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La souveraineté technologique des agriculteurs

  • Session : 2023-2024
  • Année : 2023
  • N° : 97 (2023-2024) 1

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  • Question écrite du 24/10/2023
    • de FLORENT Jean-Philippe
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    Dans un récent plaidoyer, le réseau InPACT dénonce la course à l'innovation technologique et techniciste, ainsi que de l'endettement, dans les milieux agricoles. Selon eux, il est crucial de repenser la souveraineté technologique des agriculteurs.

    Une telle « course aux investissements et à la croissance, tournés vers les marchés globalisés et l'agro-industrie, est, je cite : « une aberration économique, écologique et un désastre humain pour une large frange de la population agricole. » Le réseau plaide donc pour une approche plus collaborative de l'innovation technologique et sociale, impliquant directement le monde rural dans la conception des outils dont ils ont besoin, en intégrant des critères agronomiques, écologiques, économiques et ergonomiques.

    Je rappelle au passage que la digitalisation de certains outils agricoles s'accompagne également d'une collecte des données agricoles. Le risque est que les données soient exploitées par des acteurs privés sans le consentement explicite des agriculteurs, ou que celles-ci soient détournées à des fins commerciales ou autres. La Région wallonne se penche d'ores et déjà sur le sujet, notamment via le projet OpenAgro 4.1, porté par la CRA-W.

    En plus de l'inquiétude que j'ai déjà pu exprimer quant à la collecte de données, je rejoins l'appel des agriculteurs du réseau InPACT en vue de favoriser une plus grande souveraineté technologique, d'une meilleure collaboration et transparence dans l'innovation agricole. Les machines doivent servir l'humain, et non l'inverse.

    Comment outiller les agriculteurs, sans les jeter aux mains des grandes entreprises technologiques ?

    Comment éviter une course à l'innovation, qui profite aux industries et pas forcément aux revenus des agriculteurs ? La Région mène-t-elle une réflexion sur les investissements parfois non pertinents, voire inconsidérés ?

    Que fait Monsieur le Ministre pour favoriser une agriculture raisonnée, y compris en termes d'investissements technicistes ?
  • Réponse du 20/11/2023
    • de BORSUS Willy
    La question de l’indépendance technologique passe par la protection de la vie privée et des données. Elle constitue une préoccupation majeure. Les agriculteurs doivent avoir un contrôle sur leurs données agricoles, et des politiques de protection de la vie privée et de sécurité des données doivent être mises en place pour empêcher l'exploitation de ces données par des tiers.

    Le partage des données entre agriculteurs et chercheurs est, rappelons-le, encadré par le projet OpenAgro 4.2 (PRW, fiche 142). Un des axes du projet est de sensibiliser le monde agricole à l’existence du Code de conduite de l’UE pour le partage des données agricoles par accord contractuel, et d’établir des recommandations pour son application en Wallonie.

    Concernant WALLeSmart (WeS), c’est une plateforme numérique interopérable qui a pour but de favoriser la mise en réseau des données agricoles wallonnes et leur valorisation aussi bien dans le secteur des grandes cultures que de l’élevage. WeS veut placer l’agriculteur utilisateur au centre de la gestion de ses flux de données dans un souci de transparence et de relation de confiance.

    Une autre façon de préserver l’indépendance technologique des agriculteurs est de soutenir et de développer des outils publics liés à l’agriculture numérique qui, par rapport aux solutions commerciales, présentent l’avantage d’être neutres et au bénéfice de l’agriculteur. La preuve en est avec la plateforme Agromet.be en météorologie agricole de précision.

    L'innovation est un moteur essentiel du progrès économique, de la compétitivité et de la croissance dans de nombreux secteurs, y compris l'agriculture. Cependant, il est crucial que cette innovation soit dirigée afin de profiter également aux agriculteurs, qui sont la pierre angulaire de notre système alimentaire et agricole.

    Les efforts de recherche et de développement doivent être alignés sur les besoins réels des agriculteurs. Les échanges avec les agriculteurs ne se limitent pas juste à la restitution des résultats de recherche. Prenons ainsi l’exemple du projet Sunshine financé par le plan de relance wallon. L’outil « technologique » qui sera produit en fin de projet est co-construit dès sa conception avec les éleveurs. L’objectif est d’impliquer directement le monde rural dans la conception des outils.

    La prévention d'une course à l'innovation qui favorise principalement les industries nécessite une approche holistique, qui implique la coopération entre le gouvernement, les acteurs de l'industrie, les agriculteurs et la société civile. En combinant des politiques adéquates, une réglementation équilibrée et un soutien ciblé, il est possible d'assurer que l'innovation profite à tous les acteurs de la chaîne alimentaire, tout en garantissant la durabilité de l’agriculture.

    Pour favoriser l'agriculture raisonnée, il est essentiel de soutenir la recherche et le développement dans le secteur agricole afin de mettre au point des technologies plus respectueuses de l'environnement. Les investissements, tels que l'adoption de nouvelles technologies agricoles, la robotique, l'Internet des objets, et la gestion des données, peuvent jouer un rôle clé dans l'optimisation des ressources, la réduction des pertes de récoltes et la réduction de l'impact environnemental.

    Les innovations technologiques comme celles liées au smart farming sont de plus en plus perçues par le secteur agricole comme étant une solution permettant le développement d’une agriculture durable et soucieuse de l’environnement. Le déficit d’usage de ces nouvelles technologies par les agriculteurs wallons est principalement lié à une appréhension de l’utilisation des nouvelles technologies associée à un manque de références techniques et économiques.

    Le projet Duratechfarm du PRW mené par le CRA-W vise à évaluer au niveau technique, économique et environnemental, la plus-value apportée par le smart farming au sein d’exploitations conventionnelles et bio. De même, au travers des autres projets menés dans le cadre du Plan de relance dont j’ai fait mention précédemment, nous mettons en œuvre des actions visant à favoriser une agriculture raisonnée.