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L’élimination des nids de frelons par l’utilisation de la perméthrine

  • Session : 2023-2024
  • Année : 2023
  • N° : 94 (2023-2024) 1

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  • Question écrite du 23/10/2023
    • de GARDIER Charles
    • à TELLIER Céline, Ministre de l'Environnement, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité et du Bien-être animal
    Un article du journal L'Avenir en date de ce 11 octobre attire mon attention. Un acteur s'interroge sur l'élimination des nids de frelons neutralisés à l'aide d'un insecticide dangereux pour l'environnement.

    En effet, en possession d'un nid de frelons vraisemblablement détruit en utilisant de la perméthrine, il ne semble pas possible de trouver une filière d'élimination sûre. À défaut, ces nids pourraient donc se retrouver dans la nature où la perméthrine, un insecticide chimique, resterait dangereux pour les insectes en particulier, mais aussi pour les autres animaux comme les chats et les animaux à sang-froid, les batraciens.

    Quelle est la fréquence d'utilisation de cet insecticide et plus spécifiquement sur les nids de frelons ?

    Existe-t-il une procédure d'élimination de ces nids devenus toxiques ?

    Combien de nids de frelons peut-on recenser aujourd'hui en Région wallonne ? 

    Quelles sont les différentes solutions pour se débarrasser de ces nids ?
  • Réponse du 17/01/2024
    • de TELLIER Céline
    Lors de l’arrivée du frelon asiatique sur notre territoire en 2016, la Région wallonne a mis en place des actions pour tenter de freiner sa progression, notamment par la neutralisation systématique des nids. Cette technique n’a malheureusement pas donné les résultats espérés : le nombre de nids détruits est en constante augmentation. Cette espèce exotique envahissante est souvent pointée du doigt pour son caractère agressif vis-à-vis des abeilles domestiques. Cependant, cette espèce est désormais largement répandue en Europe occidentale et devenue quasi impossible à éradiquer, comme pour de nombreuses autres espèces exotiques envahissantes.

    Actuellement, aucune des études n’a montré un impact négatif significatif du frelon asiatique sur les populations d’insectes indigènes sauvages. Par ailleurs, par rapport à la santé humaine, cette espèce ne pose qu’une faible menace supplémentaire par rapport à nos insectes indigènes. Dès lors, les impacts du frelon asiatique sont majoritairement d’ordre apicole. En conséquence, nous avons basculé vers des stratégies de gestion raisonnées, adaptées en fonction de la dangerosité, et en bonne collaboration avec mon collègue Willy Borsus.

    Les substances actives utilisées actuellement dans la lutte contre le frelon asiatique, mais également contre les cafards, les fourmis et les guêpes, dans et autour des bâtiments, sont le PERMAS-D (DP, Perméthrine) et le VASPA (DP, Cyperméthrine). Il s’agit d’insecticides ou de répulsifs de la famille des pyréthrinoïdes, des substances de synthèse neurotoxiques pour les insectes souvent utilisées contre les tiques et les poux, tant pour l’humain (shampoings anti-poux) que pour certains animaux domestiques (à l’exception du chat) ou animaux de rente (poux rouges des poules). Étant des composés toxiques et importants perturbateurs endocriniens pour les mammifères et les poissons, ils représentent un danger particulier pour les organismes aquatiques.

    La persistance de ces substances actives est assez variable en fonction des conditions d’exposition à l’air, à la lumière solaire, à la chaleur ou à la présence de microorganismes décomposeurs : la demi-vie (ou le temps qu’il faudra pour que la concentration en substance active diminue de moitié par décomposition) de la perméthrine est de 28 à 38 jours dans les sols et d’environ 10 jours à la surface de la végétation (Ruiz-Cristi et al., 2020, PLOS ONE, https://doi.org/10.1371/journal.pone.0239742). Toutefois, malgré cette dégradation progressive, l’enveloppe protective du nid de frelons peut préserver la substance sur une plus longue durée et présente donc le risque d’une exposition prolongée pour des animaux non ciblés s’approchant du nid traité, comme d’autres insectes ou oiseaux.

    Cette situation devrait cependant changer aux vues des techniques alternatives plus respectueuses de l’environnement qui sont actuellement à l’essai en Europe. Nous citerons par exemple la terre de diatomée, dont l’efficacité a été prouvée en régions sèches (sud de la France par exemple), mais peine en milieu plus humide. Une autre alternative serait le traitement par injection de vapeur d’eau, le frelon asiatique ne survivant pas à des températures supérieures à 45°C. Pour cette dernière, des chercheurs français ont en effet démontré qu’une population de frelons pouvait être tuée en 13 secondes en étant exposée à de la vapeur d’eau à une température de 92°C (Ruiz-Cristi et al., 2020, voir supra). Ces résultats prometteurs doivent encore faire l’objet d’une validation en situation réelle sur le terrain.

    Dans un contexte où l’éradication du frelon asiatique n’est plus envisageable, la gestion de cette espèce doit être raisonnée et s’inscrire dans une vision à long terme. En effet, la neutralisation exhaustive des nids détectés est non seulement très coûteuse pour les pouvoirs publics, mais inopérante et toxique lorsque sont utilisés comme moyen de lutte des biocides tels que les pyréthrinoïdes. C’est ainsi que le plan régional insiste sur le fait que toute neutralisation doit être motivée par des raisons soit de santé publique, soit de risques d’impact sur un rucher proche. Nos services adoptent dès lors le principe de précaution et limitent la lutte et donc l’utilisation de ces produits au strict nécessaire.

    Lorsqu’un nid se trouve dans une zone sensible (par exemple à proximité d’une réserve naturelle ou un cours d’eau), mais qu’il présente un risque pour la sécurité publique, mes services recommandent en premier lieu de baliser un périmètre de sécurité autour du nid afin d’éviter que des passants ne s’approchent. Si cette mesure n’est pas réalisable ou est jugée insuffisante, mes services recommandent alors la neutralisation et le décrochage du nid 48h après traitement, afin de procéder à son élimination par un centre spécialisé agréé. L’élimination des produits et des nids traités se fait en effet par dépôt dans un centre de collecte de déchets dangereux ou spéciaux.

    Le décrochage du nid est cependant difficilement généralisable pour des raisons économiques. Le coût global de la manœuvre de destruction par un grimpeur élagueur ou via la location éventuelle d’une nacelle peut en effet dépasser un coût de 500 euros par nid.

    Actuellement, 1 071 nids ont été signalés sur la plateforme de recensement http://observatoire.biodiversite.wallonie.be/enquetes/, dont 575 sont signalés comme neutralisés. L’année dernière à la même date, nous étions à 694 nids signalés.