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Les différences de genre et leur impact en matière de santé publique

  • Session : 2023-2024
  • Année : 2023
  • N° : 203 (2023-2024) 1

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  • Question écrite du 21/12/2023
    • de CRUCKE Jean-Luc
    • à MORREALE Christie, Ministre de l'Emploi, de la Formation, de la Santé, de l'Action sociale et de l'Economie sociale, de l'Egalité des chances et des Droits des femmes
    Selon un récent article de presse, se basant sur une étude de Solidaris, les différences entre les hommes et les femmes entraînent un réel problème de santé publique et cela concerne de nombreux secteurs. Les femmes sont plus stressées que les hommes et plus proches de la dépression.

    L'étude montre également que les femmes trouvent que leur travail envahit trop leur vie privée : elles disent notamment qu'elles doivent être davantage disponibles le week-end alors que cette variable reste constante chez les hommes.

    Selon les données de Solidaris, les femmes représentent 59 % des invalidités toutes causes confondues. Ainsi, il y a encore trop de sexisme dans le monde du travail, notamment vis-à-vis des temps partiels parfois obligatoires, le plafond de verre, la sous-valorisation des secteurs féminins de l'emploi, leur pénibilité et leur précarité.

    Quels sont les éléments de réponse de Madame la Ministre face à cette étude alarmante de Solidaris ?

    Quels sont ses chiffres en la matière et comment la Région wallonne agit-elle en matière de santé publique compte tenu des différences de genre ?

    Comment pouvons-nous réfléchir à une amélioration et un développement de nos politiques en la matière, notamment eu égard à la sous-valorisation des secteurs féminins pour l'emploi ?

    Quels sont sa considération et son suivi de cette étude de la part de Solidaris ?

    Comment cette étude peut-elle l'assister dans le façonnement des politiques publiques de ses services ?

    Selon les données de ses équipes, quels sont les chiffres et la situation actuelle concernant les familles monoparentales, et plus précisément la condition des femmes seules s'occupant de leur enfant ?

    Quels sont les secteurs les plus concernés en Wallonie par la différence homme-femme dans le domaine de la santé publique ?
  • Réponse du 14/03/2024
    • de MORREALE Christie
    Cette étude est d’une grande importance afin de fournir des informations récentes et précises concernant, notamment, le bien-être de la population, ses conditions de vie ainsi que son rapport au travail. Ce type de données est nécessaire afin de mener des politiques ciblées et pertinentes.

    La difficulté de concilier vie privée et vie professionnelle impacte particulièrement les femmes. Toutefois, des améliorations législatives ont été apportées en 2023 par la modification du décret wallon anti-discrimination du 8 novembre 2006 afin de transposer la Directive européenne 2019/1158 « Work-Life balance ». Ces mesures visent à assurer un meilleur équilibre entre vie privée et vie professionnelle, mais également à garantir que les travailleurs qui doivent adapter leurs conditions de travail en raison de leurs responsabilités familiales ne subissent pas de discriminations, ce public étant majoritairement composé de femmes. Dans le décret wallon, ces dispositions visent le personnel de l’administration régionale. Toutefois, des modifications similaires ont été apportées au niveau fédéral afin de protéger les travailleurs du secteur privé.

    Concernant les politiques visant à lutter contre la précarité et la pénibilité des secteurs particulièrement occupés par des femmes, le Plan genre 2020-2024 prévoit des mesures à l’égard des travailleurs des agences de titres-services.

    C’est le cas de la mesure 30, relative à l’« évaluation du projet pilote « passeport drive » qui facilite l’accès au permis de conduire aux demandeuses et demandeurs d’emploi inscrit·e·s dans une dynamique d’insertion socioprofessionnelle » qui apportait une attention spécifique aux aides-ménager·ère·s et de la mesure 37, qui vise à « soutenir l’évolution professionnelle et améliorer le bien-être au travail des travailleuses et travailleurs titres-services ».

    L’octroi d’un chèque permis de conduire aux travailleurs titres-services afin de leur permettre une meilleure mobilité pour un meilleur ratio temps de travail/temps de déplacement ainsi qu’une meilleure conciliation entre vie professionnelle et vie privée, effectif depuis 2021 (mesure 30), a été renouvelé en 2024.

    D’après l’évaluation de la mesure 37, il ressort des données reçues des entreprises que ces dernières respectent bien les nouvelles obligations du secteur (temps de travail, temps de formation). L’utilisation quasi totale du fonds de formation (à 50 % les années précédentes) atteste des formations mises en place dans le secteur (les futurs contrôles de l’inspection devraient également nous le confirmer).

    Enfin, un forfait mobilité a été octroyé à 251 employeurs titres-services représentant 530 unités d’établissement wallonnes et plus de 25.000 travailleuses « titres-services ». 5 430 761 euros ont été consommés pour cette mesure qui contribue au pouvoir d’achat des aides-ménagères. Tous les dispositifs mis en place ont permis d’améliorer le bien-être et/ou le pouvoir d’achat des travailleuses du secteur des titres-services.

    Nous pouvons également souligner que l’emploi des secteurs de la santé est particulièrement genré, et que la pénibilité de ces emplois n’est malheureusement plus à démontrer, que l’on pense au personnel de soins ou au personnel en charge de l’accompagnement à domicile.

    Ainsi, en matière de santé, la mesure 40 du Plan genre est composée de deux grandes actions à savoir : la sensibilisation du corps médical aux spécificités de santé des femmes ainsi que le site internet permettant de devenir une référence quant aux spécificités de santé liées au genre.

    Concernant les sensibilisations du corps médical, le travail s’effectue avec l’ASBL Femmes et santé. Cet acteur, depuis le mois de mars 2023, est agréé en tant qu’opérateur en promotion de la santé, et ce, pour une durée de 5 ans, ce qui rend ses actions pérennes. En effet, « sensibiliser et outiller les professionnels-relais aux questions d’égalité de genre et santé des femmes » fait partie des actions reprises dans son programme d’actions coordonnées. Ils entendent former les services demandeurs (à savoir les professionnels tant de la santé que du secteur social) sur les questions d’expertise de Femmes et Santé (genre en santé, mixité, méthodes autosanté, VGO…).

    Au sujet du site internet, le travail s’effectuera avec Info.santé, il ne s’agira donc pas de créer un nouveau site internet. Info.santé est un site pour le grand public et propose actuellement plus de 900 guides-patients couvrant un large éventail de domaines de la santé. Un grand nombre de thématiques de santé y sont abordées : santé physique, mentale, sociale, informations d’ordre préventif, diagnostique et thérapeutique, et littératie en santé. Dans le cadre de leur agrément en tant qu’opérateur en promotion de la santé, ils effectueront un travail notamment sur les fiches/guides patients tout en veillant à intégrer la dimension genre pour les fiches pertinentes.

    Concernant la situation des familles monoparentales, elles représentent un pourcentage important des ménages wallons. On en dénombrait 198 798 au 1er janvier 2023, soit 12,2 % des ménages privés. Sur l’ensemble des familles monoparentales wallonnes, plus de 83 % ont à leur tête une femme. Selon les résultats de l’enquête EU-SILC 2022 sur les revenus et les conditions de vie, les membres d’une famille monoparentale ont un taux de risque de pauvreté 3 fois plus élevé que les membres d’une famille composée, par exemple, de deux adultes et 1 enfant ou plus (30,5 % pour les familles monoparentales contre 9,9 %). Cette donnée implique inévitablement des conséquences en matière de santé et d’accès aux soins. Les autres facteurs qui interviennent sur le risque de pauvreté sont l’intensité de travail au sein du ménage, le fait d’être propriétaire ou locataire de son logement ainsi que le niveau d’étude.

    Les leviers régionaux à activer pour diminuer le risque de pauvreté des familles monoparentales se situent, d’une part, au niveau de la formation et de l’accès à l’emploi et, d’autre part, au niveau de l’accès à la propriété. Dans le cadre de son Plan de relance, la Wallonie déploie plusieurs actions qui rencontrent cet objectif de diminution du risque de pauvreté, notamment :
    - le projet 242 : Renforcer l'accès à la propriété par l’amplification des mécanismes de crédit hypothécaire gérés par la Société wallonne du crédit social (SWCS) et le Fonds du Logement de Wallonie (FLW), avec une attention particulière portée aux jeunes, aux ménages monoparentaux et aux publics les plus défavorisés ;
    - le projet 255 : lancer un appel à projets pour la création de places supplémentaires en crèche (l’insuffisance de places d’accueil est un frein à l’entrée/au maintien sur le marché de l’emploi d’une partie de la population en âge de travailler, surtout dans la population féminine) ;
    - le projet 258 : Création de points relais pour les familles monoparentales, un nouveau dispositif d’accompagnement des familles, basé sur le travail social de groupe.

    Enfin, en termes de santé publique, deux aspects retiennent l’attention : les données relatives à la santé publique et la dynamique de la promotion de la santé centrée sur l’universalisme proportionné.

    Les résultats des enquêtes de santé publique, réalisées tous les cinq ans par Sciensano, sont systématiquement présentés par sexe. Par exemple, dans l’enquête 2018, la part de femmes ayant rapporté une absence au travail à la suite d’un problème de santé dans les 12 derniers mois est effectivement plus élevée que chez les hommes (46,8 % vs 35,6 % en 2018) . Pour ce qui concerne différentes pathologies, les différences sont surtout marquées pour les cervicalgies (19 % vs 10 %), l’arthrose (26 % vs 16 %), les troubles thyroïdiens (16 % vs 5 %), les troubles anxieux (19 % vs 10 %) et les troubles dépressifs (16 % vs 11 %). Par ailleurs, à l’exception de l’activité physique, les femmes présentent des meilleurs résultats au niveau des déterminants de santé (alimentation, consommation d’alcool et de tabac), et présentent un taux similaire aux hommes au niveau d’autres problèmes de santé tels que l’obésité, le diabète, l’hypercholestérolémie ou l’hypertension. Le taux d’incidence du cancer (tout type) est en revanche moins élevé chez les femmes que chez les hommes (420 vs 526 cas pour 100 000 personnes-année). Dans le système wallon d’information sociosanitaire (SWISS), en cours de développement par l’AViQ, tous les indicateurs seront présentés par sexe.

    D’un point de vue santé publique, les recommandations internationales proposent :
    - d’intégrer, en plus du sexe biologique, la dimension genre dans les collectes de données (l’AViQ a notamment proposé que cette dimension genre soit intégrée dans la prochaine enquête nationale de santé) ;
    - d’intégrer la notion de sexe biologique dans les essais cliniques ;
    - de garantir une formation initiale et continue aux professionnels de santé pour la prise en compte du genre et du sexe dans le dépistage et la prise en charge des pathologies.

    Les objectifs poursuivis sont de fonder des politiques de santé publique adaptées. Afin d’illustrer le propos, l’exemple de la promotion de la santé est à relever.

    L’universalisme proportionné est un principe consistant à proposer des services universels, à une échelle et à une intensité proportionnelle au degré des besoins de populations spécifiques. Ce principe est considéré comme un moyen d’aller au-delà de la dichotomisation entre des mesures universalistes et des mesures ciblées dans le champ de la santé étant donné que ces deux approches, appliquées singulièrement, présentent des risques tels que la stigmatisation, le renforcement des inégalités, un manque de couverture de la population, et cetera.

    L’universalisme proportionné propose que les interventions en santé combinent l’universalisme et la proportionnalité pour améliorer la santé générale de la population et diminuer (voire supprimer) le gradient social de santé (Carey et al., 2015). Les acteurs de promotion de la santé ont été invités à inscrire leurs actions en tenant compte de cette dimension dans une démarche fondamentale de la promotion de la santé.

    Tous les acteurs de la promotion de la santé sont donc sensibilisés à cette approche de genre et le modèle de rapport d’activités des opérateurs agréés intègre la dimension genre. Cette approche de l’universalisme proportionné est également à prendre en considération dans les autres domaines de la santé, comme les soins curatifs, dans le secteur hospitalier ou les soins spécialisés, dans les soins de santé mentale où les femmes sont davantage représentées, dans les soins ambulatoires et dans les soins psychiatriques résidentiels.