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L’individualisation des droits en matière de paiement des prestations familiales

  • Session : 2023-2024
  • Année : 2023
  • N° : 38 (2023-2024) 1

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  • Question écrite du 26/10/2023
    • de DESQUESNES François
    • à DE BUE Valérie, Ministre de la Fonction publique, de l'Informatique, de la Simplification administrative, en charge des allocations familiales, du Tourisme, du Patrimoine et de la Sécurité routière
    Le manifeste des Engagés plaide pour la nécessité de défendre l'individualisation des droits sociaux.

    Il précise ceci : « Les femmes se voient trop souvent attribuer le statut de cohabitant qui entraîne une réduction de leurs allocations. Cette situation pénalise également les familles qui accueillent sous leur toit une personne en situation de handicap ou de dépendance. Le rejet des discriminations — la recherche d'une égalité homme-femme en particulier — invite à individualiser les droits sociaux. Ce sera l'un de nos combats. Le droit social ne peut peser sur les choix de vie des citoyennes et citoyens ni les inciter pour des raisons financières à vivre dans la solitude. »

    Cette question semble partagée par le Gouvernement wallon, en ce qu'une réflexion semble menée, d'ici la fin de la législature, quant aux modifications à éventuellement apporter au paiement des prestations familiales en regard du statut de cohabitant afin, précisément, de mettre en œuvre l'individualisation des droits y afférant.

    Quels sont les dispositifs précis légaux en cette matière ?

    Quelle est la différence de traitement entre un isolé et un cohabitant pour les différents types de prestations familiales ?

    Et quels sont les risques liés à cette différence de traitement pour les cohabitants ?

    Quelle est l'ampleur du phénomène ?

    Peut-on considérer que cette différence de traitement concerne une proportion significative des bénéficiaires ou potentiels bénéficiaires ?

    Quel sera le coût d'une suppression de statut de cohabitant pour les aides concernées ?
  • Réponse du 29/11/2023
    • de DE BUE Valérie
    Le nouveau modèle d’allocations familiales, applicable aux enfants nés à partir du 1er janvier 2020, fondé sur le décret du 8 février 2018 relatif à la gestion et au paiement des prestations familiales a été déposé et défendu par le parti de l’honorable membre et il l’a voté à l’époque. Je me permets tout d’abord, dès lors, de m’étonner de ses questionnements.

    Comme il le sait, ce nouveau modèle a été conçu pour être l’expression de valeurs telles que l’équité et la solidarité (horizontale et verticale), et tenir compte des situations familiales contemporaines.

    Les allocations familiales ont pour vocation le soutien à la parentalité. Pour ce faire, les paramètres suivants ont été retenus lors de la conception du modèle, ils sont à l’exact opposé du passage du manifeste de son parti qu’il cite dans sa question :
    - un taux de base fort, identique pour chaque enfant. La volonté d’individualisation du droit, souvent exprimée par la formule « un enfant égale un enfant » se traduit par un taux de base élevé, identique pour tous, peu importe la situation de l’enfant ou de la famille ;
    - à côté de ce taux de base, sont prévus des suppléments mensuels uniques par enfant en fonction de « statuts » spécifiques générateurs de charges particulières : l’âge de l’enfant, les suppléments pour enfants atteints d’une affection, les orphelins, et les suppléments pour familles monoparentales, les familles nombreuses ou les familles à faibles revenus. En effet, ces suppléments répondent à des facteurs de coûts supplémentaires en y apportant une réponse soucieuse de l’équité.

    Dans le cadre de l’examen du droit aux allocations familiales, la notion de cohabitation a un impact indirect sur le droit aux suppléments sociaux et un impact direct sur le droit au supplément pour familles monoparentales.

    Le modèle conçu par son ex-collègue, la Ministre Alda Greoli a été réfléchi pour prendre en compte des situations plus particulières. Je m’étonne donc à nouveau de ses questionnements :
    - en ce qui concerne les suppléments sociaux : le droit existe si les revenus du ménage sont inférieurs aux plafonds fixés dans le décret. Les revenus pris en compte sont ceux de l’allocataire et de toute personne domiciliée avec lui/elle, et qui n’est pas parente avec l’allocataire jusqu’au 3e degré. De la sorte, la solidarité intrafamiliale est préservée ;
    - en ce qui concerne le supplément pour familles monoparentales : dès l’instant où l’allocataire isolé forme un ménage avec une personne non alliée jusqu’au 3e degré, le droit au supplément pour familles monoparentales est perdu. Néanmoins, si le nouveau ménage a des revenus inférieurs aux plafonds, il pourra bénéficier de suppléments sociaux ordinaires.

    La modulation des suppléments en fonction de la situation de l’enfant (âge, handicap, orphelin, maladie) ou de la famille (revenus, mono, familles nombreuses, malades) me semble pertinente dans la mesure où elle répond à un besoin supplémentaire rencontré au sein de la famille. Elle ne remet pas en cause le principe d’individualisation du droit exprimé par le taux de base. Ainsi, une maman seule qui se remet en ménage, perd son supplément pour familles monoparentales de 23,43 euros, mais conserve intact son taux de base de 181,61 euros.

    Le modèle répond ainsi au besoin spécifique des familles isolées (non remises en couple) dont les enfants sont plus exposés à la déprivation. Maintenir le supplément pour familles monoparentales après remise en ménage de l’allocataire reviendrait à créer une discrimination avec les couples de parents non séparés, qui dans une même situation financière, ne bénéficieraient pas de supplément pour familles monoparentales.

    Je ne comprends donc pas la finalité de son questionnement, de sa remise en question de ce modèle que l’honorable membre a lui-même voté : l’uniformisation des allocations familiales qu’il semble à présent défendre ne reviendrait-elle pas à ne plus pouvoir prendre en compte la situation spécifique d’enfants en situation de handicap, orphelins, de famille monoparentale ?

    En conclusion, sous réserve des conclusions de l’étude prospective, à ce stade, je considère que les prestations familiales ne doivent pas entrer dans le champ de la réflexion sur les révisions de réglementations au regard de la suppression de statut de cohabitant. La notion de cohabitation ou de non-cohabitation n’intervient que pour l’octroi d’un soutien spécifique supplémentaire, au même titre qu’un soutien spécifique est accordé aux orphelins ou aux enfants atteints d’une affection.

    Renoncer à cette modulation reviendrait, me semble-t-il, à renoncer à la solidarité verticale voulue par le législateur. Cela reviendrait à déterminer un taux de base unique pour tous sans complément destiné à soutenir les parents en fonction de leur situation.