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Le décrochage des installations photovoltaïques

  • Session : 2023-2024
  • Année : 2023
  • N° : 26 (2023-2024) 1

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  • Question écrite du 12/09/2023
    • de AHALLOUCH Fatima
    • à HENRY Philippe, Ministre du Climat, de l'Energie, de la Mobilité et des Infrastructures
    Je souhaitais interroger Monsieur le Ministre sur un phénomène qui gagne en intensité : le décrochage des installations photovoltaïques en Wallonie. Peu de personnes, il y a de cela encore quelques années, auraient pu prédire l'ampleur du développement du photovoltaïque dans notre Région. Et pourtant, la guerre en Ukraine, qui constitue à elle seule un désastre pour l'environnement à de nombreux égards, a paradoxalement contribué à l'ascension fulgurante du photovoltaïque en Wallonie.

    De nombreux propriétaires ont ainsi opté pour l'installation de panneaux photovoltaïques qui transforment, grâce à un onduleur, le courant continu en courant alternatif afin de l'intégrer dans le réseau de distribution. L'utilisation du réseau est telle que plusieurs propriétaires constatent le décrochage de leur onduleur qui échoue à intégrer l'électricité récoltée sur le réseau déjà saturé. Ils perdent ainsi une part importante de leur électricité et sont parfois contraints de redevenir clients sur le réseau habituel malgré les nombreuses dépenses consenties.

    Plusieurs investissements de long terme pour renforcer le réseau sont prévus par les gestionnaires de réseau. Si ces investissements sont nécessaires, ils sont lointains et ne répondent pas à la demande immédiate. En 2016, 563 plaintes concernaient l'impossibilité d'utiliser le réseau avec le photovoltaïque. Pour la seule année 2022, on en dénombre 1590 sur un total de 285 000 installations. Preuve de l'importance du phénomène, le gestionnaire Résa comptabilise 700 plaintes pour le seul mois de mai 2023.

    L'absence de cadastre qui répertorierait les dysfonctionnements empêche de saisir plus précisément l'ampleur du phénomène. Des discussions seraient en cours avec les gestionnaires de réseau pour régler la possibilité d'une indemnisation des propriétaires lésés. Cette option permettrait de prendre en charge immédiatement un dysfonctionnement qui devra être solutionné structurellement et sur le long terme. Néanmoins, une telle indemnisation nécessite de prendre en compte la déficience du réseau, mais aussi la nécessité pour le propriétaire d'acheter de l'électricité. Il est essentiel, dans le cadre de la transition énergétique, de dédommager justement ceux qui ont fait le choix le plus durable. Faute de quoi il y a fort à parier que les acheteurs potentiels de photovoltaïque décident de faire volte-face.

    Quelle est l'analyse de Monsieur le Ministre sur cette problématique ?

    Un cadastre répertoriant les dysfonctionnements liés au photovoltaïque est-il à l'étude ?

    Qu'en est-il de la possibilité d'indemniser les propriétaires lésés ?

    Comment serait calculée cette indemnisation ?

    Qu'en est-il des solutions de long terme ?
  • Réponse du 03/01/2024
    • de HENRY Philippe
    La question de l’honorable membre est particulièrement d’actualité. Le développement de la filière photovoltaïque s’est accéléré à la suite de la crise des prix énergétique. Son potentiel de développement est encore très important et il doit être mis en œuvre pour répondre aux objectifs ambitieux en termes d’énergies renouvelables que le Gouvernement a décidé dans le cadre du Plan Air Climat Energie (PACE).

    Ce développement accéléré conduit de façon de plus en plus fréquente certains onduleurs à décrocher, ce qui est susceptible d’entraver le développement de cette filière.

    La solution se trouve principalement chez les gestionnaires de réseau de distribution, qui sont les seuls à pouvoir intervenir sur l’adaptation de leur réseau électrique. Il s’agit d’une obligation de résultat, car le décret électricité impose aux GRD de développer leur réseau pour correspondre aux besoins.

    Pour les aider à moderniser leur réseau, le Gouvernement a décidé d’accorder une subvention aux GRD d’un montant de 214 millions d’euros. Une première tranche a été libérée en ce mois de décembre à ORES et RESA, le solde devrait être libéré au premier trimestre 2024.

    En parallèle, une cellule de coordination pour la transition énergétique des réseaux d’électricité a été créée à l’initiative du Gouvernement, qui débutera ses travaux le 1er janvier 2024. Un des groupes de travail constituant cette cellule se penchera précisément sur « la poursuite de la modernisation des réseaux basse tension wallons ». Car si les GRD sont à la manœuvre pour résoudre les problèmes de décrochage, ils doivent néanmoins prendre en compte les priorités et les besoins de tous ceux qui utilisent le réseau. C’est pourquoi, outre les GRD, seront invités à participer à ce groupe de travail : la CWaPE, Test-Achats, le RWaDE, BeProsumer …

    De façon à formaliser une responsabilité entre toutes ces parties, une proposition d’arrêté de Gouvernement a été déposée par la CWaPE et est examinée actuellement par nos juristes. Il s’agit de prévoir une indemnisation financière au bénéfice des prosumers, payée par le GRD lorsque celui-ci n’est pas en mesure de résoudre dans des délais raisonnables une situation objectivée de coupure d’onduleur causée par une surtension sur le réseau. Le but n’est pas tant d’indemniser de façon très précise le préjudice subi, parce que cela nécessiterait des moyens importants qui pourraient contrecarrer l’objectif poursuivi à savoir mettre fin aux décrochages constatés. L’indemnisation sera donc calculée sur base forfaitaire en fonction de la capacité de l’installation. Le but consiste à créer une dynamique où chaque problème identifié doit trouver une résolution rapide.

    L’honorable membre cite, dans sa question, l’absence de cadastre. Un cadastre des décrochages serait effectivement un outil très précieux pour les GRD. Un tel cadastre nécessite des mesures sur place et un rapatriement de ces données chez le GRD. C’est exactement ce que permet un compteur communicant. C’est une des raisons pour lesquelles le Gouvernement modifie le décret électricité pour accélérer le déploiement des compteurs communicants afin d’atteindre 100 % fin 2029. Entretemps les compteurs communicants seront placés gratuitement chez le consommateur qui en fait la demande. C’est particulièrement intéressant pour le prosumer, qui peut ainsi augmenter son taux d’autoconsommation (et donc faire baisser sa facture), ou qui peut faire constater des surtensions sur le réseau et obtenir une solution aux décrochages, voire une indemnisation si l’intervention est tardive.

    Si les GRD sont les acteurs essentiels pour la résolution des problèmes de décrochage, il ne faut pas négliger l’impact que peuvent avoir les consommateurs, qu’ils aient ou non des panneaux photovoltaïques. Si les ménages pouvaient consommer de préférence durant les heures les plus ensoleillées, le problème serait moins crucial. C’est en effet quand une production locale est importante sans qu’il y ait de consommation significative dans les environs que la surtension survient. La CWaPE est en phase de finalisation d’une structure tarifaire incitative qui va proposer des plages horaires avec un tarif plus intéressant durant les « heures solaires ». Cette structure tarifaire sera effective dès le 1er janvier 2026. Mais dès à présent, les prosumers ont tout intérêt à autoconsommer au maximum. Des appareils domotiques adaptés à cette optimisation sont disponibles et font l’objet de primes de 40 % (avec un maximum de 400 euros de prime par ménage).