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Le blues des mandataires

  • Session : 2023-2024
  • Année : 2023
  • N° : 2 (2023-2024) 1

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  • Question écrite du 11/09/2023
    • de AHALLOUCH Fatima
    • à COLLIGNON Christophe, Ministre du Logement, des Pouvoirs locaux et de la Ville
    L'échelon communal reste pour de nombreuses personnes le lieu de rencontre privilégié pour échanger sur leurs préoccupations. Sa proximité avec les habitants le rend d'autant plus pertinent pour prendre en charge les problèmes du terrain.

    Le 23 mai dernier, l'Union des villes et communes wallonnes présentait à ses membres les résultats d'une enquête menée sur le travail des élus communaux. En dépit de leur engagement, les résultats de l'enquête pointent l'usure et le sentiment d'impuissance qui gagnent peu à peu les élus locaux.

    Pour comprendre ces difficultés, l'étude mentionne les crises successives, le manque de moyens humains et financiers, les dérives bureaucratiques ou encore l'ascension fulgurante des réseaux sociaux qui mettent parfois à mal le travail des élus.

    L'Union des villes et communes wallonnes, forte de ce constat, invite la Région wallonne à « réformer en profondeur la fonction publique locale pour la rendre plus attractive » et à réduire le poids de la bureaucratie dans les affaires locales.

    In fine, les mandataires réclament un soutien plus marqué de la Région pour mener à bien les tâches fondamentales dont ils ont la charge et protéger l'exercice du mandat local.

    Quel est le regard de Monsieur le Ministre sur cette étude ?

    Comment accueille-t-il la demande de l'Union des villes et communes wallonnes qui a trait à la nécessité de rendre plus attractive la fonction publique locale ?

    Qu'en est-il de leur volonté de mieux protéger l'exercice du mandat local ?

    Quelles sont les initiatives en cours à ce sujet ?
  • Réponse du 18/10/2023
    • de COLLIGNON Christophe
    Je remercie l’honorable membre de ses questions qui me permettent de lui présenter les différents éléments qui donnent suite aux préoccupations des pouvoirs locaux, que je partage.

    Nous pouvons les résumer comme suit :
    - la responsabilité des élus est colossale et les paradoxes auxquels sont confrontés ces derniers, liés à leur proximité avec les citoyens : l’urgence, l’ultradisponibilité, la pression de l’immédiateté et les atteintes portées à leur intégrité même physique ;
    - la lourdeur administrative et une certaine bureaucratie trop envahissante ;
    - les nouveaux outils de communication, dont la dérive des réseaux sociaux ;
    - les moyens sont limités ;
    - néanmoins, les élus locaux sont néanmoins toujours au rendez-vous, ils l’ont démontré dans les crises successives que nous vivons.

    Comme elle le sait, les auditions menées par le Parlement en mai 2022 ont mis en évidence ce problème dénommé aujourd’hui le « Blues des élus ».

    Peu avant ces auditions, en avril 2022, j’ai moi-même lancé l’opération #AmbitionsCommunes qui avait pour objectif d’aller à la rencontre des plus petites communes pour identifier les problématiques rencontrées au quotidien et construire avec leurs représentants des pistes de solutions.

    Ces nombreuses rencontres m’ont permis de rencontrer près de 300 bourgmestres et directeurs généraux et de travailler avec 250 agents, chefs de service …

    Les éléments concrets relevés dans les 3 thématiques prioritaires sont :
    - la complexité administrative ;
    - la logique des appels à projets ;
    - la gestion des ressources humaines.

    En ce qui concerne la réduction du poids de la bureaucratie et donc la simplification administrative, j’ai pu intégrer les apports de cette opération dans les décrets modificatifs du CDLD et de la Loi organique des CPAS sur les marchés publics votés par le Parlement en octobre 2022.

    De plus, des travaux menés en groupe de travail avec des représentants des pouvoirs locaux (dont l’UVCW, le SPW IAS et les Fédérations de grade légaux) entamés déjà depuis 2021, m’ont permis de déposer en première lecture le 26 mai 2023 deux projets de décrets modifiant le CDLD et la loi organique des CPAS visant à simplifier le fonctionnement et l’organisation des organes communaux et provinciaux. Ces projets ont été aussi alimentés par les réflexions abouties de l’opération Ambitions communes et visent par exemple :
    - la compétence donnée au collège pour répondre à un appel à projets ;
    - une modernisation des processus de publication des règlements et ordonnances ;
    - l’autorisation d’usage de la signature électronique ;
    - la possibilité, moyennant délégation, de passer un acte notarié en visioconférence ;
    - la clarification des compétences pour la gestion immobilière et patrimoniale ;
    - et cetera.

    La simplification administrative et la logique des appels à projets ayant un caractère transversal, j’ai invité chaque membre du Gouvernement par une note déposée le 30 mars 2023 à prendre connaissance du rapport et des pistes de solution émises par les pouvoirs locaux, et à mener, dans sa sphère de compétence, une réflexion quant à l’intégration de celles-ci.

    L’enquête de l’UVCW menée entre le 8 février et le 27 mars 2023 auprès des communes de Wallonie présentée lors de leur AG du 23 mai 2023, mérite notre attention sur des éléments précédemment cités et de manière immédiate sur la question des relations avec les citoyens et l’impact des réseaux sociaux.

    En ce qui concerne ces réseaux, mes avant-projets de décrets sur la simplification présentés au gouvernement le 26 mai 2023 intègrent les réseaux sociaux au niveau de la communication.

    Les modifications visent à règlementer l’accès des groupes politiques aux réseaux sociaux de la commune. Les communes peuvent, de surcroît, ouvrir une page officielle sur les réseaux sociaux destinée à fournir rapidement des informations aux citoyens.

    Concomitamment, des formations pour les nouveaux élus sont en préparation pour les aider à l’usage constructif des réseaux sociaux qui créent aujourd’hui de nombreuses difficultés.

    Enfin, j'ai interpellé au mois de février le Ministre de la Justice afin que soit apportée une réponse pénale aux expressions délictueuses sur les réseaux à l’égard des élus et sollicité le Collège des procureurs généraux afin que, dans l’attente d’une réforme de l’article 150 de la Constitution, les Parquets poursuivent ces expressions et sollicitent le renvoi de leurs auteurs en cours d’assises.

    La démocratie participative fait partie de la solution pour renouer le dialogue et dynamiser le fonctionnement institutionnel. La crise, elle est aussi, et surtout, une crise de confiance, pour ne pas dire de défiance à l’égard du politique.

    S’agissant de la gestion des ressources humaines, les préoccupations exprimées rejoignent les constats qui ont été dressés dans le cadre du groupe de travail du Comité C consacré à une réforme de la Fonction publique locale. Un plan d’action a de ce fait déjà pu être établi en proposant des avant-projets de décrets modifiant le code de la démocratie locale et de la décentralisation et la loi organique des CPAS ainsi qu’une circulaire qui complétera le dispositif décrétal. Ces textes adoptés en première lecture par le Gouvernement le 15 juin 2023 concrétisent les réponses à apporter aux difficultés soulevées sur la thématique de la gestion des ressources humaines : plus de souplesse, de réactivité, d’attractivité, de mutualisation …

    Cette réforme met ainsi l’accent, entre autres, sur l’objectivation des procédures de recrutement par l’imposition de la publicité des appels à candidatures, la constitution d’une commission de sélection, l’organisation d’épreuves, la comparaison des titres et compétences et veille à améliorer l’attractivité avec par exemple la valorisation de l’entièreté de l’ancienneté acquise dans le secteur public et dans le secteur privé ou en tant qu’indépendant dès lors qu’elle est utile pour la fonction à exercer.

    Dans le même temps, ma volonté est de garder une certaine souplesse dans leur mise en œuvre, et de tenir compte des difficultés rencontrées sur le terrain. En prévoyant par exemple une exception à l’appel public pour les recrutements en cas d’urgence impérieuse dûment motivée et pour les contrats à durée déterminée de moins d’un an.

    Les modifications prévoient notamment :
    - la promotion des agents statutaires et contractuels avec une priorité pour le personnel statutaire ;
    - la possibilité pour la commune et le CPAS d’organiser une mobilité pour des emplois de grades équivalents et de nature juridique identique ;
    - de décloisonner les carrières en mettant fin à l’étanchéité des carrières administrative, technique et ouvrière pour permettre plus de possibilités de promotion ou de mobilité interne ;
    - la définition et l’imposition des outils RH (comme le cadre, l’organigramme, les descriptions de fonction, le plan de formation et l’évaluation) nécessaires pour mener une véritable gestion des ressources qui soit professionnalisée ;
    - la possibilité de mise à disposition du personnel statutaire, sachant que pour les contractuels, le Ministre PY Dermagne a été contacté en vue d’adapter sa législation ;
    - la mise à la retraite du personnel statutaire est adaptée aux législations fédérales en matière de pension légale et ouvre la possibilité de poursuivre son activité au-delà de l’âge légal de la pension.

    Si toutes les problématiques ne peuvent être solutionnées au cours de cette législature, les recommandations émises lors de l’Opération Ambitions communes notamment continueront à exister au-delà et pourront être traitées dans la prochaine DPR et législature.