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Les impositions non réglementaires de la part des fonctionnaires délégués de la Wallonie

  • Session : 2023-2024
  • Année : 2023
  • N° : 160 (2023-2024) 1

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  • Question écrite du 30/11/2023
    • de MENGONI Sophie
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    Je suis régulièrement interpellée par nos concitoyens, par des chefs d'entreprise et par des élus locaux qui s'inquiètent tous de la complexité en matière de délivrance de permis d'urbanisme par les fonctionnaires délégués de la Wallonie.

    En effet, il faut bien constater que certains fonctionnaires ajoutent des critères non demandés ou en imposent certaines choses qui semblent plus relever d'une appréciation esthétique que d'un article du code du développement territorial.

    Monsieur le Ministre peut-il m'éclairer sur ce qui est réellement de la responsabilité des fonctionnaires délégués ou non grâce par exemple à ces quelques cas suivants :
    – obligation de mettre des panneaux photovoltaïques (alors que certains jeunes ménages envisagent cette dépense plus tard en raison de leur budget, ou d'autres qui se trouvent dans une zone où les capacités maximales sont atteintes) ;
    – obligation de mettre une brique de la couleur décidée par le fonctionnaire délégué (alors que la construction se trouve dans un endroit non spécifique) ;
    – obligation de travailler l'esthétique de la façade sur base d'avis purement subjectif ;
    – obligation du choix de l'essence végétale dans le cadre de l'aménagement des extérieurs de nouvelles habitations, alors que rien n'est imposé par la Wallonie en la matière.

    Que pouvons-nous répondre aux citoyens, aux entrepreneurs et aux élus locaux qui font tous ces constats et qui pourtant se basent sur le Code du développement territorial et les règlements communaux en vigueur dans leurs demandes de permis, et qui ont parfois l'impression qu'on leur impose des contraintes et des charges non réglementaires ?
  • Réponse du 12/12/2023
    • de BORSUS Willy
    Sur la base des chiffres disponibles pour 2022, 8,7 % des permis relèvent de la compétence des fonctionnaires délégués, donc 91,3 % sont de la compétence des collèges communaux. Parmi ces 91,3 %, les fonctionnaires délégués ont remis un avis conforme, c’est-à-dire un avis qui lie le collège communal, dans 4,5 % des cas. En 2022, les collèges communaux ont donc été seuls à décider pour 87,2 % des dossiers.

    Lorsque l’autorité compétente, que ce soit un collège communal ou un fonctionnaire délégué, délivre ou refuse un permis, accorde des écarts ou des dérogations, impose des charges ou des conditions, sa décision repose sur une analyse du projet et des circonstances urbanistiques locales, c’est-à-dire du contexte de terrain dans lequel le projet s’insère. Cette analyse doit être reprise dans la motivation du permis, comme le souligne le Conseil d’État notamment dans ses arrêts n°247.302 du 12 mars 2020 et n°253.371 du 25 mars 2022 :

    « (...) en vertu de l’article 3 de la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs, un permis d’urbanisme doit énoncer les raisons pour lesquelles l’autorité qui l’a délivré estime la construction admissible au regard du bon aménagement des lieux. Cette notion évolutive se rapporte à l’examen concret que doit exercer l’autorité compétente, pour chaque demande de permis, de la compatibilité, de l’absence d’impact négatif ou d’incidence inacceptable de la construction envisagée sur l’aménagement local bâti ou non bâti, essentiellement en fonction des circonstances de fait. L’autorité qui accorde le permis se doit d’exposer concrètement les raisons pour lesquelles elle estime que le projet s’intègre harmonieusement au contexte urbanistique existant et, plus particulièrement, par rapport aux propriétés voisines dont l’environnement sera sensiblement modifié ».

    « L’administration, lorsqu’elle est saisie d’une demande de permis d’urbanisme, doit d’abord avoir égard à la situation de fait indiquée sur les plans ou portée spécialement à sa connaissance au cours de la procédure. Il lui appartient ensuite de vérifier qu’aucune règle de droit relevant de la police de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme n’interdit le projet et d’apprécier enfin son opportunité au regard du critère du bon aménagement des lieux ».

    Si l’autorité compétente constate que le projet ne s’intégrera à l’environnement bâti ou non bâti que moyennant des conditions, elle les impose. L’article D.IV.53. du CoDT dispose que : « (...) Les conditions sont nécessaires soit à l’intégration du projet à l’environnement bâti et non bâti, soit à la faisabilité du projet, c’est-à-dire à sa mise en œuvre et à son exploitation (...)».

    Si l’autorité compétente estime qu’un projet a un impact sur la collectivité qui n’est pas compensé par ses impacts positifs, à savoir sa contribution à rencontrer un besoin d’intérêt général, elle peut imposer des charges. À la différence des conditions, les types de charges imposables sont balisés par le CoDT : les charges couvrent la réalisation ou la rénovation de voiries, d’espaces verts publics, la réalisation ou la rénovation de constructions ou d’équipements publics ou communautaires, ainsi que toutes mesures favorables à l’environnement. Par ailleurs, les charges ne peuvent être imposées que dans le respect du principe de proportionnalité.

    L’article R.IV.54-3 du CoDT dispose que le permis doit déterminer distinctement les conditions et les charges, et reprendre une motivation qui justifie le choix des charges et de leur localisation, ainsi que le respect du principe de proportionnalité.

    Parmi les exemples proposés, l’on doit distinguer les charges et les conditions :
    • travailler l’esthétique d’une construction ou la couleur des briques relève des conditions pour que le projet s’intègre à l’environnement bâti ;
    • imposer des panneaux photovoltaïques ou des matériaux biosourcés est une charge, qui doit respecter le principe de proportionnalité.

    En ce qui concerne les essences à planter, il existe une circulaire de 2008 relative à la plantation d’essences régionales en zone rurale.

    Il est impossible de se prononcer précisément sur les cas décrits, à défaut de connaître soit le projet et son environnement bâti, soit le projet et son impact sur la collectivité.

    En tout état de cause, le demandeur qui n’est pas satisfait d’une condition ou d’une charge reprise dans son permis peut introduire un recours auprès du Ministre compétent.