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La stratégie wallonne pour une alimentation durable

  • Session : 2023-2024
  • Année : 2023
  • N° : 31 (2023-2024) 1

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  • Question écrite du 15/09/2023
    • de DI MATTIA Michel
    • à TELLIER Céline, Ministre de l'Environnement, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité et du Bien-être animal
    Dans le cadre du Plan « Food Wallonia », le Gouvernement wallon a récemment approuvé, à l'initiative de Madame la Ministre, six nouveaux projets pour promouvoir la transition vers un système alimentaire durable en Wallonie. Ces projets sont destinés à mettre en œuvre cinq actions prioritaires, dont la prolongation du soutien financier au programme du local dans l'assiette. Pour rappel, « Food Wallonia » vise à accélérer la transition vers une alimentation durable à l'horizon 2025 et se compose de 19 actions axées sur l'aide financière, la sensibilisation et la réglementation.

    Comment Madame la Ministre compte-t-elle intégrer ces nouvelles initiatives dans la stratégie de gouvernance agricole et alimentaire « Manger Demain », et plus spécifiquement au travers des alliances « emploi environnement alimentation » et des moyens du green deal ?

    Quelles mesures concrètes sont-elles prises pour encourager la création de conseils alimentaires locaux et soutenir le développement d'entreprises de transformation et de commercialisation dans le secteur alimentaire wallon ?

    Plus spécifiquement, à quelles actions prioritaires du Plan « Food Wallonia », ces six nouveaux projets entendent-ils répondre pour contribuer à la réalisation des objectifs du Gouvernement en la matière ?

    Enfin, a-t-elle pu objectiver les effets du programme « du local dans l'assiette » sur l'augmentation de la consommation de produits locaux et bio issus de circuits courts dans les cantines de collectivités ?

    Quelles sont les nouvelles modalités de financement déterminées pour son éventuelle prolongation ?
  • Réponse du 08/11/2023
    • de TELLIER Céline
    Le Gouvernement de Wallonie porte une attention grandissante à la nécessité d’accélérer la transition vers un système alimentaire durable en Wallonie. En 2018, la Stratégie Manger Demain a vu le jour et définit un cadre méthodologique pour cette transition, avec notamment la co-construction d’une vision transversale et systémique de la transition avec les acteurs du terrain, consignée au sein du Référentiel « Vers un système alimentaire durable en Wallonie » et la mise en place d’un cadre opérationnel.

    C’est le travail que j’ai notamment poursuivi en lançant le Green Deal 2.0 visant à amplifier l’accompagnement des cantines durables et en établissant un plan d’action Food Wallonia en 2022 comme Alliance Emploi-Environnement Alimentation.

    Food Wallonia prévoit 19 actions dont 12 prioritaires à réaliser à l’horizon 2025. Comme l’honorable membre le souligne, 6 nouveaux projets ont été lancés à mon initiative en juillet dernier et s’inscrivent dans la mise en œuvre de cinq actions de Food Wallonia jugées prioritaires par le Gouvernement wallon :
    (1) Faciliter la transition de la restauration collective vers une alimentation durable ;
    (2) Soutenir la mise en œuvre d’actions communautaires pour améliorer l’accès à une alimentation durable des ménages vivant dans la précarité et/ou la pauvreté ;
    (3) Structurer l’offre d’accompagnement, de formation et de test d’activité ;
    (4) Renforcer la gouvernance du système alimentaire au niveau régional et au niveau local ;
    (5) Renforcer la transversalité et la cohérence des politiques wallonnes en lien avec le système alimentaire.

    Ces 6 projets viennent compléter toute une série de projets déjà existants pour accélérer la transition du système alimentaire wallon.

    Il est certainement utile de rappeler que les priorités du Gouvernement wallon ont été structurées dans Food Wallonia selon 3 ambitions qui permettent d’aborder les enjeux de la transition alimentaire de façon systémique et transversale et en considérant tous les objectifs stratégiques de la transition définis au sein du Référentiel de la stratégie « Manger Demain ».

    Tout d’abord, il y a l’ambition de participer de façon collective à la transition vers un système alimentaire durable. C’est dans le cadre de cette ambition que des mesures concrètes sont prises pour encourager la mise en place de conseils de politique alimentaire.

    Au niveau régional, le Collège wallon de l’Alimentation Durable - le CwAD - est en place depuis fin 2020. Ce Collège, rassemblant 40 membres diversifiés du système alimentaire wallon, a déjà été force de proposition auprès de Gouvernement pour construire les 19 actions du plan Food Wallonia. Il remettra également un avis sur les avancées en matière de transition alimentaire en Wallonie début 2024, qui consolidera les points de vue des différents acteurs du système alimentaire wallon. Cet avis commun permettra d’outiller le Gouvernement wallon pour guider l’action publique en matière de transition alimentaire - en tenant compte des réalités de ces différents acteurs.

    Au niveau local, 10 projets de gouvernance territoriale sont financés depuis 2020 suite à l’appel à projets « Soutenir la relocalisation de l'alimentation en Wallonie ». Il s’agit de projets pilotes qui ont permis d’initier la réflexion sur ce qu’est un Conseil de politique alimentaire (CPA) et sur ce qu’on attend des CPA locaux. Ce travail a permis d’aboutir à la définition d’un cadre commun qui structure notamment les missions et la composition des CPA locaux.

    Cet été, à mon initiative, le Gouvernement wallon a en effet décidé de prolonger ces projets pilotes pour qu’ils deviennent plus structurels dans la gouvernance alimentaire wallonne. À cette fin, trois volets de travail ont été identifiés : la définition d’un dispositif de financement structurel, la mise en place d’un accompagnement collectif et individuel des CPA pour qu’ils soient alignés entre eux et avec les priorités régionales, et la mise en place d’un dispositif de reconnaissance des CPA émergents qui tiennent compte des réalités de chaque territoire.

    Mettre en place une gouvernance alimentaire qui permet de construire et de mettre en œuvre des politiques ambitieuses et efficaces nécessite également de prendre de la hauteur. C’est pourquoi dans le cadre des six projets qu’il mentionne, un second projet identifiera les bonnes pratiques chez nos voisins européens et analysera leur pertinence pour la Wallonie.

    Ensuite, je soutiens de nombreux projets qui contribuent à l’ambition de relocaliser les savoirs en Wallonie. Ces projets permettent notamment de « soutenir le développement d’entreprises de transformation et de commercialisation dans le secteur alimentaire wallon » comme l’honorable membre le mentionne. En 2020, 46 projets pilotes ont été financés pour trois ans pour soutenir la relocalisation. Depuis cette année, 57 projets d’infrastructure de transformation, de logistique et de structuration de filières sont financés sur mon initiative pour relocaliser notre alimentation et soutenir les acteurs de la filière dans cette relocalisation. Au-delà de ces projets d’envergure régionale, il est également important de veiller à l’accompagnement des initiatives locales et porteuses des priorités de transition wallonne. C’est dans ce cadre qu’un projet pilote, financé depuis 2 ans, a été prolongé pour 2 années complémentaires en tant qu’outil au service de la relocalisation via le rapprochement entre producteurs et consommateurs. En effet, cet outil permet de structurer et faciliter les échanges entre producteurs et consommateurs impliqués dans la démarche, d’adopter une vision holistique de l’alimentation et d’instaurer une dynamique d’amélioration continue des pratiques.

    Enfin, je contribue activement à l’ambition de partager les saveurs wallonnes produites localement et de façon durable. Cette notion de partage implique une accessibilité de tous à une alimentation durable. Depuis quelques années, on voit une augmentation de la pauvreté et de l’insécurité alimentaire. Les crises à répétition ces dernières années forcent les ménages dans ces situations à raboter davantage le budget qu’ils allouent à l’alimentation, car les autres budgets sont incompressibles. Les inégalités d’accès à l’alimentation de qualité se traduisent ensuite par de profondes inégalités en matière de santé. Face à cette urgence, j’ai lancé cet été un nouveau projet pilote qui fait déjà ses preuves en France et à Bruxelles : la mise en place de dynamiques de groupements d’achats en communs dans les quartiers prioritaires où il semble important d’(e) (r)amener de la cohésion sociale. Ce modèle de groupement d’achat existe déjà sur le territoire wallon, mais il est peu développé auprès des ménages précarisés qui pourraient y trouver un avantage économique et une facilité d’accès à ces achats groupés de produits moins transformés, issus du circuit court et/ou bio.

    Cette ambition inclut aussi l’objectif de transition de la restauration collective vers un système alimentaire durable. Depuis 2019, la restauration collective a été définie comme prioritaire à la suite de l’adoption de la Stratégie Manger Demain. Un Green Deal Cantines Durable a donc été lancé. C’est un accord volontaire au sein duquel les acteurs s’engagent (via la signature d’une convention de transition) à mener des actions vers une offre alimentaire durable. En 2021, vu le succès du projet, le Green Deal 2.0 a été lancé, amplifiant l’accompagnement des cantines, les engageant dans la labélisation et l’approvisionnement en produits locaux grâce au soutien du Gouvernement wallon au travers de son Plan de relance. Les acteurs de terrain réclament aujourd’hui une pérennisation du mécanisme, il est donc important de réaliser un bilan et de définir une stratégie post-2024 pour la restauration collective. Une étude a donc été lancée en ce sens.

    Concernant plus spécifiquement le programme « Coup de pouce, du local dans l'assiette » qu’il mentionne, il vient appuyer directement le Green Deal et répond également à cette ambition de partager les saveurs au sein de la restauration collective. Lancé pour la première fois en mars 2022, le Coup de Pouce « Du local dans l’assiette » est un financement destiné à permettre aux cantines de collectivités, signataires du Green Deal Cantines durables, d’augmenter la part de produits locaux dans leurs repas sans augmenter le coût utilisateur de ceux-ci et sans rogner sur la marge du producteur. Il fait intégralement partie du processus d’accompagnement des cantines signataires du Green Deal. Ce dispositif permet la prise en charge de 50 % des factures de produits locaux issus de circuits courts, le tout étant plafonné à 0,5 euro par repas et par jour, une majoration de l’intervention est prévue pour l’approvisionnement en produits bio. 75 cantines ont bénéficié du Coup de Pouce lors de sa phase pilote en 2022 pour un budget de 120 000 euros et près de 365 000 repas concernés. En 2023, c’est 234 cantines qui ont sollicité le coup de pouce, pour un montant estimé de 1 400 000 euros. L’engouement des cantines a été tel qu’une enveloppe complémentaire a dû être dégagée en juillet pour assurer un financement jusqu’en décembre 2024, il s’agit d’un des 6 projets validés par le gouvernement.

    Le Coup de pouce a été évalué suite à sa phase pilote, il a permis de mettre en place de nouvelles collaborations entre producteurs, fournisseurs locaux et les cantines. Ces collaborations ont permis de renforcer significativement la présence de produits locaux dans les repas des cantines, en donnant accès à ces dernières à des gammes de produits dont le coût ne pourrait être supporté sans ce dispositif. Du côté des producteurs, plus de 100 d’entre eux ont été touchés positivement. Ce sont les pommes de terre et les légumes qui ont été le plus largement plébiscités. Les produits bio concernent près de 50 % de l’approvisionnement local.

    L’évaluation du Coup de Pouce du local dans l’assiette 2022 et l’engouement pour l’édition 2023 ont démontré l’intérêt de prolonger ce dispositif du Coup de Pouce. Dans le cadre de cette prolongation, il est prévu que les cantines puissent être accompagnées par les chargés de mission de la Cellule Manger Demain pour identifier les produits potentiellement relocalisables, les nouveaux.elles fournisseur.es et établir de nouveaux partenariats. Une intervention majorée est prévue pour les produits bio, elle permettra un financement à hauteur de 50 % des dépenses en produits locaux et à hauteur de 70 % des dépenses en produits locaux et biologiques. Il est plafonné à 0,5 euro par repas servi au sein des établissements.

    L’objectif de poursuivre ce soutien dans la durée est de s’assurer que l’approvisionnement local soit bien ancré dans le fonctionnement des cantines et que les collaborations avec les fournisseurs locaux puissent se nouer dans la continuité voire s’anticiper au travers de prévisions de culture ou se pérenniser au travers de marchés publics. Par ailleurs, ce coup de pouce constitue un complément aux politiques wallonnes actuellement menées en amont de la chaîne d’approvisionnement par le financement de la production, de la transformation, de la logistique. En effet, ces financements ne porteront leurs fruits que si les débouchés à ces systèmes de production en circuits courts et relocalisés sont garantis. Le Coup de pouce y contribue très concrètement et est un levier important de développement de nouvelles filières pour les agriculteurs wallons.