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La position de la Région wallonne pour le sommet de la COP28

  • Session : 2023-2024
  • Année : 2023
  • N° : 193 (2023-2024) 1

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  • Question écrite du 17/11/2023
    • de CRUCKE Jean-Luc
    • à HENRY Philippe, Ministre du Climat, de l'Energie, de la Mobilité et des Infrastructures
    La cinquième réunion du comité de transition sur les pertes et dommages de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) s'est achevée dimanche par un accord sur une liste de recommandations relatives à la mise en œuvre des fonds, qui seront présentées lors de la COP28, notamment sur les « pertes et dommages ».

    Lors du sommet de la COP28, qui débutera le 30 novembre 2023, les parties de la CCNUCC seront responsables de la mise en œuvre du fonds, y compris des dispositions clés relatives à l'aide sous forme de subventions pour les pays particulièrement touchés par le changement climatique.

    Monsieur le Ministre a-t-il pris connaissance de ce récent accord de la CCNUCC ?

    Quelle est sa réception dudit accord ?

    Quelles sont les recommandations de cet accord ?

    Quelle fut la position de la Wallonie lors des discussions interfédérales pour la préparation du sommet de la COP28 ?
  • Réponse du 08/01/2024
    • de HENRY Philippe
    L'objectif de la COP28, en matière de pertes et dommages, est d'opérationnaliser les accords de la COP27 et de trancher en priorité les questions de l’hébergement du fonds, des bénéficiaires de ce fonds, des pays contributeurs, de la manière de contribuer, de l’accès direct et des droits humains.

    La thématique des « Pertes et dommages » est progressivement montée en puissance au cours des dernières années, à tel point que les dispositions financières en cas de pertes et de dommages sont devenues le résultat le plus tangible de la COP27. C’est en effet lors de cette COP à Charm el Cheikh qu’a été prise la décision sur les mécanismes de financement des pertes et dommages, y compris la création d'un fonds. En fait, c’est sous la forte pression d’un front uni de tous les pays en développement (i.e. G77 et la Chine) que cette question est devenue le thème central de la COP27. Le résultat fut un compromis entre la vision avancée, entre autres, par l'UE, qui repose sur le renforcement d'une mosaïque d'instruments de financement existants (pour le climat, mais aussi pour les secours en cas de catastrophe et l'aide humanitaire), et l'appel du G77 et de la Chine à établir un fonds spécifique « pertes et dommages ». La COP27 a donc mandaté un Comité de transition pour formuler des recommandations sur de nouveaux dispositifs de financement pour soutenir les pays en développement particulièrement vulnérables aux impacts du changement climatique, en ce y compris au travers du fonds spécifique.

    Le démarrage du travail de ce comité de transition fut plus tardif que prévu, en raison d'une sélection assez difficile de ses membres pour les pays en développement. Finalement, les 24 membres (10 pour les pays développés et 14 pour les pays en développement) se sont réunis pour la première fois, fin mars 2023, à Louxor. L'Union européenne s'est vu attribuer 4 sièges, occupés par la Finlande, la France, l'Allemagne – l’Irlande, le Danemark et les Pays-Bas.

    Les 4 derniers pays se partageaient 2 sièges, chacun à tour de rôle pour assister aux réunions. Le membre finlandais était également l'un des 2 coprésidents du Comité de transition. L'objectif principal de cette première réunion était de conclure des accords procéduraux pour la suite du processus.

    Le deuxième Comité de transition (qui a eu lieu à Bonn, du 25 au 27 mai) et le troisième (qui a eu lieu à Saint-Domingue du 29 août au 1er septembre) ont principalement servi à organiser un échange de vues et à se faire une idée des différents points de vue sur l'objet et la portée du fonds. En outre, le paysage plus large des accords de financement actuels pour les pertes et dommages et les sources de financement innovantes possibles ont également été discutés. Cela a conduit le Comité à se concentrer sur les lacunes de ce paysage, à savoir « les pertes non économiques, les événements à évolution lente, la reprise et la résilience... ».

    Pour éclairer les recommandations du Comité de transition, deux ateliers ont également été organisés (29-30 avril, Bonn et 15-16 juillet, Bangkok) avec la participation de diverses parties prenantes, notamment des représentants d'agences des Nations unies, de banques multilatérales de développement (BMD), d'ONG... Au cours des ateliers, des expériences ont été échangées, sur la base d'études de cas sur la manière de gérer les pertes et les dommages dans différentes situations. En outre, des tables rondes ont eu lieu sur la mise en œuvre des nouveaux dispositifs de financement et du fonds et sur la manière dont ils répondraient au mieux aux besoins actuels.

    Également lors du deuxième Dialogue de Glasgow (8-10 juin, Bonn), les Parties et les observateurs ont partagé leurs points de vue sur le rôle que le nouveau fonds et les nouveaux mécanismes de financement joueraient pour soutenir les pays en développement confrontés à des pertes et des dommages. Il était important que les trois axes de travail, à savoir le Comité de transition, les deux ateliers et le Dialogue de Glasgow ne soient pas considérés comme des entités distinctes, mais plutôt comme un tout cohérent qui s'appuie les uns sur les autres.

    La 4e réunion du Comité de transition (17 – 20 octobre, Assouan) a été assez houleuse et aucun compromis n'a pu être dégagé. Il a donc été décidé d'organiser une 5e réunion supplémentaire (3 et 4 novembre, Abu Dhabi), afin que des recommandations sur les mécanismes de financement et le fonds soient proposées avant le début de la COP28.

    Ceci a finalement été réalisé. Le résultat est une proposition de texte de décision, complétée par un « instrument directeur » qui contient des accords concernant le fonds et une série de recommandations concernant le paysage plus large des accords de financement et de la coordination mutuelle par le fonds. Je tiens d’emblée à signaler que le compromis proposé ne franchit à mon sens aucune ligne rouge dans la position européenne.

    Un des points de discussion était la question de l’hébergement du nouveau fonds. Les pays développés ont soutenu la proposition de placer le fonds sous la tutelle de la Banque mondiale, qui agirait en qualité d'administrateur. L’avantage est une mise en place et une opérationnalisation plus rapide dans un cadre institutionnel offrant des garanties suffisantes. Cependant, de nombreux pays en développement étaient plutôt favorables à un fonds autonome et indépendant. L'éventuel projet de logement dans le cadre de la Banque mondiale a également suscité de nombreuses critiques dans la presse, à savoir que les coûts seraient trop élevés et que le fonds perdrait trop d'autonomie. Finalement, un accord a été conclu selon lequel le nouveau fonds pour les pertes et dommages sera pour le moment intégré à la structure de la Banque mondiale, en tant qu'administrateur intérimaire. Cet arrangement sera réévalué après 4 ans.

    Une autre question vivement débattue était celle de l’accès au fonds. L’un des piliers de la position de l’UE a toujours été que le fonds devrait fournir une aide financière en priorité aux pays les plus vulnérables aux effets du changement climatique, à savoir les petits États insulaires et les pays les moins avancés. Le G77, quant à lui, a fait valoir que le fonds devrait être accessible à tous les pays en développement, quel que soit leur degré de vulnérabilité. L’absence d’une définition communément reconnue de la vulnérabilité a également constitué un obstacle à cette discussion. Finalement, il a été convenu que le fonds serait accessible aux pays en développement particulièrement vulnérables, sans autre précision. Malgré les discussions en matière d’admissibilité, un certain consensus s’est dégagé sur le fait que le nouveau fonds devrait, d’une manière ou d’une autre, donner la priorité au soutien aux pays les plus vulnérables. Ceci a été respecté dans une certaine mesure dans les accords concernant le système d'attribution. Le conseil d'administration du fonds développera un tel système avec des paramètres, sur la base desquels il sera décidé à qui les ressources financières seront allouées en priorité (par exemple, impact des catastrophes climatiques, et cetera). De plus, un pourcentage minimum est réservé aux petits États insulaires et aux pays les moins avancés.

    La question de la base de donateurs a été l'un des points de friction les plus difficiles lors des réunions du Comité. Les pays en développement étaient favorables à un arrangement dans lequel les pays développés constitueraient les donateurs classiques du nouveau fonds pour pertes et dommages, comme c'est le cas pour de nombreux autres fonds. Toutefois, selon les pays développés, une telle base de donateurs traditionnels n’est pas suffisante. Ils ont fait pression en faveur d’un large éventail d’options de financement, faisant appel à des sources de financement non seulement publiques, mais aussi privées, philanthropiques et innovantes. En fin de compte, cela a également été inclus dans les recommandations du Comité de transition.

    Dans les versions précédentes des recommandations, des sièges au conseil d'administration du fonds étaient réservés à des observateurs issus, entre autres, du secteur privé, des ONG, des peuples autochtones et des migrants climatiques. Cependant, ces sièges réservés aux non-parties ont été perdus au cours des négociations ultérieures, au grand désarroi des organisations de défense des droits de l'homme. De plus, le projet de décision fait désormais simplement référence au passage relatif aux droits de l’homme, dans le préambule de l’Accord de Paris. Rien à ce sujet n'a été inclus dans « l'instrument de gouvernance », qui est crucial pour gérer réellement le conseil d'administration et les activités du fonds.

    La position de la Belgique doit encore être approuvée et n'est donc pas encore arrêtée de manière définitive, mais les grandes lignes seront bien sûr en accord avec la position européenne déjà établie qui s'appuie sur 3 priorités :
    - la combinaison complémentaire des mécanismes de financement existants et du fonds ;
    - la priorité accordée aux pays les plus vulnérables face aux effets néfastes du changement climatique ;
    - l’élargissement de la base des donateurs.

    Certains points de la position belge doivent encore être un peu plus détaillés, même si ceux-ci ne font pas vraiment débat au niveau belge, comme la priorité donnée aux pays les plus vulnérables et l'élargissement de la base des donateurs. Il ne peut également y avoir aucune responsabilité (juridiquement contraignante), ni indemnisation pour les pertes et dommages subis en raison du changement climatique.

    La Belgique insiste également fortement sur la complémentarité maximale entre tous les mécanismes, y compris le fonds.

    La Région flamande, qui était opposée à la création de ce fonds depuis le début, insiste maintenant sur le fait que la contribution à ce fonds doit se faire sur une base volontaire. La Région wallonne ne s’opposera pas à ce point de vue.