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La position du Parlement européen concernant la certification des absorptions de carbone

  • Session : 2023-2024
  • Année : 2023
  • N° : 222 (2023-2024) 1

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  • Question écrite du 28/11/2023
    • de CRUCKE Jean-Luc
    • à HENRY Philippe, Ministre du Climat, de l'Energie, de la Mobilité et des Infrastructures
    Le Parlement européen a adopté le 21 novembre 2023 sa position sur un système de certification des absorptions de carbone afin de s'attaquer au "greenwashing", sur la base de la proposition de la Commission européenne.

    Le projet de texte souligne que le système doit être conforme aux normes internationales et transparent afin d'éviter la fraude et le double comptage. Avec cette résolution, le Parlement clarifie les quatre types d'activités couvertes par le cadre de certification tels que :
    - l'élimination du carbone ;
    - le stockage dans le cadre de l'agriculture carbonée ;
    - la réduction des émissions de l'agriculture ;
    - le stockage du carbone dans des produits, appelés matériaux de stockage du carbone.

    Cependant, les organisations de défense de l'environnement estiment que la législation n'a pas encore déployé son plein potentiel notamment concernant le potentiel de l'utilisation et le rôle du captage au risque de retarder les réductions d'émissions et blanchir les industries polluantes, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'Union européenne.

    En effet, plusieurs organisations non gouvernementales (ONG) environnementales souhaitent que les certifications ne soient utilisées que pour équilibrer les émissions qui ne peuvent pas être réduites différemment et que celles provenant des combustibles fossiles soient compensées par des absorptions permanentes durables, conformément au principe de réciprocité.

    Monsieur le Ministre a-t-il pris connaissance de ce développement législatif majeur au niveau européen ?

    Quelle est son analyse et comment la Région wallonne se positionne-t-elle par rapport à la question de la certification des absorptions de carbone ?

    Qu'en est-il de la législation en vigueur au niveau de la Région wallonne ?

    Quelle fut la position défendue par la Région wallonne au sein des discussions interfédérales ?

    Quelle est son analyse concernant les critiques émises par les ONG environnementales sur ledit dossier ?
  • Réponse du 11/03/2024
    • de HENRY Philippe
    Je souhaite commencer ma réponse par un mot sur le contexte et l’avancée de ce dossier du point de vue institutionnel.

    Du point de vue du Conseil, ce texte est discuté depuis une année en groupe de travail environnement. Un groupe d’experts a donc été constitué au niveau wallon et au niveau belge pour suivre le dossier.

    Une proposition de compromis a été présentée par la présidence espagnole au COREPER du 17 novembre. La présidence a obtenu un mandat de négociation lors de ce COREPER. De son côté, le Parlement a voté sur le texte le 21 novembre. Un premier trilogue politique a été organisé le 28 novembre et 4 trilogues techniques étaient prévus pour décembre. Le processus était géré par la présidence espagnole.

    Depuis le 1er janvier, nous avons la main avec l’objectif de mener à bien ce dossier avant la fin de la session parlementaire européenne. Notre rôle en tant que présidence n’est en aucun cas de mettre notre feuille de route en avant, mais au contraire d’être le « faiseur de compromis » et de porter la voix du Conseil dans son ensemble. Nous devons porter la feuille de route du Conseil et naviguer entre les lignes rouges et les minorités de blocage.

    En ce qui concerne les négociations interfédérales, nous avons dû constater que la Région flamande développait un point de vue radicalement opposé à celui des autres entités. De manière schématique, cette position pourrait être résumée de la manière suivante :
    - un focus sur les technologies industrielles de captation de carbone ;
    - la captation est suffisante à donner des droits à des certificats, il n’est pas utile d’avoir des exigences minimales de durée. (par exemple des bioplastiques) ;
    - il faut tout faire pour démarrer le marché en limitant un maximum les contraintes quitte ne pas tenir compte de la prudence demandée par les scientifiques ;
    - pas de mention du principe Do Not Significant Harm ;
    - proposition de faire le lien avec les crédits ETS.

    Nous plaidons quant à nous pour un cadre plus exigeant qui garantirait mieux l’intégrité et éviterait les risques de « greenwashing ».

    Nous partageons donc une bonne partie des critiques émises sur le dossier par les ONG environnementales.

    Le compromis mentionne bien le principe de réduction des émissions. C’est d’ailleurs une position qui a été défendue par la Belgique au Conseil. De même concernant l’accaparement des terres et la limitation de la charge administrative pour les petits opérateurs. Ces points font d’ailleurs l’objet d’une confortable majorité au sein du Conseil.

    Pour ce qui est de l’usage des certificats, la Belgique a essayé, sans succès, d’amener une réflexion sur le sujet. L’idée proposée par la Région wallonne était d’en limiter la vente au sein de l’UE, ce qui nous garantissait un meilleur contrôle de leur utilisation.

    Pour terminer par les risques évoqués, je rappelle que ce règlement est un cadre à porté générale. Il traite des trois grands types de stockage du carbone, qui eux-mêmes se subdivisent en diverses activités. Chaque activité aura sa méthodologie qui déclinera les différentes variables : gestion du risque de fuite, assurance et tampon collectif, durée de stockage, impacts sur l’environnement, et cetera. La bonne application des méthodologies fera l’objet d’une vérification par un organisme certificateur indépendant.

    Les méthodologies seront créées par un groupe d’experts, déjà mis en place, composé d’une septantaine de membres. On y retrouve les États membres, mais aussi d’autres parties prenantes issues de la société civile. Cette étape fera l’objet d’actes délégués. C’est une difficulté majeure inhérente à ce type de législation. Le Conseil et le Parlement s’accordent sur un cadre et ce sont les actes délégués qui vont préciser le texte pour chaque méthodologie. Il faudra donc être particulièrement attentif aux contenus de ces actes délégués.

    Certaines ONG demandent le retrait de l’agriculture carbonée. Comme expliqué précédemment, ce serait contraire à notre rôle en tant que présidence. Mais c’est également laisser la situation en l’état alors que ce secteur existe actuellement sans encadrement. Pour réduire les risques de « greenwashing », il me semble impératif de légiférer sur le sujet.