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La sécurité juridique du Plan Air Climat Énergie à l'horizon 2030 (PACE 2030)

  • Session : 2023-2024
  • Année : 2023
  • N° : 176 (2023-2024) 1

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  • Question écrite du 14/11/2023
    • de CRUCKE Jean-Luc
    • à HENRY Philippe, Ministre du Climat, de l'Energie, de la Mobilité et des Infrastructures
    Monsieur le Ministre a récemment fait une sortie de presse expliquant la soi-disant sécurité juridique du PACE 2030 en lien avec les récentes décisions prises au niveau européen.

    Cela reste à voir lorsqu'on voit comment la France négocie avec la Commission européenne sur ses objectifs en matière d'énergies renouvelables. Il faudra alors faire attention aux prochains rapports de la Cour des comptes européenne à cet égard.

    Je tiens à rappeler que la Belgique, elle-même, est en infraction selon la Cour des comptes européenne ! Selon le rapport de la Cour du 26 juin 2023, la Belgique a fait usage de son mécanisme de flexibilité afin de compenser son rendez-vous raté avec ses objectifs climatiques.

    Les mesures de flexibilité permettent de compenser l'écart entre le niveau de déploiement des énergies renouvelables et l'objectif que les États membres s'étaient fixé pour 2020. Quatre moyens sont autorisés par la Commission européenne, dont l'achat de « mégawatts statistiques » excédentaires aux États membres ou le développement et le soutien de projets conjoints en matière d'énergies renouvelables.

    Monsieur le Ministre assume-t-il le fait que le PACE 2030 ait la sécurité juridique nécessaire pour le prochain gouvernement ?

    Est-il vrai qu'il serait « impossible » de remettre en question de l'une ou l'autre manière le PACE 2030 lors de la prochaine législature ?

    Quid de l'utilisation du mécanisme de flexibilité par la Belgique ?

    Qu'en fut-il concrètement pour ce qui concerne la Région wallonne ?

    Quelles sont les sanctions auxquelles il fait référence ?

    Y a-t-il un risque que la Belgique soit confrontée à celles-ci sous la prochaine législature ?

    La Belgique pourrait-elle, encore une fois, utiliser le mécanisme de flexibilité ?

    Qu'en est-il des objectifs climatiques de la Région wallonne ?
  • Réponse du 08/01/2024
    • de HENRY Philippe
    Les États membres peuvent utiliser, conformément à la réglementation européenne, certaines flexibilités pour atteindre leurs objectifs nationaux en matière d’énergie et de climat, lorsque ceux-ci sont contraignants.

    Pour ce qui concerne l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour le non ETS pour 2020, le rapport de la Cour des comptes européenne note que la Belgique n’a pas dû acheter de quotas d’émissions de GES à d’autres États membres. Il faut préciser que la Wallonie avait comme objectif pour l’année 2020 une réduction de 14,7 % de ses émissions non-ETS par rapport aux émissions de 2005, conformément à l’accord de « burden sharing » pour la période 2013-2020. Comme cela a été acté par la Commission nationale climat (Rapport de mai 2023 de la CNC et CONCERE sur la mise en œuvre de l’accord de coopération du 12 février 2018 entre l’État fédéral, la Région flamande, la Région wallonne et la Région de Bruxelles-Capitale relatif au partage des objectifs belges climat et énergie pour la période 2013-2020 https://www.cnc-nkc.be/sites/default/files/report/file/3e_rapport_execution_ac_bs_13-20_cnc_concere_approuve.pdf), la Wallonie a pleinement respecté cet objectif de réduction, via des réductions internes et sans recourir à des achats de crédits.

    En ce qui concerne les énergies renouvelables, la Wallonie a atteint et même dépassé l’objectif 2020 qui lui avait été assigné dans le cadre du « burden sharing » intrabelge. Malgré cet excédent wallon (revendu aux autres entités en déficit), des achats statistiques ont dû être effectués par les autres entités belges, afin d’atteindre l’objectif belge.

    Il faut souligner que l’utilisation de flexibilités est prévue par la réglementation européenne : l’État membre qui fait usage de ces flexibilités (dans la mesure prévue par la réglementation européenne) afin d’atteindre son objectif contraignant n’est donc pas en infraction.

    Lorsque les objectifs contraignants ne sont pas atteints, malgré l’usage des flexibilités autorisées, la Commission peut alors prendre des mesures correctrices, suivies, si nécessaire, d’une procédure d'infraction. C’est à l’issue de ces procédures que les sanctions peuvent intervenir : la Cour de justice de l’Union européenne peut sanctionner un État membre qui n’est pas parvenu à atteindre ses objectifs.

    Pour ce qui concerne la période actuelle (2021-2030), le cadre législatif mis en place pour atteindre les objectifs fixés pour 2030 prévoit des objectifs nationaux contraignants pour les réductions des émissions de gaz à effet de serre couvertes par le règlement sur la répartition de l’effort. Des flexibilités pourront donc être utilisées pour atteindre l’objectif belge de réduction des émissions.

    En ce qui concerne les objectifs renouvelables à l’horizon 2030, le cadre est quelque peu différent. D’une part, chaque État membre devra contribuer à l’objectif renouvelable européen, contraignant de 42,5 % au regard de ses caractéristiques propres (potentiel ...). Dans ce contexte, chaque pays doit annoncer son objectif renouvelable dans son Plan national Énergie Climat. La Wallonie a défini au sein de son PACE 2030 une contribution wallonne à l’objectif belge de 28 % - 29 % à l’horizon 2030.

    D’autre part, concernant les mécanismes de coopération, la nouvelle Directive renouvelable prévoit en son article 9 la mise en place d’un cadre de coopération pour des projets communs entre États membres. Les modalités pratiques de mise en œuvre (notamment en ce qui concerne le financement) restent à préciser.

    Le PACE 2030 comprend les mesures qui permettront à la Wallonie d’atteindre ses objectifs en matière d’énergie et de climat. Remettre en cause le PACE 2030 lors de la prochaine législature reviendrait à mettre en péril les objectifs climatiques wallons tels que fixés par le décret neutralité carbone.

    Concernant les objectifs climatiques de la Wallonie, j’en profite ici pour rappeler l’arrêt de la Cour d’appel de Bruxelles du 30 novembre dernier dans l’affaire Klimaatzaak.

    Pour la Cour, il n’y a pas de faute dans la politique climatique que la Région met en place pour le long terme, et ce au vu des éléments suivants :
    - la Région wallonne a déjà acquis et largement dépassé un objectif de réduction de 30 % en 2020, fixé depuis 2014 ;
    - pour le futur, elle intègre déjà l’objectif belge rehaussé de - 47 % dans le projet de révision du PNEC ;
    - le PACE intègre l’objectif de réduction totale de – 55% en 2030 ;
    - elle a élaboré un décret « neutralité carbone » qui entrera en vigueur le 1er janvier 2024.

    Cela vaut la peine d’être souligné, c’est une belle reconnaissance de l’action de la Région en matière climatique.