/

L’utilisation d’engrais azotés au sein de l’agriculture wallonne

  • Session : 2023-2024
  • Année : 2023
  • N° : 162 (2023-2024) 1

2 élément(s) trouvé(s).

  • Question écrite du 30/11/2023
    • de CRUCKE Jean-Luc
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    L'ammoniac affecte la biodiversité, et le protoxyde d'azote a un pouvoir de réchauffement du climat 300 fois plus que le CO2 ! Si les engrais de synthèse font moins parler d'eux que les pesticides, leur utilisation croissante depuis 50 ans pour améliorer les rendements provoque des dégâts considérables sur l'environnement : pollution des eaux, émissions de gaz à effet de serre, appauvrissement des sols et des écosystèmes.

    L'Agence européenne pour l'environnement (AEE) estime qu'en Europe, les pertes d'azote sont plus de trois fois supérieures aux limites, deux fois pour le phosphore.

    Tenant compte des informations de la FAO, il est aussi question d'une certaine dépendance à la Russie qui est le premier pays exportateur d'engrais azoté au monde, et le deuxième pour les engrais à base de phosphore et de potassium.

    Le Parlement européen a d'ailleurs voté le 31 janvier 2023 un projet de résolution pour demander à la Commission de mettre en œuvre des mesures pour se passer des engrais russes, comme la fin des droits d'importations et le développement des engrais organiques.

    C'est une problématique délicate pour la Région wallonne et ses agriculteurs tant nous avons besoin d'engrais et tant l'azote reste un nutriment majeur pour produire nos protéines et assurer en partie notre sécurité alimentaire.

    Selon une récente étude hollandaise, l'UE doit réduire drastiquement son utilisation d'engrais azotés pour concilier production alimentaire et durabilité, et parvenir aux objectifs de la stratégie de l'UE « de la ferme à la table ». Selon cette étude, le problème vient d'abord d'une mauvaise utilisation de l'engrais, avec des pertes considérables et une grande partie de l'azote déversée dans l'environnement, notamment dans nos cultures, et l'alimentation animale. Cette étude tend à démontrer qu'une gestion adaptée des systèmes agricoles pourrait faire diminuer ces pertes et augmenter l'efficacité des engrais, avec comme but ultime, la réduction des doses injectées. D'autres expériences ont montré que ces mécanismes d'atténuation n'engendraient ni coûts supplémentaires, ni de diminution de la productivité agricole. Aussi, l'étude insiste sur la juste « répartition » des usages, associée à une diminution globale de l'azote, et une meilleure efficacité.

    Dans l'UE, les directives sur les nitrates, les directives Habitats ou encore Oiseaux encouragent déjà les agriculteurs à maîtriser les pertes d'azote et améliorer l'efficacité des épandages, tout en demandant aux États un suivi régulier de l'état de pollution des écosystèmes.

    L'on sait que la Belgique a une forte densité de bétail et que nous avons une agriculture intensive qui dépasse largement les apports critiques en azote. C'est une thématique délicate pour nos agriculteurs et nous devons trouver des solutions consensuelles et constructives avec eux !

    Monsieur le Ministre a-t-il pris connaissance de cette étude ?

    Quelle est l'analyse de son ministère et quel est l'avis de la Fédération wallonne de l'agriculture ?

    Que dit la Fédération sur cette thématique et quelles sont les pistes de réflexion pour adapter notre gestion de l'azote dans les activités agricoles ?

    Quel est son avis sur le besoin d'une gestion optimale des éléments nutritifs, la gestion des cultures, des sols et leur combinaison, à l'égard de l'utilisation finale de l'azote ?

    Pourrait-il nous apporter des chiffres concrets en la matière ?

    Qu'en est-il des politiques d'atténuation spécifiques à la Région wallonne, fondées sur des informations régionales relatives aux apports critiques d'azote et à leurs dépassements, ainsi qu'à leurs conséquences ?
  • Réponse du 20/12/2023
    • de BORSUS Willy
    Le CRAW recense une série d’outils réglementaires ou de recherche en lien avec l’objet de la question de l’honorable membre.

    Outil Decide :

    Grâce à une subvention du Plan de relance de la Wallonie, le CRA-W développe l’outil DECiDE, qui permet d’évaluer les émissions de gaz à effet de serre, l’utilisation de l’énergie et les émissions d’ammoniac par les exploitations agricoles, selon leur spéculation et leurs pratiques. Dans le cadre de cette subvention, le CRA-W vient d’ajouter le calcul du bilan azoté de l’exploitation dans DECiDE. En quantifiant l’ensemble des flux d’azote, tant entrants que sortants, l’outil évalue l’excédent d’azote par hectare, l’efficience azotée (la part d’azote entrant dans le système qui est valorisé dans les produits) et l’autonomie azotée des exploitations (la part de la fertilisation azotée produite sur l’exploitation).

    Projet AGW-Fertilisant (AGW-Fertilisants (wallonie.be)) :

    Afin de limiter les pertes d’azote vers l’environnement, de refermer autant que possible les cycles biogéochimiques des nutriments et de stocker du carbone dans les sols agricoles, les politiques européennes récentes cherchent à favoriser le recyclage de différents types de matières organiques exogènes (effluents d’élevage, composts, digestats, boues de station d’épuration, sous-produits animaux/végétaux, et cetera). Dans cette optique, le Règlement Fertilisants (UE) 2019/1009 intègre de nouveaux types de matières fertilisantes comme la struvite (NH4MgPO4 ; UE 2021/2086), sel issu d’un procédé de précipitation à partir d’urée. Ce procédé pourrait représenter un moyen, à terme, de récupérer une partie des nutriments des eaux usées traitées dans nos stations d’épuration. Une autre proposition d’annexe au Règlement (UE) 2019/1009 actuellement en discussion concerne les effluents d’élevage transformés (Amending Regulation (EU) 2019/1009 of the European Parliament and of the Council as regards adding processed manure as a component material in EU fertilising products).

    Projet EOM4SOIL (EOM4SOIL (wallonie.be)) :

    En parallèle de cette étude wallonne, le CRA-W est impliqué dans un projet européen du programme EJP Soil visant à améliorer la contribution des sols agricoles aux principaux défis sociétaux telles que l’adaptation et l’atténuation du changement climatique, la production agricole durable, la prestation de services écosystémiques, la prévention de la dégradation des sols, voire leur restauration. Le projet EOM4SOIL traite spécifiquement la thématique de gestion des matières organiques exogènes en agriculture. Ce projet fait notamment l’inventaire des productions et de la qualité moyenne des matières dans plusieurs États membres et étudie les divers effets d’un apport de matières organiques exogènes sur les cycles du Carbone et de l’Azote

    Projet MicroSoilSystem (Microsoilsystem (wallonie.be)) :

    Une voie de recherche qui a le vent en poupe est la recherche d’alternatives aux intrants de synthèse via l’usage de produits microbiens (rhizobactéries PGPR - Plant Growth Promoting Rhizobacteria ; champignons mycorhiziens à arbuscules) permettant d’augmenter l’immunité de la plante via différents types de mécanismes, et d’améliorer le prélèvement de nutriments dans le sol via une extension du système racinaire dans le cas des champignons mycorhiziens à arbuscules. Néanmoins ces produits microbiens se heurtent actuellement souvent à des problèmes de viabilité dans les formulations.

    EOM4SOIL (EOM4SOIL (wallonie.be)) :

    Il est à noter que la fertilisation azotée est un levier essentiel pour le stockage de carbone dans la matière organique de nos sols agricoles. En effet, l’azote est généralement la principale contrainte à la production de biomasse, et une fraction plus importante des biomasses riches en N est stabilisée au niveau du sol que pour les biomasses pauvres en azote.

    Ainsi, l’introduction de légumineuses dans la rotation, sous forme de culture associée, sous forme de plantes compagnes (trèfle blanc dans l’interligne de la culture de colza ou de maïs) ou dans les mélanges d’interculture (trèfle, vesce, féverolle, …) sont des leviers pour fixer de l’azote atmosphérique dans les sols agricoles sans avoir recours aux engrais de synthèse.

    Projets ReUse (Mesure 31 et 35 de Circular Wallonia) :

    Depuis plusieurs années, la Wallonie est confrontée à des stress hydriques très marqués pendant les périodes estivales et printanières. Pour pallier ces déficits hydriques, l’irrigation de certaines cultures commence à se développer (projet Zoning vert, mesure 35 Circular Wallonia). Dans ce cadre, la réutilisation d’eau usée traitée (ReUse) à des fins d’irrigation peut se présenter comme une solution intéressante. La ReUse présente de nombreux avantages comme son apport en nutriments, une réduction de l’eau douce extraite des eaux souterraines ainsi qu’une augmentation de rendements pour certaines cultures. Néanmoins, la ReUse présente également quelques inconvénients tels que l’apport important de sels, de métaux lourds ou toutes autres substances nocives présentes dans les stations d’épuration. Dès lors, il est essentiel de pouvoir évaluer de manière précise les risques associés à une telle pratique (projet ReUse, mesure 31 Circular Wallonia).

    Projet WalIndiSol (https://www.cra.wallonie.be/fr/walindisol):

    Le projet WalIndiSol financé par le plan de relance wallon (PRW), vise à mettre en place un suivi régional de la qualité des sols. Les indicateurs physico-chimiques et biologiques seront choisis afin de refléter la capacité du sol à remplir ses fonctions écosystémiques, à fournir ses services écosystémiques (dont la régulation hydrologique et climatique), ainsi que refléter la dégradation des sols exposés aux menaces (pollution, érosion, pratique agricole, changement climatique, etc.). Le soil monitoring network couvrira l’ensemble de la Wallonie, des types de sols et des usages (Décret Sol). Les données collectées permettront dans le futur d’étudier les variabilités spatiale, pédologique, d’usage et de pratique de gestion.

    Pour le surplus, je me permets d’inviter l’honorable membre à interroger la Fédération wallonne de l’agriculture sur l’avis que celle-ci porterait sur l’objet de la question.