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Les éoliennes de seconde main

  • Session : 2023-2024
  • Année : 2023
  • N° : 246 (2023-2024) 1

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  • Question écrite du 11/12/2023
    • de MATHIEUX Françoise
    • à HENRY Philippe, Ministre du Climat, de l'Energie, de la Mobilité et des Infrastructures
    Dans le secteur des énergies renouvelables, un marché d'éoliennes de seconde main a vu le jour il y a quelques années en Europe. Je lisais dernièrement, dans un article du journal « De Tijd », que ce marché allait s'implanter en Belgique par l'installation d'une éolienne à Maasmechelen, début janvier 2024.

    Cette réutilisation permet de recycler les éoliennes qui sont nombreuses, en Europe, à arriver en fin de cycle de vie (qui est estimé entre 15et 20 ans pour une éolienne).

    L'éolienne qui devrait être installée en Limbourg vient d'Autriche et son coût représenterait la moitié du prix d'une éolienne neuve.

    Existe-t-il des critères à respecter dans le cadre de ce marché d'éoliennes de seconde main ?

    Une législation encadre-t-elle ces pratiques ?

    À l'instar du cas de Maasmechelen, Monsieur le Ministre est-il au fait d'éoliennes de seconde main qui seraient également installées en Wallonie ?

    A-t-il des échanges avec la Ministre Tellier en ce qui concerne le démantèlement et le recyclage des éoliennes wallonnes ?
  • Réponse du 31/01/2024
    • de HENRY Philippe
    En Wallonie aujourd’hui :

    Les développeurs éoliens wallons n’ont pas encore fait appel au marché de seconde main pour le choix de leurs turbines. Toutes les éoliennes installées aujourd’hui en Wallonie proviennent de fournisseurs de matériel neuf.

    Le secteur s’intéresse néanmoins de près au marché de la seconde main et il est attendu qu’une demande se développe dans les années à venir.

    Évolution technologique :

    L’évolution technologique des éoliennes suit une tendance à l’augmentation de la hauteur de mât et/ou à l’allongement des pales pour capter un maximum de vent et donc produire plus d’énergie.

    Les machines neuves disponibles sur le marché sont donc de plus en plus hautes. Le standard de 150 m est aujourd’hui de plus en plus rare pour les nouveaux projets, qui voient souvent les éoliennes culminer à 180 m, 200 m voire 230 m.

    Les parcs éoliens de 20 ans qui font aujourd’hui l’objet de repowering (démantèlement et reconstruction) avec des machines neuves (premier chantier chez nous à Sainte-Ode - https://www.renouvelle.be/fr/premier-repowering-de-parc-eolien-en-wallonie/) permettent ainsi généralement de réduire le nombre de machines installées sur un site, tout en produisant plus d’énergie.

    Pour les sites où le repowering n’est pas possible, une extension de 5 à 10 ans de la durée des permis peut être intéressante, l’expérience montrant que les éoliennes peuvent encore produire pendant cette durée moyennant des entretiens et, en cas de besoin, le remplacement de composants pour maintenir les machines en production.

    WindEurope cite au sujet du repowering des statistiques européennes de diminution de 27 % du nombre d’éoliennes par parc, un doublement de capacité installée et un triplement de l’énergie produite (https://windeurope.org/newsroom/press-releases/european-wind-industry-reinforces-sustainability-commitments/).

    Un marché de seconde main en essor

    Si, en Wallonie, les exploitants des parcs qui atteindront sous peu leurs 20 ans de fonctionnement s’intéressent aujourd’hui au repowering (on peut noter des projets à Perwez, Pont-à-Celles, Dour, Bütgenbach, Villers-le-Bouillet…), d’autres pays n’attendent pas cet anniversaire. Chez nos voisins français par exemple, il est assez fréquent de démanteler des éoliennes de 15 ans d’âge, une fois qu’elles sont rentabilisées et que le prix d’injection fixe de l’électricité n’est plus garanti (l’exploitation présentant alors un nouveau risque sur le plan financier).

    WindEurope estimait fin 2020 que 20 GW des parcs éoliens en Europe allaient subir un repowering dans les 10 ans.Cela représentait 10% de la capacité totale installée.

    À côté de l’option qui consiste à orienter les turbines vers les filières de recyclage, avec des taux de recyclabilité de 98% du poids des matériaux (cuivre, fer, acier, aluminium, plastique, zinc, béton), le marché de la seconde main des éoliennes en Europe devient assez actif ; tant pour la récupération d’éléments spécifiques d’éoliennes que pour le démontage et le reconditionnement de machines complètes.

    Plusieurs contraintes peuvent orienter vers des turbines de seconde main :

    Comme pour le projet de Maasmechelen de l’autre côté de la frontière linguistique, évoqué dans l’article du journal « De Tijd » (https://www.tijd.be/ondernemen/milieu-energie/eerste-tweedehandswindmolen-op-komst-in-belgie/10502437.html), en Wallonie aussi, des critères de hauteur conditionnent parfois les permis nécessaires à la concrétisation d’un projet (par exemple pour des raisons de sécurité aéronautique, civile ou militaire).

    Par ailleurs, certains permis qui ont été octroyés il y a quelques années, mais n’ont pas encore pu se concrétiser pour cause d’un long délai de recours au Conseil d’État se basent aussi sur des machines plus petites. Au vu de l’évolution technologique, le marché ne permet plus toujours d’acquérir à l’état neuf la machine qui est prévue dans le permis une fois le permis purgé de tout recours.

    Enfin, si une turbine dans un parc a subi un dommage ou une panne importante, il est parfois plus intéressant pour l’exploitant, pour des raisons opérationnelles (gestion/maintenance) ou éventuellement des raisons paysagères, de la remplacer par un modèle de turbine équivalent.

    Dans chacun de ces trois cas, le marché de seconde main peut offrir une possibilité de trouver encore des éoliennes de plus faible hauteur (150 m ou même moins), comme réponse aux contraintes.

    Reconditionnement et garanties :

    Le futur exploitant d’une éolienne de seconde main peut opter pour différentes stratégies d’investissement : choisir d’investir plus ou moins dans le CAPEX -capital expenditure-, un reconditionnement plus massif en début de projet avant l’installation, ou dans l’OPEX -operational expenditure, maintenance et réparation de la machine durant son cycle de vie.

    Les prix d’achat de l’éolienne de seconde main dépendront évidemment de cette stratégie.

    Certains opérateurs peuvent ainsi choisir de reconditionner complètement les machines, avec le remplacement complet de composants majeurs comme la boîte de vitesse, un recoating complet des pales… Les éléments reconditionnés font alors l’objet de garanties spécifiques offertes par les fournisseurs de pièces/ les prestataires, de l’ordre de 2 à 3 ans.

    À côté de ces garanties, des entreprises de maintenance envisagent de proposer des contrats de maintenance pour les éoliennes de seconde main, comme il en est pour les éoliennes installées à neuf, avec des garanties de disponibilité, pour des durées de 5 à 10 ans.

    Ce type de projets ouvrirait-il la porte à un soutien par les certificats verts ou via le nouveau système de soutien CPMA ? Il convient d’assurer aux exploitants une rentabilité similaire aux installations neuves.

    Réglementation :

    Il n’existe pas de réglementation spécifique pour implanter de l’éolien de seconde main, les permis restent régis par l’obtention d’un permis unique, cadrés par la législation relative au permis d’environnement et les projets sont soumis à études d’incidences. Le traitement d’un dossier de demande de permis n’est pas différent dans le cas d’une éolienne neuve ou de seconde main. Toutes les éoliennes installées doivent respecter les mêmes contraintes d’exploitation qui sont synthétisées dans les conditions sectorielles éoliennes. En matière de démantèlement des éoliennes, les conditions sectorielles et le décret déchets offrent un cadre légal.

    Une filière porteuse :

    Le reconditionnement, la réparation d’éoliennes et la prolongation de durée de leur vie contribuent à l’économie de matériaux (moins d’extraction dans les mines) et à l’émergence d’une économie circulaire en Wallonie. Le recours accru aux filières de seconde main permettrait également de revaloriser des emplois locaux dans les domaines de la mécanique, de l’électromécanique, de l’électricité… ce qui présente un intérêt certain.