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La création d’emploi liée à la réparation et remise en circulation des téléphones portables

  • Session : 2023-2024
  • Année : 2023
  • N° : 81 (2023-2024) 1

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  • Question écrite du 12/10/2023
    • de CRUCKE Jean-Luc
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    Le téléphone portable, ou plutôt le « smartphone » est devenu un outil essentiel dans notre vie quotidienne pour toute une série de tâches que ce soit le paiement électronique, la prise de rendez-vous pour une visite médicale, la gestion de notre compte en banque, ou encore pour consulter les horaires de train. Cela est d'ores et déjà une évidence tant notre société est de plus en plus digitalisée !

    Dans une carte blanche de La Libre Eco du 24 mai 2023, deux spécialistes en appellent à la mise en place d'incitants fiscaux afin de stimuler la remise en circulation des smartphones et leur traitement local. Ceux-ci font référence aux exemples de politiques publiques en Suède et en Norvège qui a permis aux deux pays de devenir des références en mobilité électrique et innovation contre le gaspillage alimentaire.

    Il semblerait donc pertinent de réfléchir à la façon dont la Région wallonne peut jouer un rôle dans le développement de cette filière de l'économie circulaire.

    Notons d'ailleurs que la France vient d'opérer dans la matière !

    Le Ministre de la Transition écologique, M. Christophe Béchu, vient d'annoncer que l'État français allait mettre en place, à compter du 1er janvier 2024, un bonus réparation de 25 euros pour inciter les particuliers à faire réparer leurs smartphones cassés. Ce montant sera déduit de la réparation, à condition qu'elle soit effectuée chez un réparateur agréé spécialement.

    Sachant que la Région wallonne compte déjà des compagnies de réparation d'électroménagers, dont notamment celles spécialisées dans la réparation particulière et technique des smartphones, serait-il pertinent, voire novateur, de réfléchir à des incitants économiques pour booster et développer cette filière ? Qu'en pense Monsieur le Ministre ?

    Y a-t-il un « coup à jouer » vis-à-vis de ces acteurs économiques ?

    Sous la précédente législature, plusieurs rencontres ont d'ailleurs été faites avec des acteurs économiques tournés vers cette niche de l'économie circulaire. Où en sommes-nous ?

    Y a-t-il des pistes de réflexion pour booster cette filière de l'économie circulaire ?

    Monsieur le Ministre a-t-il pris connaissance de la carte blanche sur la création d'emploi que pourrait procurer cette politique publique visant la remise en circulation des smartphones ? Quelle est son analyse ?

    Qu'en est-il des considérations techniques ?

    Est-ce qu'un bonus devrait être lié à la revente de l'appareil ou à sa réparation ?

    Quid en termes d'impacts ?

    Est-ce que les gens ont une réelle motivation à faire les démarches nécessaires pour une réparation de smartphone ?
  • Réponse du 07/11/2023
    • de BORSUS Willy
    Il est avéré que les pratiques de réparations et de reconditionnement ne sont pas aisées à mettre en place. Celles-ci demandent de nouvelles compétences, des ateliers équipés, mais aussi des procédures et moyens de réaliser la logistique inverse, soit le retour des produits, le tri, la gestion et la prévision des stocks de ces retours, la certification de la qualité des renvois, leur traçabilité, et cetera.

    Il existe sur le marché de nombreux modèles organisationnels de services de réparations qui sont plus ou moins internalisés par les acteurs. Toutes ces pratiques, comme l’honorable membre l’entend, sont relativement mobilisatrices de main-d’œuvre, c’est pourquoi beaucoup de ces modèles passent par des collaborations avec des entreprises d’économie sociale, ou des modèles de collaborations entre entreprises pour optimiser les coûts de ces opérations.

    Plus particulièrement, les freins au reconditionnement et réemploi des téléphones portables sont :

    D’une part, pour les utilisateurs :
    - des freins d’ordre culturel : faire une démarche de rapporter son téléphone et l’achat de ce type d’appareil en seconde main sont encore parfois mal perçus ;
    - des freins organisationnels : savoir où trouver un service de réparation de qualité ou encore les délais de réparation des appareils.

    D’autre part, pour les initiatives entrepreneuriales :
    - des freins d’ordre économique : car il s’agit d’investissements d’ampleur, non dénués de risque et d’activités très intenses en main-d’œuvre ;
    - des freins d’ordre technique étant donné la haute technicité de ces appareils, leur diversité sur le marché, et la faible récupérabilité des métaux ou des composants ;
    - des freins logistiques : les ressources sont dispersées chez de très nombreux utilisateurs et la logistique de retour est peu rentable ou demande de nombreux intermédiaires

    Le soutien financier à la réparation comme le préconise la carte blanche est bien évidemment un des leviers à actionner pour soutenir l’écosystème. La stimulation du reconditionnement aura des retombées économiques, sociales et environnementales pour la Wallonie, notamment en ce qui concerne la création d’emplois locaux non délocalisables.

    Selon l’évaluation réalisée dans le cadre de l’observatoire de la réparation porté par le département des Sols et des Déchets du SPW ARNE, la mise en place d’un chèque réparation permettrait de diminuer significativement le coût de la réparation (de 21 à 30 %), mais également de développer l’intérêt des consommateurs pour favoriser la réparation. Il faut également prendre en considération que si la production de pièces détachées permettant la réparation n’a pas lieu en Wallonie, il n’y a donc pas d’impact sur l’emploi mobilisé pour cette partie du process sur le territoire. Cependant, il est évident que si la demande en réparation par les consommateurs augmente, le besoin d’emplois supplémentaires dans le secteur sera nécessaire.

    Il existe de nombreuses pistes de réflexion qui s’inscrivent déjà dans un cadre européen en matière de circularité. En effet, le contexte européen évolue déjà en faveur de l’économie circulaire au travers de la lutte contre l’obsolescence programmée, du droit à la réparation, du droit à l’information, aux labels environnementaux, ou encore aux normes liées à l’écoconception des produits avec la future obligation d’information dans le passeport numérique des produits.

    Ces pistes de réflexion doivent faire partie d’un tout cohérent qui vise notamment à garantir l’accès à la réparation pour les consommateurs, à une information fiable et transparente sur l’origine des produits, sur le potentiel de réparabilité, sur l’accès également aux informations techniques permettant la réparation, et cetera.

    La mise en place de subventions à la réparation fait également partie des pistes de réflexion déjà envisagées par certains de nos voisins comme la France. La Wallonie s’intègre dans les dynamiques européennes et analyse de près les avancées de nos voisins. Ce système de « prime à la réparation » pourrait donc être une piste intéressante à étudier dans ce cadre, sans pour autant résoudre l’ensemble des obstacles suscités.

    Ces incitants au recyclage et réemploi pour les utilisateurs relèvent des compétences de ma collègue Céline Tellier.

    Comme Ministre de l’Économie, je suis en charge de soutenir les entreprises qui désireraient s’engager dans cette filière. Tel est le sens de la stratégie Circular Wallonia qui travaille activement à porter les initiatives avec des dispositifs tels que les appels à projets « Go Circular » ou « Digital 4 Circular », mais aussi à favoriser la recherche et les initiatives collaboratives.

    Dans le cadre de mes compétences, un soutien particulier est prévu pour les pratiques de réparation de certains secteurs, tel, par exemple, le textile, dans le contexte de soutien aux chaines de valeur prioritaires ou encore les différentes initiatives de soutien au design circulaire (portées par Plastiwin, Mecatech, et Wallonie Design).

    La commande publique fait également partie des leviers à actionner pour encourager l’innovation et la circularité. Encourager les entités publiques wallonnes à repenser leurs achats publics et à se tourner vers des smartphones reconditionnés est un levier en soi pour soutenir la filière et renforcer son développement. La Wallonie est notamment engagée dans le Circular and Fair ICT Pact qui est un partenariat international visant à promouvoir la circularité, l’équité et la durabilité dans le secteur des achats publics de technologies de la communication et de l’information (TIC). Cette dimension de la commande publique va être renforcée dans le cadre des nouvelles actions de Circular Wallonia qui ont été approuvées au mois d’octobre par le Gouvernement à mon initiative.