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Les risques accrus de cancer du sein liés à l’exposition aux particules fines

  • Session : 2023-2024
  • Année : 2023
  • N° : 139 (2023-2024) 1

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  • Question écrite du 17/11/2023
    • de SOBRY Rachel
    • à TELLIER Céline, Ministre de l'Environnement, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité et du Bien-être animal
    Récemment avait lieu le congrès de l'European Society of Medical oncology (Esmo) 2023 à Madrid, dans le cadre duquel une nouvelle analyse de l'étude Xenair a été présentée. Comme doit le savoir Madame la Ministre, cette étude a été menée de 1990 à 2011 afin d'observer l'influence de l'exposition aux particules fines dans la survenance du cancer du sein.

    Les résultats ont clairement démontré une association significative entre l'exposition à long terme, à la maison et au travail, à la pollution atmosphérique et le risque du cancer du sein. Le directeur de la politique publique de l'Esmo estime qu'il existe aujourd'hui suffisamment de preuves solides de ce lien que pour réduire la pollution afin de prévenir les cancers.

    Si, bien entendu, le sujet est vaste et concerne plusieurs portefeuilles ministériels et, même, plusieurs niveaux de pouvoirs, je souhaitais lire Madame la Ministre sur le sujet, au travers des quelques questions.

    A-t-elle pris connaissance de cette nouvelle analyse de l'étude Xenair ?

    Comment l'accueille-t-elle ?

    Vu ses compétences en matière de prévention et promotion de la santé, comment informer et sensibiliser quant aux risques liés à l'exposition aux particules fines ?

    Existe-t-il des synergies avec la Ministre de l'Environnement à ce sujet ? Lesquelles ?
  • Réponse du 03/01/2024
    • de TELLIER Céline
    Tout d’abord, précisons qu’il ne s’agit pas d’une nouvelle analyse d’une étude ancienne, mais d’une exploitation récente des données spécifiques extraites du suivi d’une cohorte de femmes en France depuis 1990.

    Plus précisément ce projet XENAIR, financé par l’association pour la recherche sur le cancer (ARC, France), visait à étudier l’association entre le risque de cancer du sein et l’exposition chronique à faible dose à 8 polluants atmosphériques :
    • les polluants ayant des propriétés xénœstrogènes : dioxines, benzo[a]pyrène (BaP), polychlorobiphényles (PCB), cadmium ;
    • ainsi que des polluants auxquels les Français sont exposés quotidiennement : les particules (PM10 et PM2.5), le dioxyde d’azote (NO2) et l’ozone (O3).

    Des études épidémiologiques et expérimentales ont, en effet, suggéré que l’exposition à des polluants environnementaux, en particulier ceux à effet perturbateur endocrinien, pourrait avoir un rôle dans le développement du cancer du sein. En 2013, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a classé la pollution de l'air dans son ensemble, et les particules fines en particulier, comme cancérogènes pour l'homme. Il a également classé d’autres polluants de l’air, tels que le BaP, le cadmium, les dioxines et les PCB comme cancérogènes certains pour l'homme.

    Les femmes incluses dans le projet XENAIR (âgées de 40 à 65 ans au moment de l’inclusion) ont été suivies depuis 1990. À partir de cette cohorte, une étude cas-témoins composée de 5222 cas de cancer du sein (diagnostiqués entre 1990 et 2011) et 5 222 témoins appariés (indemnes de cancers du sein au diagnostic du cas) a été constituée.

    Pour chaque polluant séparément, à l’aide d’un modèle spécifique, des expositions moyennes et cumulées ont été estimées pour chaque femme ayant eu un cancer du sein, depuis sa date d’inclusion dans l’étude à la date de diagnostic du cancer du sein et ce, en fonction de ses différents lieux de résidence. Les niveaux d’exposition à ces huit polluants atmosphériques ont ensuite été comparés à ceux de 5222 autres femmes - les témoins - n’ayant déclaré aucun cancer sur cette même période. Chaque femme du premier groupe était appariée à une femme du second groupe, ayant un âge comparable, le même statut ménopausique et résidant dans le même département.

    Les analyses statistiques ont été ajustées sur les facteurs de risque de cancer du sein déjà connus (activité physique, consommation de tabac ou d’alcool, nombre d’enfants, allaitement, âge à la première grossesse, statut ménopausique, prise de traitements hormonaux de la ménopause, usage de contraceptif oral et mammographie avant l’inclusion) pour veiller à n’étudier que l’influence des polluants.

    Pour l’ensemble des polluants, à l’exception de l’ozone, l’étude observe une baisse continue des expositions des femmes de la cohorte depuis 1990. Cependant les niveaux d’expositions pour les dioxydes d’azote et les particules restent largement au-dessus des recommandations sanitaires actuelles. Ces constats sont cohérents avec les observations faites en Wallonie. Le rapport annuel de la cellule CELINE sur l’évolution de la qualité de l’air met en évidence la tendance à l’amélioration de la qualité de l’air sur le long terme et souligne également la différence qui subsiste par rapport aux recommandations de l’OMS.

    Une augmentation du risque de cancer du sein lors d’une exposition à 5 polluants dans la population XENAIR a été démontrée. Cette augmentation est statistiquement significative pour le Dioxyde d’azote (NO2), le Benzo[a]pyrène (BaP) et les Polychlorobiphényles (PCB153). Elle est à la limite de la significativité statistique pour les Particules PM10 et PM2.5.

    Aucune association n’a été mise en évidence pour l’exposition au cadmium et aux dioxines et les informations disponibles en ligne ne présentent pas les résultats pour l’ozone.

    Les résultats de l’étude XENAIR suggèrent que la réduction des concentrations des polluants de l’air a le potentiel de contribuer à la prévention du cancer du sein. Ainsi, en prenant comme référence les seuils de référence de l’Europe pour le NO2 (40 µg/m3 en moyenne annuelle), 1 % des cancers du sein de la population XENAIR auraient pu être évités. En revanche, avec des niveaux d’exposition conformes aux recommandations de l’OMS de 2021, de 10 µg/m3 pour les NO2, près de 9 % des cancers du sein de la population XENAIR auraient été évités.

    Ces résultats confirment que l’on ne peut se satisfaire de simplement se conformer à la réglementation européenne et qu’il faut être plus ambitieux. C’est pour cela que depuis le début du processus de révision de la directive relative à la qualité de l’air, la Wallonie en accord avec les autres régions plaide pour l’adoption de seuils réglementaires stricts et d’un objectif zéro pollution en 2050. Cette directive devrait être finalisée et adoptée au cours de la présidence belge (premier semestre 2024) et nous mettrons tout en œuvre pour que le niveau d’ambition ne soit pas abaissé.