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Les enseignements de l'arrêt de la Cour constitutionnelle n° 135/2023 du 19 octobre 2023 eu égard aux affaires liées à Nethys

  • Session : 2023-2024
  • Année : 2023
  • N° : 61 (2023-2024) 1

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  • Question écrite du 20/11/2023
    • de HAZEE Stéphane
    • à COLLIGNON Christophe, Ministre du Logement, des Pouvoirs locaux et de la Ville
    En suite des recommandations de la Commission d'enquête Publifin/Nethys, la Wallonie a adopté un cadre législatif visant à plafonner les rémunérations des gestionnaires publics.

    La Cour constitutionnelle, en date du 19 octobre 2023, a rendu un arrêt en réponse à une question préjudicielle de la Cour du travail de Liège portant sur l'article 15bis, §§ 3 et 13, du décret du 12 février 2004, dans le cadre d'un contentieux initié par l'ex-directeur de l'aéroport de Liège.

    J'ai été surpris par les effets que d'aucuns voudraient donner à cet arrêt, en envisageant que cet arrêt de la Cour constitutionnelle, qui a du reste explicitement limité son examen à la situation du recours, aboutirait à une récupération des millions d'euros détournés au titre d'indemnités de rétention ou à un non-lieu dans les poursuites pénales à l'égard de ces indemnités et des inculpations d'abus de biens sociaux, d'association de malfaiteurs et de blanchiment auxquelles elles ont conduit.

    Il importe de faire le point sur l'état du dossier, sur les enseignements de l'arrêt de la Cour constitutionnelle et sur les éventuelles initiatives à prendre.

    Quelle est l'analyse juridique du Gouvernement quant aux enseignements à tirer de cet arrêt, pour ce qui concerne les affaires liées à Nethys ?

    Le Gouvernement, une intercommunale ou une Société à participation publique locale significative (SPPLS) sont-ils partie civile ou partie lésée dans les différents contentieux d'ordre pénal en lien avec les inculpations des anciens dirigeants de Nethys ? D'autres actions en justice sont-elles en cours en lien avec ces dossiers ?

    Le Gouvernement a-t-il examiné d'éventuelles initiatives législatives, le cas échéant, pour contrer juridiquement tout effet collatéral qui serait en contradiction avec la volonté politique d'assainissement des pratiques problématiques développées au sein de Nethys ?
  • Réponse du 17/01/2024
    • de COLLIGNON Christophe
    En guise de liminaire, un petit rappel des faits…

    Comme l’honorable membre l'a relevé, la Cour constitutionnelle estime, dans son arrêt du 19 octobre 2023, que le plafond de rémunération prévu pour les gestionnaires au sein du décret wallon du 12 février 2004 et introduit par le décret de 2018 poursuit un objectif d'intérêt général légitime conforme à la garantie de bonne gouvernance et de gestion des deniers publics. Par conséquent, il ne produit aucun effet disproportionné pour les contrats conclus après l'entrée en vigueur du décret.

    Toutefois, au moment de l'adoption du décret, le Gouvernement alors en place a décidé de l'entrée en vigueur de ce plafond au 1er juillet 2018. Le décret a quant à lui été adopté le 29 mars 2018 et publié à la mi-mai 2018. C'est bien ce délai d'un mois et demi entre la publication et l'entrée en vigueur que la Cour constitutionnelle estime trop court. La Cour considère en effet qu'il y a une absence de dispositions transitoires raisonnables et que celle-ci n'est pas justifiée.

    Interrogé sur le sujet par la Commission des affaires générales, le Gouvernement, en la personne de son Ministre-Président (représenté par la Ministre De Bue, déléguée aux Affaires du Parlement), a indiqué prendre acte de la décision de la Cour constitutionnelle et que cet arrêt conforte bien le Gouvernement quant au fait que le plafonnement des rémunérations prévu pour les administrateurs publics et les gestionnaires des organismes publics de la Région wallonne constituent une mesure essentielle de bonne gouvernance et de transparence qui doit être maintenue et renforcée.

    Quant aux conséquences de la décision de la Cour constitutionnelle concernant l'absence de régime transitoire, des réflexions et analyses sont en cours via nos conseils juridiques.

    Il est à noter que, à l'heure actuelle, le calendrier de procédure devant la cour du travail n'a pas encore été fixé.

    Ce rappel étant posé, quelques précisions s'imposent encore :
    - tout d'abord, dans le cadre de ce dossier toujours, il appartient maintenant à la Cour du Travail de tirer les conséquences de l’arrêt et de déterminer - s’il échet - l’ampleur d’un éventuel dommage au regard de la détermination de ce qu’aurait dû être le délai raisonnable alloué aux UAP pour négocier en vue d’une mise en conformité à la nouvelle législation. Outre le fait qu’il soit acquis que le délai d’un mois et demi est insuffisant, reste à déterminer ce qui eut été raisonnable ;
    - ensuite, il me semble important de préciser qu’à ce stade, le décret gouvernance n’est pas attaqué à ce sujet dans son volet CDLD.

    À cet égard, il ne peut évidemment être exclu qu’un fonctionnaire dirigeant local (« FDL ») puisse aujourd’hui estimer que l’arrêt de la Cour constitue pour lui un élément révélateur d’une responsabilité dans le chef de la Région wallonne ayant constitué un dommage dans son chef et dont il ne pouvait avoir connaissance au moment de l’entrée en vigueur du décret gouvernance.

    Cela étant, encore cette hypothèse serait démontrée quod non et qu’un recours soit déposé en ce sens, ce qui n’est pas le cas je le rappelle, la portée du dommage serait circonscrite à la période estimée raisonnable par le juge durant laquelle ce FDL aurait pu continuer à bénéficier de son statut pécuniaire antérieur.

    Il est donc, à mon estime, inexact d’affirmer que l’arrêt de la Cour pourrait permettre à l’ancien fonctionnaire dirigeant de Nethys de récupérer l’intégralité des sommes perçues en exécution des décisions annulées par l’autorité de tutelle et au sujet desquelles Nethys, Enodia, la Province de Liège et le Gouvernement wallon se sont portés partie civile…

    De manière générale, avant d'envisager une modification des textes légaux, il me semble prudent d'attendre les dénouements des divers contentieux juridictionnels mettant en cause certaines des dispositions des décrets "Gouvernance".

    Il semble également hasardeux de modifier à la hussarde certaines dispositions du CDLD, sans procéder à l'évaluation plus globale des mesures de Gouvernance qui y sont prévues ; c'est de cette évaluation que des évolutions décrétales se feront sentir, probablement à l'aulne de la prochaine législature.

    C'est en ce sens que j'ai chargé mon Administration d'œuvrer.