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La question préjudicielle relative à l’article 275 du Code wallon de l’action sociale et de la santé (CWASS) posée par le Tribunal du travail de Liège

  • Session : 2023-2024
  • Année : 2023
  • N° : 204 (2023-2024) 1

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  • Question écrite du 21/12/2023
    • de DESQUESNES François
    • à MORREALE Christie, Ministre de l'Emploi, de la Formation, de la Santé, de l'Action sociale et de l'Economie sociale, de l'Egalité des chances et des Droits des femmes
    L'ordre du jour du Conseil des ministres du 7 décembre 2023 comportait un point portant sur la question préjudicielle relative à l'article 275 du Code wallon de l'action sociale et de la santé, posée par le Tribunal du travail de Liège (division Neufchâteau).

    Quelle est la question préjudicielle posée ?

    Quels sont les droits en jeu ?

    Quels sont le contexte et le fond du litige ?

    Quelles sont les raisons qui justifient l'intervention du Gouvernement dans la procédure ?

    Quels sont la position et les intérêts que le Gouvernement défendra par l'intermédiaire de Maitre Kaiser ?
  • Réponse du 31/01/2024
    • de MORREALE Christie
    Le point central du litige et les droits en jeu sont de savoir s’il y a ou non une discrimination lorsque la législation exclut au droit à un budget d’assistance personnelle les personnes atteintes d’un handicap avant l’âge de 65 ans, mais qui n’ont pas introduit de demande d’intervention pour cette prestation auprès de l’AVIQ avant cet âge, alors que peuvent bénéficier de l’intervention de l’AViQ pour des aides matérielles (aide à l’intégration) les personnes atteintes d’un handicap avant l’âge de 65 ans et ce, même si la demande est introduite pour la première fois après l’âge de 65 ans.

    Le Tribunal de travail de Liège a posé les deux questions préjudicielles suivantes :

    1. L’article 275 du Code wallon de l’action sociale et de la santé viole-t-il les articles 10 et 11 de la constitution en excluant du champ d’application les interventions de l’Agence pour les personnes handicapées n’ayant pas introduit une demande d’intervention avant 65 ans, mais dont le handicap est intervenu avant 65 ans.

    2. L’article 275 susmentionné viole-t-il les articles 10 et 11 de la constitution en habilitant le gouvernement wallon, via l’article 787 du Code réglementaire wallon de l’action sociale et de la santé, à exclure de champ d’application des interventions de l’Agence en faveur de personnes handicapées n’ayant pas une demande d’intervention avant 65 ans, mais dont le handicap est survenu avant 65 ans

    La Cour a répondu par la négative à la seconde question préjudicielle estimant que l’habilitation concerne une matière que la Constitution ne réserve pas au législateur.

    Le point central de cet arrêt est la position adoptée par la Cour constitutionnelle par rapport à la première question posée. En effet, elle a estimé que : « l’article 275 du Code wallon de l’Action sociale et de la santé n’est pas compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu’il exclut de l’aide individuelle à l’intégration pour l’achat de produits d’assistance, au sens des articles 784 et suivants du Code réglementaire wallon de l’Action sociale et de la santé, une personne qui n’avait pas encore atteint l’âge de 65 ans au moment où elle a été frappée d’un handicap et qui n’avait pas introduit une première demande d’intervention avant cet âge, bien que l’existence du handicap ne soit pas contestée et que la nécessité des produits d’assistance découle directement de ce handicap ».

    En exécution de cet arrêt, l’AViQ ne peut exclure du champ d’application de ses interventions les personnes dont le handicap est survenu avant l’âge de 65 ans et qui introduisent une première demande après 65 ans à la condition que l’existence du handicap avant 65 ans ne soit pas contestée et que l’aide sollicitée découle directement de ce handicap.

    Il est important de préciser que cet arrêt ne concerne que l’aide individuelle à l’intégration (aide matérielle) visée aux articles 784 et suivants du Code réglementaire wallon de l’Action sociale et de la santé (section 1re) et non le budget d’assistance personnelle visé aux articles 797 et suivants dudit Code réglementaire (section 4).

    En application de la jurisprudence constitutionnelle, en ce qui concerne la demande introduite par le demandeur pour des aides matérielles (ou aide individuelle à l’intégration), l’AViQ a répondu favorablement bien que le demandeur soit âgé de plus de 65 ans, et ce, étant donné le respect des conditions ci-avant mentionnées, à savoir : l’existence non contestée du handicap avant 65 ans et le fait que les aides sollicitées découlent directement de ce handicap. Cependant, en ce qui concerne le budget d’assistance personnelle, l’AViQ continue d’appliquer la réglementation en vigueur. La condition d’âge n’étant pas respectée, une décision de refus a été rendue.

    Dans son jugement du 23 octobre 2023, le Tribunal estime que la Cour constitutionnelle, dans son arrêt du 24 février 2022, n’a pas statué lorsque la demande porte sur une aide individuelle à l’intégration en tant que prestation de service visée par l’article 784 du Code réglementaire wallon.

    A la lecture du jugement et de la question préjudicielle posée, il semble qu’il y ait une confusion quant à l’interprétation de la réglementation. Le Tribunal évoque l’aide individuelle à l’intégration en tant que prestation de service visée par l’article 784 du Code réglementaire wallon. Or, le refus concerne le budget d’assistance personnelle. Ce dernier est visé aux articles 797 et suivants du Code réglementaire wallon de l’Action sociale et de la santé. Le Budget d’assistance personnelle n’est donc pas une prestation de service au sens de la réglementation et n’est pas visé par l’article 784. Vu les éléments susmentionnés, l’AViQ, défendue par le cabinet Delfosse, fait appel du jugement rendu en ce que la question préjudicielle est mal formulée.

    Concomitamment à l’appel interjeté par l’AViQ, le Gouvernement wallon et l’AViQ ont été notifiés par la Cour constitutionnelle, les conclusions des juges rapporteurs faisant état d’un délai de 15 jours à compter de la réception de ladite notification pour introduire, par courrier recommandé, un mémoire justificatif, conformément à l’article 72 alinéa 2 de la loi spéciale du 6 janvier 1989.

    Le Gouvernement s’étant vu, à l’instar de l’AViQ, notifier les conclusions des juges rapporteurs et étant l’éditeur direct de la norme remise en cause, il a semblé opportun que le Gouvernement soit partie à la cause, et ce, afin d’éviter un défaut ou une interpellation de la Cour constitutionnelle.

    La position défendue par le Gouvernement, par l’intermédiaire de son représentant, s’inscrit avant tout, dans la nécessité de reformulation de la question préjudicielle telle qu’elle est posée par le Tribunal du travail de Liège à la Cour.