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La portée des notions de plan de délimitation et d’alignement général ainsi que d’atlas des voiries communales

  • Session : 2023-2024
  • Année : 2023
  • N° : 47 (2023-2024) 1

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  • Question écrite du 29/09/2023
    • de DEMEUSE Rodrigue
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    Je souhaiterais faire le point avec Monsieur le Ministre sur la portée des plans généraux de délimitation et d'alignement, ainsi que de l'atlas des voiries communales.

    L'article 2, 4°, du décret du 6 février 2014 relatif à la voirie communale définit l'alignement général comme étant un « document graphique à caractère réglementaire figurant dans un plan et déterminant les limites longitudinales tant présentes que futures d'une ou de plusieurs voiries ; il donne une destination publique aux terrains qui sont ou seront incorporés dans la voirie ; ces terrains sont ainsi, le cas échéant, grevés d'une servitude légale d'utilité publique ».

    L'article 2,6°, définit le plan de délimitation comme le « plan topographique fixant la position des limites longitudinales de la voirie communale ».

    L'article 2,7°, définit l'atlas des voiries communales comme l'« inventaire numérique sous forme littérale et cartographique établi et actualisé conformément au présent décret ».

    L'article 91 stipule : « La voirie communale au sens de l'article 2,1°, comprend la voirie communale actuelle et la voirie vicinale au sens de la loi du 10 avril 1841 sur les chemins vicinaux.

    Les plans généraux d'alignement et de délimitation des chemins vicinaux au sens de la loi du 10 avril 1841 sur les chemins vicinaux sont consignés dans le registre communal prévu à l'article 9, § 1er. »

    Selon V. Genot (De la Voirie par terre, p 161), « Un arrêté royal du 15 juin 1841 a approuvé une convention conclue entre le Ministre de l'Intérieur et M. Heusschling, inspecteur du cadastre dans le Brabant, pour la confection des plans généraux d'alignement et de délimitation des chemins vicinaux. (…) D'après la convention Heusschling, chaque atlas doit comprendre : 1° un plan général présentant le territoire de chaque commune et l'ensemble de ses communications vicinales, 2° des plans de détail présentant les renseignements exigés par la loi ».

    Il résulte de cet article de doctrine que les atlas Heusschling dont disposent toutes les communes suite à l'exécution de cet arrêté royal sont bien les plans généraux d'alignement et de délimitation des chemins vicinaux dont question aux articles 1 et 2 de la loi du 10 avril 1841 et à l'article 91, alinéa 2 du décret du 6 février 2014 relatif à la voirie communale.

    Il va évidemment de soi qu'il faut y ajouter tous les plans généraux d'alignement et de délimitation établis ultérieurement et qui viennent les compléter ou les remplacer partiellement.

    Monsieur le Ministre peut-il me confirmer que tant que des plans généraux d'alignement et de délimitation plus récents ne leur ont pas été substitués, les plans généraux d'alignement et de délimitation contenus dans les atlas Heusschling du 19e siècle constituent bien des plans généraux d'alignement et de délimitation ou, à tout le moins, des plans de délimitation au sens de l'article 2, 6° du décret du 6 février 2014 relatif à la voirie communale (dans la mesure où ces plans Heusschling indiquent le plus souvent les limites existantes des chemins, mais rarement les emprises à incorporer dans la voirie qui en feraient des plans généraux d'alignement) ?

    Ces atlas Heusschling constituent pour les communes des titres à la prescription (et non des titres de propriété), ce qui implique que les communes peuvent se prévaloir de ce titre à la prescription en cas de litige, à charge pour le prétendu possesseur de prouver que la commune n'a jamais été en possession effective du chemin ou sentier querellé de l'atlas, malgré sa mention sur celui-ci. Les communes auront donc intérêt à faire valoir en justice, dans ce cas, outre la présentation de l'atlas comme titre à la prescription, des éléments corroborant leur prise de possession effective après l'approbation de l'atlas.

    Monsieur le Ministre confirme-t-il cette interprétation, seule respectant l'intérêt général ?

    Certaines théories particulièrement problématiques et contraires au prescrit légal voudraient soustraire aux atlas Heusschling leur qualité de plan général de délimitation et d'alignement en les réduisant au simple rang de source exclusivement indicative (donc au même titre que le Cadastre, les cartes IGN ou les cartes Openstreetmap) d'une situation de voirie publique qui a existé juridiquement dans un temps déterminé aux lieux référencés, mais sans pouvoir présumer de la persistance de cette voirie dans le temps, compte tenu de l'imprécision des moyens dont on disposait au XIXe siècle lors de leur confection et de l'absence de mise à jour de cet outil, ainsi que du fait que la notion de voirie communale constitue une question de fait.

    Monsieur le Ministre confirme-t-il que ces théories sont bien incompatibles avec la notion de plan général d'alignement et de délimitation que la loi du 10 avril 1841 conférait à ces atlas Heusschling et que l'article 91 du décret du 6 février 2014 a repris à son compte ?
  • Réponse du 12/10/2023
    • de BORSUS Willy
    La définition actuelle du plan général d’alignement telle qu’elle ressort du décret relatif à la voirie communale, et les explications données à propos de celui-ci à l’occasion des débats parlementaires permettent de bien différencier ce plan général d’alignement du plan de délimitation.

    Le plan général d’alignement ne crée pas, en lui-même, la voirie communale, mais permet de déterminer l’intention de l’autorité communale de voir, un jour, les limites de la voirie établies à un endroit déterminé.

    En cela, il donne une destination publique aux terrains visés, dès lors qu’il vise à informer le public de cette intention, créant ce faisant des conséquences juridiques dont une servitude non aedificandi ou de non-bâtisse, soit une interdiction de principe, sauf autorisation expresse, telle que visée par l’article D.IV.55 du CoDT, d’ériger toute construction sur l’assiette ainsi couverte.

    La création de la voirie communale, quand bien même existerait un tel plan général d’alignement, nécessite la réalisation de la procédure classique prévue par le décret et, dès lors, la réalisation d’un plan de délimitation.

    Ce plan de délimitation n’a quant à lui aucune valeur juridique à lui seul, sans une décision communale relative à la création, la modification ou la suppression d’une voirie communale.

    En effet, dans la mesure où cet exemplaire communal de l’Atlas initial, lorsqu’il existe toujours, n’a, pour ainsi dire, été mis à jour de manière systématique, dans aucune des communes wallonnes actuelles, au gré des modifications du réseau viaire communal, que ce soit par des décisions communales explicites ou par l’usage du public, celui-ci ne peut être retenu, aujourd’hui, à titre de source juridique incontestable de l’existence de voiries communales.

    En l’absence de création d’un Atlas des voiries communales, au sens du décret éponyme, la validité des informations contenues dans l’ancien Atlas des voiries vicinales et leur valeur juridique, nécessitent une double analyse : une analyse documentaire, d’une part, afin de vérifier que des décisions ultérieures et de nouveaux plans ne furent pas adoptés, et une analyse factuelle, d’autre part, de manière à s’assurer que l’usage du public, durant un certain temps, n’a pas eu pour effet de modifier certaines voiries, voire, en l’absence d’usage, de faire disparaître celles-ci.

    Il n’existe donc pas de certitude quant au fait que ces plans d’alignement et, a fortiori, les plans de délimitation correspondraient à des voiries communales existantes actuellement.

    Il est exact que ces plans généraux d’alignement et plans de délimitation, tels que repris à l’Atlas des voiries vicinales, disposent d’un effet juridique, en ce qu’ils peuvent constituer un titre permettant, non pas de prescrire un droit sur les terrains concernés, mais bien de modifier les délais nécessaires à l’acquisition de ce droit.

    L’acquisition de ce droit par l’écoulement du temps nécessite cependant une analyse historique et factuelle permettant d’établir que, s’agissant d’une servitude de passage public, le public ou la commune a exercé une possession utile à la prescription, voire que cette dernière s’est comportée en qualité de propriétaire, s’agissant d’établir l’usucapion ou, autrement dit, la prescription acquisitive d’un droit de propriété sur ces terrains.

    En d’autres termes et comme le précisent plusieurs commentateurs récents en matière de voirie, ce n’était pas l’inscription à l’Atlas qui conférait la qualité de voirie vicinale, mais bien la possession qui devait remplir les conditions fixées par le Code civil, cette inscription à l’Atlas servant à abréger le délai d’usucapion (notamment : J-M. SECRETIN et F. NATALIS, La voirie communale : pérégrinations et cheminements juridiques », Bruxelles, Politeia, 2020, p.41 et D. LAGASSE, Droit de la voirie – Droit de la domanialité publique, in RPDB, Bruxelles, Larcier, 2019, p.267).

    La Cour de cassation a, dès le XXe siècle, pu préciser, à propos des principes de prescription acquisitive et de prescription extinctive des voiries, que « Le seul fait de l’inscription d’un chemin à l’atlas des chemins vicinaux ne peut constituer titre pour la commune, à l’effet d’acquérir par prescription, que lorsqu’il a été accompagné de la possession : l’usage public est tellement inhérent au chemin vicinal que la cessation de ce service public rend le chemin prescriptible » (Cass., 26 avril 1877, Pas., 1887, I, 216).

    Il convient de ne pas perdre de vue que cette même Cour a invariablement retenu, et, à sa suite, le Conseil d’Etat, que la notion de voirie publique constituait une notion de pur fait (Cass. 14 septembre 1978, Pas., 1979, I, p. 43), ce qui permet de mieux comprendre que le réseau viaire des communes wallonnes a sensiblement pu évoluer sur une période de plus de 180 ans, soit depuis l’adoption de la loi, aujourd’hui abrogée, à l’origine de la création de l’Atlas des voiries vicinales.

    En conclusion, partant du constat que la notion de voirie publique est avant tout une question de fait, que depuis l’établissement des plans composant l’Atlas des voiries vicinales, à partir de 1841, de multiples variations, tant expresses, de la part des autorités communales, que factuelles, découlant de l’usage du public et de l’effet des prescriptions extinctives et acquisitives, sont intervenues sans consignation audit Atlas, les informations fournies par ce dernier ne permettent pas de déduire juridiquement une certitude quant à l’existence actuelle d’une voirie communale.

    Cet ancien Atlas ne peut donc être considéré comme une source d’information juridique unique et fiable de l’état du réseau viaire communal, ce qu’exprimaient déjà les travaux parlementaires ayant mené à l’adoption du décret du 6 février 2014 relatifs à la voirie communale.