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La situation économique de la filière bio

  • Session : 2023-2024
  • Année : 2023
  • N° : 46 (2023-2024) 1

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  • Question écrite du 29/09/2023
    • de AHALLOUCH Fatima
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    L'agriculture biologique a été fortement impactée par le contexte délicat de ces derniers mois. En premier lieu bien sûr, la guerre ukrainienne et ses conséquences désastreuses sur l'inflation et les coûts des matières premières entre autres. Les choix des consommateurs également ont logiquement été guidés par la hausse des prix.

    À tel point que le bio, pourtant plébiscité par les consommateurs ces dernières années, fait face à une demande en berne qui ne rencontre plus l'offre des producteurs dans certains cas.

    En témoigne le courrier envoyé par La laiterie des Ardennes, une coopérative laitière, à ses fournisseurs qui explique qu'il est, je cite, « impératif d'aligner l'offre sur la demande et par conséquent de réduire collectivement les volumes de lait bio sous peine d'aller rapidement vers une correction structurelle des prix, inévitable à court terme dans un premier temps ».

    Les consommateurs, acculés par l'inflation, se déportent du bio qui coûte logiquement plus cher. Le recul moyen de la consommation bio est de 10 à 12 %, mais certains produits accusent un recul de plus de 20 %.

    L'entreprise Beneo par exemple, spécialisée dans la transformation de chicorées bio en sucres particuliers, constate que « le marché du bio est sous forte pression » et se caractérise par une « diminution des achats ». Face à ce constat, l'entreprise s'est résignée à interrompre sa production pour l'année 2024.

    La situation est inégale selon les producteurs et tend à s'améliorer lentement ces derniers mois. Entre le mois de janvier et le mois d'avril, le bio a connu une stabilité en volume (+ 0,36 %), alors que les aliments conventionnels, eux, ont subi une contraction (- 4 %). Les circuits courts s'imposent comme une valeur stable et tirent leur épingle du jeu en termes de croissance.

    Pour autant, un problème d'ampleur se fait progressivement jour. Au-delà des disparités au sein du bio entre certains producteurs en difficulté et d'autres plus résilients, le problème résiderait dans le manque structurel de marchés et dans l'incapacité pour les producteurs à négocier des prix justes. Ce manque de débouchés et l'impossibilité pour les acteurs de réviser les contrats font courir un risque de déclin à la filière dans son ensemble sur le long terme.

    Monsieur le Ministre peut-il nous éclairer sur la situation économique de la filière bio ?

    Comment les entreprises belges sont-elles soutenues ?

    Qu'en est-il des aides apportées aux circuits courts ?

    Quel rôle la Région peut-elle jouer pour subvenir au manque de débouchés qui affecte la filière ?
  • Réponse du 19/10/2023
    • de BORSUS Willy
    Les acteurs du secteur bio observent avec soulagement l’amorce d’une reprise de la consommation bio dans les magasins bio depuis mars 2023. Cependant, ce regain des ventes ne se fait pas immédiatement ressentir pour les producteurs ; un laps de temps plus ou moins long est nécessaire afin que les stocks de produits finis soient écoulés chez les transformateurs et les distributeurs et que ceux-ci commandent à nouveau chez les producteurs. La reprise semble être davantage ressentie au sein du circuit court en comparaison avec le circuit long où l’on constate à la fois des décalages avec les prix payés aux producteurs bio et une diminution des références et des volumes de produits belges bio.

    Le marché bio, d’ordinaire stable dans sa croissance, est devenu depuis 2020 imprévisible et fluctuant. En effet, les comportements d’achats des consommateurs sont difficiles à prévoir, ce qui occasionne des commandes de marchandise tantôt suffisantes, tantôt excédentaires. Actuellement, les nouveaux débouchés se font plus rares et l’offre excédentaire n’est pas rare dans les filières majoritaires.

    La situation du secteur bio est compliquée et tendue dans de nombreux pays européens. Les charges qui pèsent sur la rentabilité des fermes bio sont conséquentes, notamment au niveau de l’énergie, des coûts liés à la main-d'œuvre, mais aussi des consommables (notamment l’alimentation animale) ; elles ne sont toutefois pas compensées par des augmentations proportionnelles des prix payés aux producteurs. Cela génère des questionnements sur la rentabilité des fermes bio et l’on constate sur la filière des impayés croissants (retard de 4-5 mois) qui impactent les trésoreries ainsi que des fermetures d’entreprises bio (producteurs, artisans et points de vente).

    Face à cette situation, différentes initiatives sont menées dans le cadre du Plan Bio 2030 où l’accent est actuellement mis sur les aspects marchés. C’est principalement au travers de la Socopro et de Biowallonie, qui travaillent sur le développement et la structuration des filières et la recherche de débouchés, ainsi que par l’APAQ-W qui travaille sur la promotion du bio au travers de différentes campagnes, que les efforts sont entrepris. Il est notamment question de concevoir et de mettre en œuvre des plans stratégiques de développement des filières biologiques afin d'identifier de nouvelles opportunités pour élargir la part de marché des produits biologiques dans tous les canaux de distribution.

    En complément des initiatives structurantes du Plan Bio 2030, la Wallonie soutient le développement du marché bio au travers du plan de relance par la mise en place d’une « Interface Producteurs Distributeurs » visant à augmenter la part de produits locaux dans les différents segments de distribution. Cette initiative, menée par les différents acteurs cités plus haut et l’IFELW, est active pour plus de 35 % dans la commercialisation des produits bio et elle soutient la mise en place d’une coopérative de commercialisation de produits bio sur la marché bruxellois (MABIO). Des actions de facilitation commerciale, de mise en place de codes-barres et de mise en place de displays de produits locaux pour les magasins (dont 40 % à minima sont bio) sont menées ainsi que des actions de réduction de coûts logistiques en vue d’augmenter la compétitivité des produits locaux (bourse aux transports).

    La Wallonie, au travers de l’appel à projets « Relocalisation », soutient concrètement 57 initiatives dont de nombreuses sont spécifiques au marché bio ou s'inscrivent dans le développement mixte des filières.

    Concernant l’aide aux producteurs, les enveloppes UE de soutien exceptionnel aux pertes subies par les producteurs suite à la guerre menée par la Russie en Ukraine permettent de soutenir les producteurs de pommes en vergers et a permis de soutenir la volaille et le porc l’année dernière, pas exclusivement bio.

    En complément, le Gouvernement développe certains soutiens spécifiques aux circuits courts dont notamment « Du local dans mon point de vente » et « Du local dans mon assiette », deux projets gérés par Manger Demain en vue de soutenir l’approvisionnement local bio dans les cantines et l’accès aux plus vulnérables aux points de vente bio, circuit court et en vrac.

    Les enjeux de relance de la consommation de grande envergure des produits bio, de priorisation de l’origine wallonne pour les achats bio et de soutien aux acteurs en difficultés de trésorerie restent des défis importants qui nécessitent l’action conjointe de tous les acteurs et de toutes les parties prenantes. Ce sont des dynamiques que la Wallonie soutient de manière prioritaire.