/

Le réensauvagement en Wallonie

  • Session : 2023-2024
  • Année : 2023
  • N° : 38 (2023-2024) 1

2 élément(s) trouvé(s).

  • Question écrite du 15/09/2023
    • de GOFFINET Anne-Catherine
    • à TELLIER Céline, Ministre de l'Environnement, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité et du Bien-être animal
    En lien avec le concept de réensauvagement pour lequel j'avais interrogé Madame la Ministre, j'aimerais avoir de plus amples informations sur le projet Nassonia qui vise notamment à redonner sa place au sauvage et à permettre à des zones d'évoluer librement.

    Bien sûr, le projet a pour vocation de se dérouler sur les 80 prochaines années et nécessite au préalable une restauration des fonctions et processus écologiques. Mais des résultats, des retours d'expérience sont-ils déjà observables ?

    La surface forestière sous statut de protection a-t-elle déjà augmenté ?

    Où en est-on dans l'objectif de placer 115 ha en RI afin de réduire au maximum l'intervention humaine ?

    En lien avec cette libre évolution de la forêt, le projet stipule que « la chasse y restera encadrée par le DNF et pilotée par le Conseil de gestion des chasses de la Couronne ». Cela implique-t-il une différence des plans de tir par rapport aux autres parcelles ?

    Étant donné que Nassonia se veut être un laboratoire ouvert à la recherche, des expériences pilotes relatives à la chasse sont-elles envisagées ?

    20 ha de forêts feuillues seront plantés durant l'année 2023. Il s'agit de la conversion de mises à blanc en forêts diversifiées. Un mélange d'essences feuillues diversifiées et indigènes (bouleau verruqueux, des chênes sessiles et pédonculés ainsi que de l'aulne glutineux et du peuplier tremble) sera planté afin de recréer des milieux devenus rares en Belgique. Cela est-il en bonne voie ?

    Des plantations d'arbres non indigènes sont-elles prévues dans le contexte du dérèglement climatique ou ces espèces sont-elles plus résistantes que le hêtre ou l'épicéa ?
  • Réponse du 26/09/2023
    • de TELLIER Céline
    Comme l’honorable membre l’a évoqué, le concept de « rewilding », ou de « réensauvaugement », reçoit depuis plusieurs années une attention grandissante de la part des milieux scientifiques et politiques. Il présente en effet une belle opportunité d’aborder différemment la protection des milieux naturels. Dès 2009, l’Union européenne a adopté une résolution appelant à développer une stratégie ambitieuse de protection de la nature sauvage en Europe, qu’elle a ensuite récemment réaffirmée dans son « Green Deal ». Ce dernier recommande d’intégrer les espaces de nature sauvage comme outil pour atteindre les objectifs en matière d’aires protégées.

    Le réensauvagement, comme technique de conservation de la nature, peut s’entendre de différentes manières. Mais la plupart de ces approches ont toutes en commun de s’appuyer sur un fonctionnement autonome de la nature, démontrant que celle-ci s’y prend très bien, sans intervention humaine, pour assurer le développement maximal de la biodiversité.

    C’est le cas en forêt, où la libre évolution d’espaces forestiers sur le temps long est l’outil le plus efficace de maintien et de développement de la biodiversité. Une disposition innovante de notre Code forestier en 2008 impose d’ailleurs à tout propriétaire public de plus de 100 ha de forêt de placer 3 % de cette surface en réserve intégrale.

    S’inspirer au maximum du fonctionnement naturel et autonome de la nature est une opportunité qui doit être plus souvent explorée. Les méthodes de sylviculture proches de la nature en sont un bon exemple. Un autre cas, celui de la renaturation des cours d’eau et de la recréation de méandres, est aussi un exemple de réensauvagement. En plus de la biodiversité, cette pratique offre divers bénéfices à la société, comme la lutte contre les inondations et les sécheresses, ou encore l’approvisionnement des nappes phréatiques. Je citerai encore la gestion des milieux naturels sur base d’un pâturage naturel à grande échelle qui, avec l’aide de différents grands herbivores, a un impact positif sur la diversification du milieu.

    Néanmoins, certains milieux portant la trace de l’intervention humaine sont également très riches en biodiversité. C’est le cas des landes, des pelouses calcicoles ou des prairies maigres de fauche, qui sont issues de pratiques agropastorales ancestrales. Leur conservation, et celle de la biodiversité spécifique qui y est associée, nécessitent une gestion récurrente. L’action d’agriculteurs ou d’éleveurs assure ainsi leur pérennité par la continuité de pratiques en équilibre avec la nature, et ce aux quatre coins de la Wallonie.

    Ces deux approches de la conservation de la nature (« gestion » et « libre évolution »), sont donc complémentaires. Tout comme le sont également la protection plus stricte de zones à biodiversité remarquable, et l’intégration de plus de nature sur l’ensemble du territoire.

    Les actions de la Stratégie Biodiversité 360° concourent toutes à donner plus de place à la nature dans notre environnement et à retisser du lien entre l’humain et la nature sauvage. Autant de dimensions qui s’inscrivent dans cette lignée de « réensauvagement » de notre environnement.

    Dans la réforme de la loi sur la conservation de la nature que je porte actuellement, la logique du réseau écologique tient compte de l’intégrité des milieux, de leur degré de naturalité, et pointe les connexions essentielles nécessaires au déploiement et à la survie des espèces. Dans le chapitre sur les aires protégées, il y est aussi explicitement exprimé que nos réserves naturelles peuvent être soit dirigées, soit intégrales.

    Le réensauvagement est aussi l’une des 5 ambitions du master plan du projet Nassonia élaboré en 2020. Depuis 3 ans, celui-ci a notamment été traduit en un plan d’aménagement forestier et un plan de gestion de la future réserve naturelle, dont 115 ha seront désignés en réserve « intégrale ». De nombreuses autres actions de restauration sont prévues, qu’il s’agisse de forêts alluviales, de landes à bruyères, de conversion progressive de vieux peuplements d’épicéas, de l’augmentation de la quantité de bois mort… Autant d’actions qui renforcent le sentiment de nature et contribuent à donner des bases solides à la forêt de Saint-Michel. Un travail de réduction des traces humaines (panneaux, repères divers) et d’encadrement des promeneurs, via une nouvelle signalétique ciblée, est également en cours d’élaboration.

    Dans les parcs nationaux, 1 642 ha de réserve intégrale seront établis dans la Vallée de la Semois, et 1 318 ha en Entre-Sambre-et-Meuse. Dans le cadre des engagements en matière de création de réserves naturelles de la Déclaration de politique régionale, le DNF me propose aussi régulièrement de nouvelles réserves intégrales, dont la reconnaissance doit être soumise au Gouvernement.

    Comme elle le voit, la Wallonie consacre déjà de vastes espaces à la nature sauvage. Il m’importe de donner un cadre à la poursuite de ces efforts. Le réensauvagement correspond en effet à la fois à la nécessité de protéger la biodiversité, et de se reconnecter à la nature sauvage. Bien que la rumeur inverse persiste, les études montrent que le grand public, qu’il soit local ou touriste, préfère nettement les forêts aux caractéristiques très naturelles. Ces forêts sont également parmi les plus résilientes. Le réensauvagement témoigne donc bien de la convergence entre les intérêts humains et la protection de la biodiversité.