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La pollution à la dioxine dans le lait

  • Session : 2023-2024
  • Année : 2023
  • N° : 59 (2023-2024) 1

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  • Question écrite du 05/10/2023
    • de FONTAINE Eddy
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    Les dioxines sont des molécules apparaissant lors de combustions incomplètes, naturelles, domestiques ou industrielles. La contamination du lait de nos vaches laitières peut alors se faire par l'ingestion d'aliments ou de terres contaminés par les bovins.

    Très peu solubles dans l'eau, elles présentent une grande affinité pour la matière grasse. La dioxine la plus connue est la dioxine de Sévéso, classée comme cancérigène pour l'homme. Dès lors, la présence de dioxines dans l'alimentation des vaches et dans leur lait est très surveillée, et des contrôles réguliers sont effectués sur le lait collecté.

    Cependant, la détection d'une pollution à la dioxine au sein d'un élevage de vaches laitières peut avoir des conséquences désastreuses tant pour l'agriculteur que pour son bétail et le lait qu'il produit. Ainsi, les exploitants touchés peuvent perdre une grande partie de leurs revenus pendant des périodes prolongées, en attendant le résultat des analyses et prélèvements visant à déterminer l'origine de la contamination.

    Monsieur le Ministre peut-il me renseigner sur les éventuelles indemnisations possibles pour les exploitants frappés par une pollution à la dioxine au sein de leur élevage ?

    Peut-il m'indiquer les possibilités à disposition des exploitants dans le cas où ceux-ci ne sont aucunement responsables de la pollution détectée ?

    Peut-il également m'indiquer les causes principales de pollution à la dioxine détectées dans le lait des élevages wallons ?

    Quels sont les leviers d'action à sa disposition pour agir sur les causes d'apparition des dioxines domestiques ou industrielles ?

    Monsieur le Ministre peut-il me renseigner sur les signalements de cas de pollution à la dioxine en Wallonie lors des deux dernières années, ainsi que sur leur répartition géographique ?
  • Réponse du 23/10/2023
    • de BORSUS Willy
    Comme l’honorable membre le rappelle très justement, les dioxines sont naturellement des sous-produits de combustion de matières carbonées. Avant l’Homme, elles étaient produites par les activités volcaniques ou les feux de forêt. Leur émission dans l’environnement s’est cependant accélérée avec l’industrialisation et la tendance croissante à faire brûler des matières organiques et divers carburants à base de carbone. En revanche, bien que l’on sache les produire en laboratoire, on ne leur connait aucun usage industriel. Il n’y a donc aucune production volontaire de dioxines, hormis à des fins d’études ou d’étalonnage de dispositifs de surveillance, puisque ces substances sont utilisées comme indicateurs de la dégradation des environnements en général.

    Les sources principales de contamination du cheptel bovin (et incidemment du lait) restent donc les activités humaines liées à des combustions. La contamination du cheptel se fera soit par une exposition régulière à de faibles doses de dioxines, comme il pourrait en être éventuellement retrouvé à proximité d’un incinérateur, par exemple, ou à la suite d’une exposition ponctuelle à une forte concentration. On se rappellera bien entendu ici la « crise de la dioxine » qu’a connue la Belgique au printemps 1999. À la base, des huiles alimentaires recyclées pour produire de l’alimentation animale avaient été mélangées avec des huiles industrielles riches en dioxines. Ces dioxines issues de différents processus industriels avaient été concentrées dans ces huiles, puisque lipophiles. Dans l’impossibilité à l’époque de les tracer, tous les produits potentiellement contaminés avaient été retirés de la vente. Des analyses réalisées en France sur des produits importés de Belgique avaient finalement mis en évidence en général peu de cas de contamination. Depuis lors, l’AFSCA est chargée de surveiller ces molécules.

    Au niveau industriel, les entreprises qui seraient susceptibles de produire des dioxines, comme les incinérateurs, par exemple, se voient imposer des mesures de contrôle via les conditions particulières de leur permis d’environnement. Le contrôle du respect de ces conditions est effectué par le Département de la police et des contrôles du SPW ARNE.

    En ce qui concerne les productions domestiques, qu’elles proviennent des installations de chauffage ou de la combustion de déchets divers dans les jardins, il est évidemment difficile d’agir sur les sources. Au mieux pouvons-nous compter sur l’amélioration constante des performances des installations de chauffage, sur les conseils dispensés à la population en ce qui concerne leurs habitudes de chauffage ou encore sur les interdictions de brûler les déchets ménagers dans les jardins, présentes dans les règlements communaux.

    Comme il le mentionne, une éventuelle contamination d’un cheptel ou du lait produit peut entraîner des conséquences catastrophiques pour un exploitant. Il faut de plus signaler que, lors d’une telle interdiction, c’est l’AFSCA qui prend la décision et, à ma connaissance, ils ne proposent pas grand-chose comme solution à la victime. Même lorsque le responsable est facilement identifiable, une indemnisation implique généralement une procédure judiciaire. Et lorsque le responsable de la pollution n’est pas identifié, nous sommes malheureusement particulièrement démunis.

    Le Règlement (UE) 702/2014 de la Commission, du 25 juin 2014, déclarant certaines catégories d'aides, dans les secteurs agricole et forestier et dans les zones rurales, compatibles avec le marché intérieur, en application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, propose des aides à la reconstitution de cheptel, mais ce texte ne les envisage, normalement, que dans le cadre d’une perte liée à des maladies infectieuses.

    De même, il fut un temps où nous pouvions proposer une avance de fonds à l’exploitant, pour lui permettre de supporter les frais liés à ce sinistre, sur base de l’arrêté du Gouvernement wallon du 24 mai 2007 concernant les aides à l’agriculture. Une telle avance faisait l’objet d’une convention entre la Région et l’exploitant, prévoyant un remboursement au fur et à mesure de la perception de dédommagements.

    Malheureusement, cet AGW a été abrogé à la suite de la publication du Règlement européen 1408/2013 concernant les aides de minimis dans l’agriculture qui limitent fortement les montants allouables. Lorsque les conditions sont requises pour l’application de ce Règlement, nous ne pouvons dépasser à une aide de 20 000 euros sur une période de trois exercices si nous voulons éviter qu’elle soit qualifiée d’aide d’Etat.

    L’Administration n’a connaissance d’aucune contamination de lait aux dioxines au cours de ces deux dernières années. Cependant, une confusion courante dans la population fait l’amalgame entre les dioxines et les PCB. Contrairement aux dioxines, ces derniers sont des produits de synthèse, interdits depuis 1987, mais encore présents dans de nombreux déchets, par exemple. Ils sont moins toxiques que les dioxines, mais nettement plus abondants et certains membres de cette famille de composés ont un mécanisme de toxicité similaire à celui des dioxines. Ils peuvent également mener à une contamination du lait dans un élevage et, partant, aux mêmes interdictions que les dioxines.

    S’il a entendu parler d’une récente contamination aux dioxines dans un élevage bovin, je suppose qu’il s’agissait en fait de la contamination aux PCB constatée dans la région de Couvin.

    Alertés par l’AFSCA, les agents du Département de la police et des contrôles ont pris ce dossier en main, en collaboration avec l’ISSeP. On recherche activement la source de cette contamination et toute l’aide logistique possible est accordée à l’exploitant. De même, j’ai demandé à l’Administration de voir dans quelle mesure une aide pouvait être accordée dans le cadre du règlement de minimis mentionné ci-avant. C’est la seule contamination de lait aux PCB rapportée à l’administration au cours de ces deux dernières années et il n’est donc pas pertinent d’envisager une quelconque distribution géographique.