/

Les propos de plusieurs élus provinciaux à l'égard de la réforme du financement des zones de secours et de la supracommunalité

  • Session : 2023-2024
  • Année : 2023
  • N° : 39 (2023-2024) 1

2 élément(s) trouvé(s).

  • Question écrite du 24/10/2023
    • de BASTIN Christophe
    • à COLLIGNON Christophe, Ministre du Logement, des Pouvoirs locaux et de la Ville
    « Bordel », « bazar », « bidule » … Voilà comment plusieurs intervenants ont évoqué les réformes de Monsieur le Ministre en matière de zones de secours et de supracommunalité au colloque de l'Association des provinces wallonnes ce 13 octobre. Peut-être aurait-il dû rester un peu plus longtemps à celui-ci ?

    Les élus provinciaux n'y sont pas allés de main morte après son bref mot introductif. En ce qui concerne les zones de secours tout d'abord, un député provincial namurois a mis en avant l'accueil tantôt chaleureux, tantôt glacial, qu'on lui fait dans chacune des zones de secours que sa province finance. D'autres intervenants ont souligné l'importance d'une prévisibilité des budgets zonaux, alors que certaines provinces menacent de ne pas s'inscrire de manière pérenne dans le dispositif.

    Le caractère pérenne de cette réforme est en effet important pour les finances locales et les zones sont demandeuses de prévisibilité budgétaire. Monsieur le Ministre envisage-t-il la moindre action en cette fin de législature pour pérenniser le système ou faudra-t-il effectivement attendre que le prochain Gouvernement mette les mains dans le cambouis ? Il y a des pistes juridiques de pérennisation du mécanisme, son cabinet est-il à tout le moins en train de les étudier ?

    En ce qui concerne la supracommunalité, les intervenants au colloque ont été unanimes pour demander de la clarté. Le Président de l'UVCW a été plus clair encore et a demandé une « vision 2030 » pour les territoires ; une demande que porte également l'APW. Tous les intervenants ont craint que sa réforme prochaine ne vienne imposer un nouveau « machin », une couche de plus dans la lasagne institutionnelle locale.

    Entend-il donner suite avant la fin de la législature à cette demande de « vision 2030 » portée par les associations de pouvoirs locaux ?

    Sa réforme de la supracommunalité impliquera-t-elle les Provinces d'une manière ou d'une autre ou entend-il renforcer une de sorte de pouvoir qu'il leur est concurrent ?
  • Réponse du 21/11/2023
    • de COLLIGNON Christophe
    Comme j'ai eu l'occasion de le dire au colloque organisé par l'APW, l'avis rendu par le Conseil d'État dans le cadre de la proposition de décret déposée notamment par Messieurs Dispa et Bastin relative au financement général des communes par les provinces ne nous a rien appris de nouveau.

    Depuis le début de ce dossier, nous savons tous très bien que la mise en œuvre de cette intervention financière par les provinces dépendait d’une volonté politique et reposait sur les intérêts de l’ensemble des parties.

    C'est la raison pour laquelle nous avons travaillé par circulaire.

    Même si le début de la législature n’a pas été simple et que la mesure de la DPR relative à la reprise du financement des zones par les provinces a suscité de nombreuses inquiétudes, je tiens aujourd’hui à remercier et saluer les 5 provinces d’avoir adhéré, de manière volontaire, à la réforme !

    Au cours de la législature écoulée, les provinces ont pris une part de plus en plus importante dans le financement des services de secours, au bénéfice des communes qui ont ainsi vu leurs charges allégées.

    J’ai conscience de l’énorme effort consenti par les provinces et je m’emploie à ce qu’il soit connu et reconnu par l’ensemble du Gouvernement.

    La trajectoire de reprise de financement a été fixée jusqu'en 2024. Il appartiendra au prochain Gouvernement de se remettre autour de la table avec les provinces pour fixer la suite.

    Je peux cependant donner à l’honorable membre les pistes qui sont les miennes.

    À l’avenir, il conviendra selon moi de :
    - renforcer progressivement le financement provincial des zones de secours, au profit d’une baisse du financement communal, tout en prévoyant un montant fixe indexable afin d’assurer la prévisibilité budgétaire pour les provinces.
    La construction du modèle devra se faire de manière concertée avec les provinces.
    Parallèlement, il sera exigé que le niveau fédéral prenne ses responsabilités en augmentant sa contribution dans le budget total des zones de secours.
    La piste d’une contribution du secteur assurantiel me parait devoir être sérieusement explorée également. Ce modèle a déjà fait ses preuves dans d’autres pays ;
    - améliorer la représentativité et le fonctionnement des organes des zones de secours en permettant une représentation juste, équilibrée et avec voix délibérative des provinces dans les organes de décision des zones de secours, aux côtés des communes ;
    - optimiser le fonctionnement des zones de secours pour limiter les augmentations de coûts tout en garantissant un service public efficace et rapide aux citoyens ;

    Concernant la supracommunalité, il est clair que de plus en plus d’enjeux, autrefois purement communaux, dépassent aujourd’hui les frontières communales et doivent être pensés à l’échelle supracommunale, c’est-à-dire à l’échelle de plusieurs communes réunies.

    De nombreuses analyses ont ainsi souligné les bienfaits de l'association volontaire de communes dans le développement d'une forme d'intelligence territoriale, synonyme de cohésion et d'homogénéité entre les communes qui cherchent à s'associer dans une perspective supracommunale et à accélérer la mise en œuvre de projets structurants au bénéfice de l'ensemble des communes et des citoyens.

    Le contexte budgétaire extrêmement difficile dans lequel évoluent les communes les pousse à collaborer davantage entre elles, à mutualiser certaines ressources, à créer des économies d’échelle autour de projets porteurs et structurants.

    L’appel à projets supracommunaux que j’ai lancé en 2021 (-et dont le soutien est prolongé en 2024-), me permet de dégager des principes fondamentaux qui devront demain guider l’action supracommunale dont :
    - il importe de permettre une dynamique « bottom up » sur base volontaire ;
    - l’exécution des projets des communes doit rester liée aux politiques choisies par les instances communales, élues directement par la population ;
    - comme l’a démontré l’expérience pilote et pour la dynamique de cette démarche, il est indispensable d'établir une place prépondérante des bourgmestres des communes membres.

    Dans ce cadre, il faut reconnaître l'importance du principe de subsidiarité qui veut que les décisions doivent, de préférence, être prises par le niveau de pouvoir le plus proche des citoyens, pour autant qu’elles ne puissent pas être prises plus efficacement par un échelon supérieur.

    Nous devons donc promouvoir la supracommunalité en respectant ce principe de subsidiarité, en encourageant la coopération entre les niveaux de pouvoir local, et en mettant en place des mesures concrètes pour faciliter la gestion supracommunale et renforcer son efficacité.

    Quant à ce de que d’aucuns appelleraient « une couche de plus dans la lasagne institutionnelle », on peut affirmer avec sérénité que si plus de 90 % des communes wallonnes ont répondu sur base volontaire à l’appel à projets, c’est qu’il y a là une demande qu’il importe de satisfaire dans le respect de l’autonomie locale. Le bilan juridico-historique de l'étude de l'Uliège, l'analyse de mon administration et le colloque organisé par l'Union des Villes et Communes de Wallonie en mars 2023 sont aussi des éléments objectifs qui me confortent, comme le demande la DPR, dans le fait de continuer à soutenir et encourager la supracommunalité.

    Dans cette dynamique, il y a lieu de bien distinguer la supracommunalité et les institutions provinciales, tout en favorisant la collaboration et la complémentarité entre ces deux niveaux de pouvoir local, car les provinces ont également un rôle important à jouer dans le développement territorial, notamment en apportant leur expertise et leur soutien aux initiatives supracommunales.

    Plus concrètement, il faudra certainement développer tous les outils nécessaires pour faciliter la mutualisation comme le précise l’APW dans son mémorandum. En collaborant avec les provinces, cette mutualisation des projets, des services, du personnel et du matériel permettra de réaliser des économies d'échelle, de rationaliser les coûts, d'améliorer le niveau de service rendu aux citoyens et de faire face à la pénurie de certains emplois d’agents communaux.

    Comme il peut le constater, même si nous avons quelques divergences, de nombreuses convergences nous permettent d’espérer une collaboration encore plus fructueuse entre tous les pouvoirs locaux.

    Comme le disait son homonyme vice-président de l’UVCW, Jean-Paul Bastin, lors d’un colloque consacré sur le sujet en mars dernier, la « supracommunalité est plurielle ». Je le rejoins sur ce constat et le souhait d’encourager des initiatives contrôlées effectivement par les Villes et Communes et permettant une concertation stratégique des exécutifs communaux.

    La réflexion est donc bien avancée et sur les contours de cette supracommunalité et le rôle d'appui/de renfort/de soutien que peuvent y jouer les provinces. Ceci laisse augurer que la prochaine législature pourra avancer dans l’adoption d’un décret en ces matières.