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Les critiques de la Cour des comptes européenne à l’égard de l’aquaculture

  • Session : 2023-2024
  • Année : 2023
  • N° : 138 (2023-2024) 1

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  • Question écrite du 28/11/2023
    • de CRUCKE Jean-Luc
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    Le développement d'une aquaculture durable figure parmi les objectifs de la stratégie « de la ferme à la table », la politique alimentaire phare de l'Union européenne.

    Cette pratique est encouragée, les produits de la mer constituant une source de protéines. Par ailleurs, l'empreinte carbone de l'aquaculture est moindre que celle de l'élevage terrestre d'animaux.

    L'UE a triplé ses dépenses consacrées à l'aquaculture pour la période 2014-2020. Un autre milliard est prévu pour la période 2021-2027.

    Cependant, les investissements de l'UE dans le secteur de l'aquaculture, qui s'élèvent à plus d'un milliard d'euros sur sept ans, n'ont pas donné de « résultats tangibles », estime la Cour des comptes européenne dans un rapport du 15 novembre 2023. Ces investissements n'ont pas été synonymes de mesures concrètes sur le terrain.

    Le rapport pointe aussi les charges administratives trop lourdes, les procédures d'autorisation « trop longues » et « incertaines » qui auraient découragé l'investissement. Il y a une difficulté d'accès à l'eau pour le développement de la pisciculture et un manque de planification pour la résolution de conflit entre l'aquaculture et le secteur du tourisme. Il est aussi question d'absence d'objectifs clairs, de critères de sélections pas « assez stricts », et d'indicateurs environnementaux à l'égard de l'évaluation de l'empreinte de l'aquaculture.

    Malgré la promesse de l'UE de stimuler la compétitivité du secteur, la Cour des comptes a signalé une stagnation des volumes de production et un déclin de l'emploi dans le secteur de l'aquaculture depuis 2014.

    Monsieur le Ministre a-t-il pris connaissance de ce rapport de la Cour des comptes européenne ?

    Quelles sont les critiques qui peuvent être adressées de près ou de loin à la Région wallonne à cet égard ?

    La Région wallonne a-t-elle participé à ce processus de développement de l'aquaculture ?
    Si oui, avec quels montants alloués ?

    Quelles sont les mesures concrètes qui ont été décidées par le Gouvernement de la Région wallonne ?

    Quelle est son analyse pour ce qui concerne le développement de l'aquaculture en Région wallonne ? Y a-t-il eu une quelconque progression de la filière chez nous ?

    Quelles sont les réponses que Monsieur le Ministre peut apporter face aux critiques de la Cour des comptes concernant le cas précis de la Région wallonne ?

    Quelles sont les perspectives de croissance dudit secteur chez nous ?

    Y a-t-il une marge de progression ? Quels sont les obstacles ?
  • Réponse du 19/12/2023
    • de BORSUS Willy
    Certains constats, du rapport de la Cour des comptes européenne, sont effectivement applicables à la Wallonie, tels que le conflit d’accès à l’eau et la stagnation du volume de production et de l’emploi au sein de ce secteur, malgré des aides publiques accessibles.

    Concernant les procédures administratives applicables en matière de délivrance de permis d’exploitation aquacole, nous figurons plutôt parmi les bons élèves de l’Union européenne, en termes de rapidité, de volumes autorisés sans étude d’impact environnemental et de longévité (20 années). Il n’en demeure pas moins que des améliorations sont souhaitables, y compris sur le processus de délivrance de permis.

    Nos aquaculteurs avaient également critiqué le timing tardif leur permettant d’accéder aux aides européennes à l’investissement du programme 2014-2020, par le fait de retards d’adoption de la règlementation européenne, puis des programmes et législations régionales. On constate une nette amélioration de la situation à cet égard. Les aides à l’investissement du programme 2021-2029 seront effectivement accessibles dès le début de l’année 2024. Alors que le règlement lié au nouveau fonds européen a été adopté en juillet 2021 et que le programme national a lui été validé par la Commission le 19 décembre 2022.

    Le constat de stagnation du volume de production aquacole est malheureusement également applicable pour la Wallonie. Malgré un taux d’aides à l’investissement pouvant atteindre 40 % et malgré un nombre accru de demandes d’aides reçues, le bilan de ces aides et de leur impact sera hélas décevant. Dix-huit dossiers portant sur un montant total d'investissements estimés à 4,4 millions d’euros ont conduit à l’octroi de 1 187 006 euros d’aides. Cinq dossiers ont été annulés par les bénéficiaires et la plupart des autres n’ont été que très partiellement mis en œuvre par ceux-ci. Une partie des investissements déclarés ne pourra pas être soutenue par le fait d’un non-respect des conditions règlementaires d’éligibilité des dépenses. Ces dossiers sont actuellement soumis au contrôle de mes services, mais il peut être estimé que les aides versées ne dépasseront pas 320 000 euros, pour des investissements déclarés d'un peu plus de 1,6 million d’euros. Hormis l’installation de 2 nouvelles exploitations artisanales de petite taille, les investissements subsidiés ne visent majoritairement pas une augmentation du volume de production, mais permettent le maintien du volume actuel.

    Les chiffres de l’aquaculture wallonne montrent qu’elle subit plutôt un déclin depuis plus de deux décennies. Elle constitue un secteur particulièrement fragilisé, historiquement mis à mal par la concurrence de produits importés à bas coût ainsi que par les conditions climatiques de plus en plus difficiles et récurrentes qui mettent aujourd’hui à mal les productions en place dans notre Région, majoritairement artisanales et fort dépendantes des facteurs physiques externes. Le secteur a donc besoin de soutien pour assurer son développement, en apportant des solutions qui permettront de pérenniser les exploitations en place, en facilitant le développement et la mise en œuvre de nouveaux projets et en diversifiant la production afin de permettre son redéploiement sur l’ensemble de la Wallonie.

    Deux projets remises-reprises d’exploitations sont en cours et en bonne voie. Un projet d’aquaponie à petite échelle a vu le jour et commence à mettre en évidence l’intérêt que représente ce modèle de production au travers de la nouvelle offre en produits locaux qu’il propose. La pisciculture, au même titre que les autres filières agricoles, est actuellement confrontée à l’ampleur des investissements à réaliser parfois, au manque d’intérêt des jeunes générations, etc. Ceci constitue un réel frein pour le développement de ces secteurs. Dans ce contexte, la nouvelle génération d’aquaculteurs doit être soutenue et ce soutien accentué. Au-delà des nouveaux porteurs potentiels de projets que représente cette nouvelle génération, un transfert générationnel de compétences indispensable est en train de voir le jour.

    Afin d’assurer la pérennité et le redéploiement du secteur, des solutions doivent être apportées et mises en œuvre, tant au travers des projets d’intérêt collectif pour la filière que des aides individuelles que propose le programme 2021-2029 cofinancé par le Fonds européen pour les Affaires maritimes, la Pêche et l’Aquaculture. Ces aides sont indispensables pour le secteur. Outre le maintien des aides à l’investissement, de nouvelles mesures apportent un soutien pour le suivi scientifique des exploitations et l’accueil de stagiaires, pour de l’expertise, ainsi que pour de la formation. L’ensemble de ces mesures visent, conformément au plan stratégique de l’aquaculture 2021-2030 validé par le Gouvernement, à pérenniser les exploitations artisanales en place, à encourager la reprise des exploitations des pisciculteurs qui arrêtent leurs activités, mais également à attirer l’installation de nouvelles exploitations de grandes tailles capables de rivaliser avec les prix des importations de masse. Au-delà des nouveaux défis auxquels doit faire face la filière, les solutions qui à apporter peuvent constituer de réelles opportunités de développement et de croissance pour le secteur. Une autre voie de relance du secteur porte sur le redéploiement de la pisciculture d’étang avec des espèces indigènes adaptées aux changements climatiques.

    Outre les obstacles déjà cités, signalons aussi que les piscicultures artisanales en place se heurtent de façon récurrente aux dégâts et aux pertes induits par des espèces protégées tel que le castor et certains oiseaux piscivores. Une gestion raisonnée de ces espèces sur notre territoire semble un levier indispensable pour optimiser les productions piscicoles de la région.

    Les propagations de viroses, ayant conduit épisodiquement à d’importantes pertes, risquent par ailleurs de s’accentuer par la simplification des statuts sanitaires au niveau européen, afin de faciliter le commerce transfrontalier.

    Enfin, il conviendra également de préidentifier les zones propices pour accueillir des investisseurs en grandes exploitations et de réaliser un travail de vulgarisation et de conscientisation des citoyens et des pouvoirs locaux sur l’intérêt d’accueillir ce type de production pour réduire notre dépendance aux importations de qualité moindre et dotées d’une empreinte carbone élevée.