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La considération de la Région wallonne pour un horizon clair de sortie des énergies fossiles et la participation de Monsieur le Ministre à la COP28

  • Session : 2023-2024
  • Année : 2023
  • N° : 254 (2023-2024) 1

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  • Question écrite du 12/12/2023
    • de CRUCKE Jean-Luc
    • à HENRY Philippe, Ministre du Climat, de l'Energie, de la Mobilité et des Infrastructures
    Monsieur le Ministre a fait une sortie remarquable récemment en vue des ambitions et défis de la COP28 concernant la nécessité cruciale de définir un horizon clair de sortie des énergies fossiles. Le chemin est semé d'obstacles, mais ayons la force de garder la tête haute et la détermination pour aller jusqu'au bout !

    Lors de son entretien avec L'Avenir du 2 décembre 2023, il mettait en évidence l'importance de la COP28 concernant les relations multilatérales, ainsi que la participation des différentes parties prenantes. De plus, il est intervenu sur l'enjeu majeur « d'avoir un horizon clair et une programmation de sortie des énergies fossiles ».

    C'est un propos que je salue, mais sur lequel nous devons démontrer au niveau de la Région wallonne, une ambition beaucoup plus concrète.

    À la suite de nos échanges sur cette thématique, il a été dit que la mise en œuvre du plan d'action d'abandon des soutiens publics aux combustibles fossiles, subsides, placements et investissements visant à leur élimination, a été reportée à 2027 au plus tard, pour autant qu'il existe des alternatives durables.

    Il était aussi question, tenant compte de ses éléments de réponse, d'un processus de co-construction, tel un chemin d'opérationnalisation, au sein des différents cabinets ministériels pour la mise en place du plan.

    Quelle est la vision de Monsieur le Ministre à la suite des travaux de la COP28 ?

    Comment envisage-t-il la suite des choses pour la prochaine législature, mais aussi pour les prochaines COP ?

    Quels ont été les freins lors de cette COP28 concernant l'abandon des énergies fossiles ?

    Où est-ce que le bât blesse, notamment pour certains pays gaziers et ceux en voie de développement qui ont certaines particularités en matière de besoins énergétiques ?

    Concernant sa perspective sur un horizon clair de sortie des énergies fossiles, qu'en est-il du défi belgo-belge et la position de la Région wallonne là-dessus ?

    Qu'en est-il du cadastre des subsides aux énergies fossiles en rapport à la question que j'ai adressée le 18 octobre 2023 ?

    Qu'en est-il des recommandations concernant le rapport du Service public de Wallonie (SPW) et les autres recommandations émises ?

    Y a-t-il eu une progression concernant lditprocessus de co-construction pour la préparation et mise en place du plan d'abandon des combustibles fossiles ?

    Peut-il préciser les 42 bases légales qu'il a mentionnées dans nos précédents échanges ?

    Peut-il garantir l'échéancier de 2027 en la matière ?
  • Réponse du 31/01/2024
    • de HENRY Philippe
    L’accord de la COP28 apporte un signal fort en faveur de l’abandon progressif des énergies fossiles dans les systèmes énergétiques, en jetant les bases d’une transition rapide, juste et équitable, et en accélérant l’action dans cette décennie cruciale afin d’atteindre la neutralité carbone en 2050, conformément aux préconisations scientifiques. Cet accord unanime entre les quelques 200 parties qui s’étaient réunies à Dubaï, en ce compris les pays les plus réticents, car producteurs et exportateurs de pétrole ou de gaz, est historique puisque le texte de la COP26 ne mentionnait qu’une sortie du charbon.

    La transition énergétique, y compris l’abandon des combustibles fossiles, n’est pas contraire à tous les pays producteurs de combustibles fossiles. En effet, certains d’entre eux verront leurs réserves épuisées avant cet horizon de temps. C’est pourquoi des pays, comme les Émirats arabes unis, cherchent dès à présent à diversifier leur économie et adoptent une perspective de long terme qui va au-delà des combustibles fossiles. On peut aussi citer la Norvège qui n’interrompt pas sa production de gaz naturel, mais qui utilise les revenus de ses ventes pour effectuer elle aussi sa transition énergétique et économique.

    Cependant, il existe par ailleurs bon nombre de pays producteurs avec des perspectives de réserves plus lointaines que 2050 qui étaient bien plus opposés à des références à une sortie progressive des combustibles fossiles, tels que l’Arabie Saoudite ou la Russie pour ne citer qu’eux. Du côté des consommateurs de ces mêmes combustibles fossiles, il y avait aussi énormément de réticences à un tel accord. Notamment, l’Inde et la Chine qui estiment avoir besoin de beaucoup d’énergie pour accroître leur développement économique à hauteur du nôtre. Ils doutent que des énergies décarbonées puissent uniquement leur permettre de rattraper leur retard.

    C’est pourquoi le résultat de la COP28 était tout sauf acquis d’avance. D’ailleurs, la présidence de la COP a cru pouvoir venir 2 jours avant la fin de la COP28 avec un texte flou qui énumérait les objectifs orientés vers l'action pour la transition énergétique comme des options non contraignantes. Ce texte a été rejeté « en bloc » par un large groupe de pays ambitieux, dont l’Union européenne, bien sûr, comme ce fut le cas lors de la COP21 à Paris. Le Brésil, futur président de la COP30 en 2025, s’est également rapproché de ce grand groupe et a constitué une tête de pont avec les autres économies émergentes pour un accord final beaucoup plus ambitieux.

    Le résultat de cette COP est donc fort en matière de transition énergétique du fait de ce paragraphe qui marque le début de la fin des énergies fossiles. Il restera la référence pour les années à venir, notamment lors de la COP30 où il faudra revoir les engagements des pays pour rester sur l’objectif des 1,5°C. Ne perdons surtout pas de vue que des réductions d’émissions nettement plus importantes sont nécessaires pour aligner les trajectoires d’émissions mondiales de gaz à effet de serre sur cet objectif de température fixé dans l’Accord de Paris. En effet, le rapport de synthèse sur les contributions déterminées au niveau national (CDNs) nous indique que les niveaux d’émission de gaz à effet de serre en 2030 devraient être inférieurs de 5,3 % à ceux de 2019 si toutes les CDNs, y compris tous leurs éléments conditionnels étaient pleinement honorés.

    Or, ce même rapport nous apprend par ailleurs qu’en fait pour limiter le réchauffement de la planète à 1,5°C sans dépassement ou avec un dépassement minime, il faudrait réduire nettement, rapidement et durablement les émissions mondiales de gaz à effet de serre, de 43 % d’ici à 2030 et de 60 % d’ici à 2035 par rapport au niveau de 2019, et parvenir à des émissions nettes nulles d’ici à 2050. Il est donc, l’honorable membre l’aura compris, urgent d’agir à cet égard.

    C’est pourquoi je considère que le texte d’accord de la COP28 présente des faiblesses, car il n'y a pas d'objectifs clairs concernant l'élimination progressive des combustibles fossiles au cours de cette décennie et de la prochaine. Il manque également un programme de travail d’atténuation solide pour les années à venir. Je vois là les défis à venir pour les prochaines COP, mais également pour l’Union européenne.

    Par ailleurs, selon les chercheurs du FMI, les subventions directes et indirectes au pétrole, gaz et charbon ont atteint 7000 milliards de dollars à l’échelle mondiale en 2022.

    Dans un contexte de développement économique encore grandement basé sur l’exploitation du carbone fossile et secoué par des crises énergétiques, il est en effet d’une impérieuse nécessité de réduire drastiquement notre recours aux combustibles fossiles pour atteindre les objectifs climatiques, améliorer la santé publique et pour sécuriser les besoins énergétiques des citoyens. Il s’agit donc bien d’un véritable défi que chaque état doit relever.

    Comme déjà évoqué, un important travail d’inventaire des soutiens publics aux énergies fossiles a été mené en Région wallonne.

    Les principaux leviers d’action dans l’abandon de ces soutiens sont :
    1) l’existence d’alternatives durables ;
    2) l’exclusion de certains secteurs et activités du bénéfice de ces soutiens via les codes NACE notamment ;
    3) la temporalité des bases légales qui régissent les dispositifs et leur renouvellement éventuel ;
    4) le risque de carbon lock in.

    Ces possibilités d’actions impliquent un important travail d’analyse des dispositifs en étroite collaboration entre les services concernés du SPW et leurs cabinets de tutelle. La constitution d’un groupe de travail mixte administration – cabinets ministériels est, selon moi, la meilleure façon de procéder pour poursuivre l’exploitation des résultats de l’inventaire wallon et aboutir à un plan d’action cohérent.

    Ce groupe de travail aurait notamment pour missions :
    1) d’établir les lignes directrices communes pour élaborer et harmoniser la méthode de classification des dispositifs d’après les leviers d’action énumérés ci-dessus ;
    2) de faire le point sur l’état d’avancement des dossiers en lien avec les compétences de chacun des ministres, et partager les questionnements éventuels sur les classifications proposées ;
    3) d’améliorer les inventaires futurs en définissant des variables spécifiquement en lien avec les soutiens aux énergies fossiles dans les bases de données.

    Cette façon de travailler permettra d’aboutir sur une stratégie communément acceptée par les différents partenaires politiques et qui sera cohérente avec les plans et programmes actuellement en cours.

    Le Plan Air Climat Énergie 2030, prévoit en effet d’amorcer une sortie complète des énergies fossiles à l’horizon 2050, en planifiant des étapes successives de remplacement des chauffages au mazout et au charbon par des alternatives, ou en proposant des éventails de solutions, plus douce ou collective, à la mobilité fossile et en arrêtant tout subside public aux énergies fossiles.

    En ce qui concerne le défi belgo-belge, les banques et institutions financières belges ont investi près de 11 milliards d’euros dans les combustibles fossiles depuis 2021. Cela souligne la complexité du défi à relever pour sortir des énergies fossiles, non seulement au niveau de la production d’énergie, mais aussi au niveau financier.