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L'étude française identifiant un lien entre la taille des parcelles de vignes et l'apparition d'une leucémie chez les enfants riverains

  • Session : 2023-2024
  • Année : 2023
  • N° : 115 (2023-2024) 1

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  • Question écrite du 15/11/2023
    • de AGACHE Laurent
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    Menée par Stéphanie Goujon, Matthieu Mancini et Jacqueline Clavel (Inserm, université Paris Cité), une étude française publiée le mercredi 18 octobre dans Environmental Health Perspectives constate une corrélation entre la taille des parcelles de vignes et l'apparition d'une leucémie chez les enfants.

    Les scientifiques ont observé que quand la densité de vignes autour de la résidence des enfants augmentait de 10 %, le risque de leucémie lymphoblastique - qui représente 80 % des leucémies aiguës de l'enfant - augmentait également de 10 %.

    Une étude de la même équipe, publiée en 2020, s'était intéressée à l'échelle des communes et avait montré qu'il y avait plus de risques de leucémies pour les enfants dans celles où l'on cultive la vigne traitée aux pesticides.

    Si ces chiffres ne sont pas spectaculaires, ils sont quand même considérés comme significatifs.

    Les auteurs de cette étude estiment ainsi que « ce résultat renforce l'hypothèse selon laquelle l'exposition environnementale aux pesticides peut être associée à la leucémie lymphoblastique chez l'enfant. »

    Le vin wallon est quant à lui en plein essor, notre magazine « Vivre la Wallonie » lui a d'ailleurs consacré son dossier principal dans la parution de cet automne.

    Le vignoble wallon était, à l'origine, l'affaire d'artisans passionnés très impliqués dans l'intégration harmonieuse de leur vignoble dans leur environnement.

    Le succès grandissant, nous voyons maintenant d'autres opérateurs apparaître sur ce marché, davantage intéressés par des perspectives financières, et donc par des rendements plus élevés de leurs vignes.

    Dans ce cadre, que met en place Monsieur le Ministre pour limiter au maximum les risques d'usage excessif de pesticides dans la culture de la vigne en Wallonie, en vue de protéger la santé des riverains, notamment celle des enfants ?
  • Réponse du 01/12/2023
    • de BORSUS Willy
    Il s’agit tout d’abord d’une question à laquelle il faut évidemment réserver la plus grande attention et la plus grande vigilance.

    Il y a lieu aussi de tenir compte du fait que selon les pratiques viticoles et selon les conditions pédoclimatiques, les quantités et types de produits de protection phytosanitaires (PPP) utilisés peuvent différer fortement.

    Depuis la fin de l’étude française citée (2013), certaines molécules appliquées à l’époque en viticulture ont été retirées du marché européen.

    Selon l’étude, la proximité des vignobles et la densité viticole seraient liées. Ainsi, elle estime que, pour les enfants habitant à moins de 1 000 m d’un vignoble, une hausse de 10 % de la densité viticole provoquerait une hausse des risques de leucémie lymphoblastique aiguë allant de 5 % à 12 %.

    Cependant, les auteurs de l’article nuancent eux-mêmes les résultats de celle-ci à plusieurs reprises, notamment :
    • l’exposition peut ne pas être liée aux activités agricoles/viticoles, et il est difficile de quantifier l’exposition liée aux usages de produits domestiques (PPP à usage amateur/biocides) ;
    • l’échantillon de population utilisé au sein de l’étude reprend l’ensemble des cas de leucémie aiguë répertoriés entre 2006 et 2013. Mais depuis lors, plusieurs substances actives à risque ont été retirées du marché :
    • d’autres paramètres, non identifiés, peuvent avoir un impact sur la variabilité des résultats. La densité viticole n’explique pas, à elle seule, les différences observées entre les régions de France.

    En termes de mesures de protection des riverains et enfants en zone agricole, la France impose, depuis 2020, la mise en place de zones non traitées à proximité des riverains. De façon similaire, depuis 2018, en Wallonie, il est interdit de pulvériser tout PPP à moins de 50 m de la limite foncière d’un lieu accueillant des enfants lors de la fréquentation de ces lieux.

    D’autre part, dans le cadre du PWRP3 (2023-2027), 3 actions supplémentaires relatives à la protection des riverains et publics vulnérables sont prévues :
    • évaluation de l’exposition aux PPP des populations riveraines de cultures spécifiques et de l’efficacité des mesures de protection employées ;
    • élaboration d’un outil de localisation des zones dans lesquelles la pulvérisation de pesticides est interdite et sa mise à disposition des utilisateurs professionnels de PPP, leur permettant de mieux prendre en considération le respect des riverains et des publics vulnérables ;
    • création d’une boîte à outils reprenant les diverses mesures de remédiation identifiées dans les études précédentes (PROPULPPP) afin de limiter l’exposition des populations aux PPP ou d’inciter à finalement ne pas en faire usage.

    Depuis 2016, le service expérimentation et avertissement viticole du CARAH mène des actions en vue d’une viticulture « raisonnée », notamment via l’implantation d’un vignoble expérimental composé de 27 cépages, dont 12 cépages interspécifiques résistants permettant une conduite en agriculture biologique ou raisonnée. L’édition annuelle d’un guide viticole dont un volet est consacré à la protection intégrée du vignoble met l’accent sur les mesures prophylactiques à privilégier. Ce service dispose également d’un réseau de stations météo connectées, et diffuse, durant la saison de culture, des avertissements accompagnés d’une interprétation et d’un conseil de traitement adaptés à la parcelle. Pour la saison 2023, le CARAH a compté plus de 70 abonnés, ce qui illustre bien l’attrait pour la culture de la vigne en Wallonie et l’intérêt du public à la protection raisonnée de celle-ci.

    Concernant les risques évoqués dans l’étude, pour la santé des riverains et des passants, je rappelle que les vignobles wallons sont majoritairement situés sur des terres agricoles à l’écart des habitations, et qu’une contamination directe des riverains est beaucoup moins probable dans la plupart des cas. Nous sommes loin d’une situation telle qu’en Alsace, par exemple, où les parcelles de vignes côtoient les habitations.

    Enfin, en Wallonie, les cépages interspécifiques sont bien représentés. Durant l’année 2021, extrêmement pluvieuse, ceux-ci se sont distingués par rapport aux autres cépages traditionnels par un usage moindre en fongicides. Ils représentent un atout pour la (jeune) viticulture wallonne qui a véritablement innové avec cela dans les années 90 grâce à Philippe Grafé. Il s’agira donc de mettre davantage cette spécificité en avant, car elle nous différencie de la vitiviniculture traditionnelle plus conservatrice telle qu’on la connaît en France.