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Les maraîchers liégeois face à la pollution historique des sols

  • Session : 2023-2024
  • Année : 2023
  • N° : 72 (2023-2024) 1

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  • Question écrite du 11/10/2023
    • de WITSEL Thierry
    • à TELLIER Céline, Ministre de l'Environnement, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité et du Bien-être animal
    Depuis août 2021, suite à des modifications au niveau européen, les teneurs maximales admissibles dans les denrées alimentaires pour le plomb et le cadmium ont été revues. Cette modification a impacté certains maraîchers de la région liégeoise. En effet, une présence de métaux lourds, historique et liée aux anciennes industries dans le bassin de la Vesdre, a été constatée. Ce constat a empêché de ce fait la vente des légumes issus des terrains pollués.

    Suite à cet état de fait, plusieurs réunions ont été organisées avec les maraîchers concernés, le cabinet de Madame la Ministre et celui du Ministre Borsus. Le Centre wallon de recherches agronomiques et l'ULiège ont étudié les cas connus par le biais d'une recherche-action. L'objectif était de pouvoir identifier les solutions qui permettraient de continuer l'exploitation sans envisager de délocalisation.

    Madame la Ministre peut-elle nous dresser un état des lieux actuel du travail des maraîchers en région liégeoise ? Combien d'entre eux étaient-ils concernés par cette pollution historique ?

    Quelles sont les conclusions de la recherche-action réalisée par l'Université de Liège et le Centre wallon de recherches agronomiques ?

    Quelles solutions ont pu être trouvées pour les maraîchers concernés ?

    Enfin, comment se prémunir à l'avenir de telles situations ?

    Des analyses des sols sont-elles demandées de manière systématique aux maraîchers qui souhaitent s'installer ?
  • Réponse du 18/10/2023
    • de TELLIER Céline
    Je voudrais en préambule réitérer mon soutien aux maraîchers dont le travail a été gâché par ces pollutions aux métaux lourds. Il m’importe, bien évidemment, de rechercher les meilleures solutions pour que de telles situations ne se reproduisent pas et que les personnes concernées puissent poursuivre leur activité en étant assurées que leurs produits sont sains et de qualité. Ils sont au cœur de la dynamique d’alimentation durable et des circuits courts que je soutiens par de nombreux projets, et ne doivent pas payer le prix de pollutions passées réalisées par d’autres.

    Des dépassements de teneurs en cadmium et en plomb dans certains légumes par rapport aux normes de commercialisation actuellement fixées par l’Europe ont en effet été constatés par l’AFSCA chez des maraîchers de la Province de Liège fin 2021. Les teneurs mesurées dépassent également les anciennes normes : la modification de ces normes n’est donc pas à l’origine de ce constat.

    L’interdiction de commercialisation dont il est question ici concernait quelques producteurs. Elle découlait d'analyses réalisées par l’AFSCA au cours d’un contrôle de routine sur les productions végétales. En cas de dépassement des normes de commercialisation, les produits sont retirés de la vente.

    Par ailleurs, il reste difficile d’estimer le nombre d’exploitations qui pourraient se trouver dans une pareille situation, car ce genre de problème n’est pas nécessairement lié à la teneur en métaux lourds dans le sol.

    En effet, la littérature sur le sujet et les quelques leçons tirées de cas pratiques sur le terrain, notamment de la recherche-action que nous avons financée, nous montrent que la teneur en métaux lourds dans le sol est insuffisante pour expliquer à elle seule la contamination des végétaux cultivés. D’autres facteurs, comme l’acidité du sol et la quantité ou la qualité de matières organiques jouent des rôles importants dans le transfert des métaux lourds vers les plantes, et ce transfert varie également en fonction des parties d’une même plante, des types de légumes ou variétés cultivées et parfois même des conditions météorologiques.

    De plus, comme nous l’a confirmé l’Institut Agro-Bio Tech de Gembloux dans le cadre de cette étude préliminaire, certaines espèces peuvent en cours de croissance surconcentrer des éléments présents à l’état de trace au niveau des sols et ainsi dépasser les normes de commercialisation. La présence de métaux lourds dans le sol peut être de nature géologique ou liée à l’héritage industriel et aux pratiques agronomiques d’après-guerre.

    Afin d’aborder la problématique de manière plus globale, j’ai sollicité la commissaire européenne Stella Kyriakides pour lui faire part de nos questionnements et l’inviter à nous partager toute initiative identique dans d’autres régions d’Europe ; j’attends ses retours.

    S’il est difficile d’agir directement sur la réduction des teneurs en métaux lourds dans les sols, il est en revanche possible d’agir sur certaines pratiques agronomiques. L’étude préliminaire menée sur sites conjointement par l’Université de Liège et le Centre de recherches agronomiques wallon (CRA-W), a pour objectif d’aborder ces aspects en mesurant l’effet de différentes techniques et pratiques agricoles sur le transfert des composés du sol vers les plantes au regard de l’état du sol ainsi que des possibles sources de contaminations. Les recherches sont actuellement toujours en cours. L’objectif est bien sûr de pouvoir ainsi permettre une poursuite du maraîchage en toute sécurité sanitaire en adaptant les pratiques agronomiques ou les choix de légumes cultivés.

    Pour ce qui est de l’avenir, la meilleure manière de se prémunir d’un risque est d’être proactif. Toute installation en parcelle devrait être précédée par des analyses de sols dans l’objectif de vérifier que la teneur en composés dans ces sols soit bien compatible avec leurs productions maraîchères, comme c’est d’ailleurs recommandé dans les formations à l’installation.

    Afin d’accompagner ces démarches, mon administration met à la disposition de tout nouveau maraîcher désireux de s’installer en Wallonie un ensemble d’informations sur la santé des sols et sur l’ensemble des laboratoires agréés de la Région wallonne pour analyses et conseils. Dans ce sens a également été prévu, dans le cadre des actions du Plan de relance de la Wallonie, une action visant à « renforcer le système de subsides pour la réalisation d’analyses de sol et de conseils de gestion des sols » (PRW 118). Je rappelle que nous soutenons aussi, pour les particuliers, l’outil Sanisol pour réaliser des analyses avant d’aménager un potager.