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La fragilisation des écosystèmes forestiers

  • Session : 2023-2024
  • Année : 2023
  • N° : 135 (2023-2024) 1

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  • Question écrite du 17/11/2023
    • de CRUCKE Jean-Luc
    • à TELLIER Céline, Ministre de l'Environnement, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité et du Bien-être animal
    Les forêts sont le principal puits naturel de carbone et la Wallonie mise largement dessus pour atteindre la neutralité carbone.

    Une étude du CITEPA en France vient néanmoins d'indiquer qu'en dix ans, les forêts de l'Hexagone ont absorbé un tiers de CO2 en moins et que certaines forêts sont même devenues excédentaires et émettent plus de CO2 qu'elles n'en absorbent !

    Plus inquiétant encore, ce phénomène est largement constaté dans la région française la plus proche de Wallonie, les Hauts-de-France, où les autres puits de carbone (prairies, sols, etc.) émettent aussi du CO2 et ne jouent plus leur rôle de régulateur du climat ! En cause, le changement climatique qui fragilise les écosystèmes forestiers !

    Un constat identique est-il perçu en Wallonie ?

    Quelles sont les informations dont dispose Madame la Ministre ?

    Quelles sont les disparités sur le territoire ?

    Quel est le niveau d'inquiétude ?

    Le taux de mortalité des arbres a-t-il augmenté en dix ans ? Dans quelles proportions ?

    Constate-t-on un ralentissement de la croissance des arbres, ce qui a évidemment pour conséquence qu'ils stockent moins de carbone ?

    Quel est le pourcentage de la forêt dépérissante ?

    Comment sauver nos forêts et atteindre nos objectifs climatiques ?

    Ne conviendrait-il pas de définir des objectifs pour le secteur de la forêt ?

    Quelles sont les solutions auxquelles travaille Madame la Ministre et les perspectives dans lesquelles elle inscrit son action ?
  • Réponse du 26/04/2024
    • de TELLIER Céline
    En effet, il est exact qu’en France, un ralentissement de la progression du stock de carbone en forêt a été observé, se traduisant par une baisse du puits. Néanmoins, cette observation est très hétérogène sur le territoire avec des puits en croissance dans certaines régions, stables ailleurs, ou alors des forêts émettrices de CO2 en Corse, Hauts-de-France et Grand-Est. L’étude de CITEPA met en avant 3 facteurs pour expliquer cette tendance :
    - un ralentissement de la croissance des arbres d’environ 3 % ;
    - une augmentation de 35 % de la mortalité des arbres due aux sécheresses à répétition couplées à divers épisodes sanitaires ;
    - une augmentation des récoltes de 18 %.

    En forêt wallonne, les principaux stocks de carbone sont constitués par la biomasse aérienne et souterraine des forêts productives (95 t C/ha) et les sols forestiers dont le stock est estimé à 110 t C/ha (0-30 cm). À l’inverse de la France, les récoltes n’ont pas augmenté. Le bilan du secteur forestier en Région wallonne est actuellement un puits représentant au maximum 1,8 % des émissions nettes.

    Entre 2008 et 2015, la Wallonie a elle aussi connu une diminution de production et une perte d’accroissement en circonférence des arbres, de 5 % en feuillus et de 9 % en résineux. Entre 2010 et 2020, le pourcentage de feuillus anormalement défoliés est passé de 34 % à 25 %. Cette relative amélioration est due essentiellement à la grande résilience du chêne, qui a su mieux récupérer que d’autres essences des sécheresses du début des années 2000. Sur la même période, le pourcentage de résineux anormalement défoliés est passé de 30 % à 60 %, ce qui indique une grande fragilisation des résineux face aux risques biotiques et climatiques.

    Bien que nous n’ayons pas de statistiques par province ou par région bioclimatique en Wallonie, il est évident que ces observations présentent une importante disparité. En effet, les conditions stationnelles sont très variées et les compositions spécifiques également. Cette adéquation station/essence joue un rôle majeur dans la sensibilité des écosystèmes aux évènements climatiques extrêmes et aux agents pathogènes. Bien que toutes les zones bioclimatiques aient subi des pics de mortalité d’épicéas, les trois zones de l’Ardenne sont nettement moins impactées que les autres zones.

    Il est indispensable de poursuivre le renforcement des actions en faveur de l’adaptation des forêts wallonnes au dérèglement climatique et leur structuration au sein d’un plan cohérent. C’est dans ce sens qu’à la suite des « Assises de la forêt », une Stratégie forestière régionale a été élaborée par mon administration, en concertation avec l’ensemble des représentants de l’ensemble des parties prenantes de la filière bois, et dont les objectifs sont, entre autres, de rendre nos écosystèmes forestiers plus résilients face au dérèglement climatique et d’accroitre leur valorisation locale et circulaire.
    Bien que son rôle soit important sur d’innombrables autres aspects, ces chiffres nous montrent bien que la forêt ne doit pas constituer le seul levier à actionner pour atteindre nos objectifs climatiques en Wallonie, au contraire. D’autant que, comme nous le démontre l’étude française, des phénomènes comme la mortalité, le dépérissement voire les incendies sont des facteurs sur lesquels nous avons un pouvoir très réduit et qui peuvent significativement et subitement impacter le bilan carbone.