ceux-ci sont très liés au contexte de Bruxelles.

    De plus, le Centre bruxellois est agréé et subventionné par la COCOF uniquement pour exercer les missions d’un centre d’accueil téléphonique, à savoir l’écoute 24H/7J et la mise en place de formation et de sensibilisation. Cette réalité diffère tout à fait du contexte wallon.

    L’opérateur wallon actif en matière de prévention du suicide est l’ASBL « Un Pass dans l’Impasse (UPDI) » qui rapporte également une augmentation de la demande de consultations dans son Centre de prévention du suicide et d’accompagnement (CPSA), augmentation qui pourrait effectivement refléter l’état de la santé mentale de la population wallonne, mais pourrait également être le signe d’un plus grand recours à l’aide psychologique.

    Un certain nombre de facteurs de risque, mais également de facteurs protecteurs peuvent être identifiés concernant la crise suicidaire. Les facteurs de risques peuvent être psychosociaux (la consommation d’alcool augmente le risque de passage à l’acte par exemple, un historique de tentatives de suicide …), environnementaux (perte de ressources financières, accès facile à une méthode mortelle …), socioculturels (isolement, difficulté d’accès aux soins de santé mentale …). Du côté des facteurs protecteurs, il s’agit plutôt de l’ensemble des conditions qui réduisent l’impact des facteurs de risque, comme la qualité du tissu social et familial, les habiletés psychosociales de l’individu à faire face à des événements stressants, qui lui confèrent un plus large éventail de réponses à une situation difficile. Il s’agit essentiellement de ne pas être isolé socialement (avoir quelqu’un avec qui parler), avoir une bonne estime de soi, être capable de nouer des relations basées sur une confiance réciproque, se sentir responsable de quelqu’un d’autre ou d’une tâche.

    En lien avec des facteurs de risque, plusieurs actions peuvent permettre de prévenir le risque suicidaire. Je voudrais citer les initiatives que je finance et que j’ai mises en place pour y répondre. Le suicide est un phénomène multifactoriel et s’il est vrai que la problématique du suicide se manifeste différemment selon le genre ou la catégorie d’âge, toutes les couches de la population et toutes les classes sociales sont concernées.

    Dans les missions qui ont été confiées à l’ASBL UPDI, je peux mentionner :
    - le Centre de prévention du suicide et d’accompagnement (CPSA) qui a pour mission la prise en charge psychosociale des personnes suicidaires, suicidantes et/ou endeuillées par suicide. Un appui clinique aux professionnels du secteur psychomédicosocial est également proposé. Le Centre dispose de 8 antennes de consultation dans toute la Wallonie (Namur, Liège, Charleroi, Louvain-la-Neuve, Tournai, Mons, Marche-en-Famenne et La Louvière). Le service dispense également des formations en prévention du suicide à destination des professionnels. L’ASBL dispose donc déjà d’antennes réparties dans les grands pôles urbains de Wallonie pour fournir un accompagnement aux personnes détectées comme à risque suicidaire ;
    - UPDI est également reconnu en tant que centre de référence en santé mentale spécifique suicide. Les missions des centres de référence sont, par exemple, l’observation des pratiques en santé mentale, l’appui aux professionnels … Outiller les professionnels de la santé mentale pour faire face au risque suicidaire, établir des recommandations pour les pharmaciens sur l’accès aux moyens létaux, établir des recommandations pour les journalistes sur la manière d’aborder le suicide sont des actions entreprises par Un Pass dans l’Impasse. Un travail de révision du cadre légal des centres de référence est en cours (Décret santé mentale). Cette révision vise entre autres à mieux définir et à faire évoluer les missions des centres de référence.
    UPDI nous confirme qu’elle fait face à une explosion des demandes de prise en charge depuis la crise sanitaire. Pour y faire face, l’ASBL a bénéficié, dans le cadre des mesures urgentes en santé mentale, d’un soutien financier permettant l’engagement de cinq psychologues équivalents temps plein supplémentaires pour renforcer ses équipes et développer un nouveau dispositif d’aide :
    • trois psychologues viennent en appui au Centre de prévention du suicide et d’accompagnement. En effet, depuis la pandémie, le Centre de prévention du suicide et d’accompagnement d’UPDI témoigne d’une augmentation du nombre de ses consultations de près de 40 % et répond à près de 1 000 appels par mois ;
    • deux psychologues viennent en appui afin de mettre en place un nouveau dispositif d’aide psychologique pour les indépendants et entrepreneurs en détresse. Ce dispositif comprend une assistance téléphonique gratuite du lundi au vendredi de 8h30 à 17h00, 4 séances de soutien par téléphone et/ou vidéo et, un réseau spécifique de sentinelles pour ce public cible.

    Ensuite, en complément de sa reconnaissance comme centre de référence, l’ASBL a mis en place d’autres actions subventionnées plus orientées vers le soin et la prévention. Une de ces initiatives concerne le projet « Sentinelle ». En 2020, l’association a mis en place à la demande de mon Cabinet, un dispositif unique et innovant en Wallonie : un réseau de sentinelles en prévention du suicide.

    Le projet sentinelles est, en effet, un projet que je soutenais via une subvention facultative et qui est maintenant inclus dans l’agrément d’UPDI en tant qu’opérateur en Promotion et Prévention de la santé (depuis octobre 2022). Le projet s’est lancé en octobre 2020, et consiste au recrutement de sentinelles en prévention du suicide. Depuis lors, les psychologues forment gratuitement des citoyens volontaires à détecter la détresse suicidaire et à déclencher une alerte auprès de l’ASBL. Le budget alloué par la Wallonie à la mise en place de ce réseau de prévention s’élève à 119 500 euros par an. La sentinelle fait office de relais entre « Un pass dans l’impasse », la personne en détresse et l’aide qu’elle n’ose ou ne parvient pas à demander. Afin de proposer un dispositif le plus efficace possible, ce dernier a fait l’objet de réflexions et d’adaptations constantes depuis son commencement. Tout citoyen volontaire peut désormais déclencher une alerte via le bouton « Alertez-nous » sur le site web : www.un-pass.be.

    Pour intégrer le réseau de sentinelles en prévention du suicide, tout citoyen peut s’informer via une brève présentation de huit minutes sous format vidéo et/ou suivre gratuitement une sensibilisation de trois heures. Depuis son lancement en octobre 2020 et jusqu’au 14 juillet 2023, le dispositif compte 730 sentinelles actives en Wallonie et 333 alertes déclenchées, soit 9.25 alertes par mois.

    Ces sentinelles sont des personnes qui sont en contact régulier avec ces travailleurs : comptables, employés de caisse d’assurance sociale, personnel des tribunaux de l’entreprise… La carte en annexe, visant à répertorier les sentinelles présentes au sein du réseau, nous permet de constater que ces dernières proviennent d’un peu partout en Wallonie.

    Les indépendants francophones en situation de détresse peuvent également bénéficier gratuitement d’une ligne d’assistance téléphonique (0800/300.25).

    À l’autre bout du fil, les psychologues « d’Un pass dans l’Impasse » proposent aux indépendants qui le souhaitent jusqu’à quatre séances de consultations psychologiques gratuites par téléphone ou en vidéoconférence. Les chiffres en date du 14 juillet 2023 témoignent que le dispositif a permis de soutenir depuis sa création en juillet 2020 près de 710 indépendants dont 504 en Wallonie.

    À cela s’ajoutent plus de 400 indépendants qui ont été pris en charge en Wallonie dans le cadre de la mission fédérale. L’ASBL constate que 54 % des indépendants ou entrepreneurs accompagnés sont des femmes et 46 % sont des hommes. L’âge moyen est de 44 ans et la tranche d’âge la plus représentée est celle de 35-44 ans. Un grand nombre d’indépendants accompagné travaille dans le commerce et la vente ainsi que dans l’hôtellerie et la restauration.

    L’ASBL conclut ces propos en affirmant que les résultats sont encourageants : le dispositif sentinelle en prévention du suicide et l’initiative spécifique pour les indépendants comptent aujourd’hui 1 617 sentinelles actives dont 1 138 en Wallonie et 947 alertes déclenchées dont 778 en Wallonie ! Il reste toutefois important d’assurer la continuité ainsi que le développement de ces 2 dispositifs et à fortiori, d’accroître, le nombre de personnes aidées.

    Le suicide reste la 1re cause de décès chez les 15-44 ans en Belgique.

    Aussi en complément de ces actions, il est également nécessaire que les moyens et les actions mis en place soient en cohérence avec les besoins de la population et les recherches scientifiques. C’est pour cela que le projet de décret Santé mentale sur lequel j’ai travaillé et que j’ai déjà évoqué comprend un Plan stratégique des soins en santé mentale. Ce Plan vise à répondre aux différentes problématiques d’accès aux soins et permettra une réflexion de grande ampleur sur le sujet. Il précisera, en effet, les thématiques, objectifs stratégiques, publics cibles et milieux de vie prioritaires ; ainsi que les objectifs transversaux à suivre pour l'ensemble des thématiques, objectifs, publics et milieux de vie prioritaires. Ce Plan a donc pour but, entre autres, de réfléchir et d’orienter des politiques visant à améliorer l’accès aux soins de santé mentale en Wallonie, à identifier et à lutter contre les inégalités de santé.

    J’ai également lancé deux campagnes de prévention en santé mentale : la campagne « Je me libère » qui a pour but d’encourager la population à parler de ses difficultés de santé mentale et à chercher de l’aide auprès des professionnels ; et la campagne « Trouver du soutien » qui met à disposition des citoyens, des ressources pour les aider à prendre soin d’eux-mêmes et pour les aider à trouver du soutien.

    Enfin, l’AViQ et Un pass dans l’Impasse prépare un projet de convention de revalidation en faveur de la prise en compte du suicide, tant la problématique est importante en Wallonie. Il s’agira de stabiliser cet opérateur dans ses missions qui sont intégrées et de répondre aux très nombreux besoins de la population, tout en donnant une visibilité et une lisibilité au dispositif qui, de la sorte, ne sera plus confondu avec le Centre de prévention du suicide bruxellois.