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La dépendance de l’Union européenne vis-à-vis de la Russie en matière d'approvisionnement en engrais

  • Session : 2023-2024
  • Année : 2024
  • N° : 263 (2023-2024) 1

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  • Question écrite du 24/01/2024
    • de CRUCKE Jean-Luc
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    Plusieurs avertissements proviennent du monde économique européen concernant la dépendance de l'Union européenne vis-à-vis de la Russie sur le plan alimentaire, en raison du remplacement de la dépendance énergétique par une dépendance aux engrais.

    Les importations d'engrais en provenance de Russie ont considérablement augmenté, représentant environ un tiers du total pour certains types d'engrais. Cette dépendance accrue a des répercussions sur l'environnement en raison de l'empreinte carbone plus élevée des engrais importés.

    Il est alors question de communiquer favorablement sur un cadre de financement prévisible pour l'industrie européenne, inspiré du modèle américain sur la réduction de l'inflation, appelant à des incitations pour les agriculteurs en faveur de choix respectueux de l'environnement.

    Enfin, la délégation lettone au Conseil européen a demandé un débat sur les sanctions contre les importations de produits agricoles russes lors de la prochaine réunion des Ministres de l'Agriculture de l'Union européenne.

    Tenant compte de nos échanges dans le cadre de ma question écrite n°136 du 28 novembre 2023 portant sur le contexte ukrainien, il s'agit clairement de nous positionner concernant les implications significatives pour la future Politique agricole commune (PAC) aussi bien en matières budgétaire, réglementaire et d'orientation.

    Quelle est la part des engrais importés en Wallonie et quelles sont les principales sources d'approvisionnement en termes de pays fournisseurs ?

    Comment la Région wallonne encourage-t-elle la production locale d'engrais pour réduire sa dépendance aux importations ?

    Quels sont les défis spécifiques liés à la sécurité et à la diversification des approvisionnements en engrais dans les exploitations agricoles de la Région wallonne ?

    Existe-t-il des initiatives ou des programmes gouvernementaux visant à soutenir la recherche et le développement de technologies permettant la production durable d'engrais locaux en Wallonie ?

    Quels sont les impacts potentiels de la dépendance en approvisionnement en engrais sur la résilience du secteur agricole wallon face aux fluctuations des marchés internationaux ?

    Comment la Région wallonne envisage-t-elle d'encourager l'adoption de pratiques agricoles plus durables et l'utilisation d'engrais organiques locaux pour réduire l'empreinte environnementale ?

    Quelle est la position de la Région wallonne concernant cette thématique ?
  • Réponse du 12/02/2024
    • de BORSUS Willy
    Les engrais se répartissent en 3 catégories : les engrais azotés, les engrais phosphatés et les engrais potassiques.

    Comme l’honorable membre le souligne, la dépendance de l’ensemble de l’Union européenne à la Russie au niveau de l’importation des engrais est criante. En effet, La Russie est le premier exportateur mondial d’engrais azotés et le deuxième pour les engrais phosphatés et potassiques.

    Selon les données d’Eurostat (https://ec.europa.eu/eurostat/comext/newxtweb/openNom.do), les importations totales d’azote dans l’UE ont augmenté de 34 % au cours de la campagne de commercialisation des engrais 2022-23 par rapport à la période précédente, les importations en provenance de Russie représentaient environ un tiers du total.

    L’Union européenne importe 25 % de ses engrais azotés de Russie. Concernant les engrais phosphatés, l’Union européenne (et donc la Wallonie) dépend également de la Russie. En effet, depuis le déclin de la sidérurgie wallonne et une modification de procédé, nous importons ces engrais phosphatés principalement de Russie, car ces phosphates sont pauvres en Cadmium (< 1 mg/kg P205), élément toxique, qui ne se dégrade pas, au contraire des phosphates d’Afrique du Nord (38 à 200mg/ kg P205).

    Concernant les engrais potassiques, le principal fournisseur est le Canada, dont provient 1/3 des fertilisants. La Russie en est le 2e fournisseur.

    La consommation wallonne de ces trois engrais est détaillée sur la page internet suivante : Consommation d’engrais en agriculture - État de l'environnement wallon (wallonie.be)

    L’année 2022 se caractérise par l’année de tous les records avec une flambée au niveau des prix, tant pour le lait que pour la viande et pour les engrais. L’année 2022, comme l’année 2021, est également marquée par une hausse historique de l’indice des prix des engrais, qui suit l’augmentation du prix de l’énergie (Indice des prix agricoles belges - État de l'Agriculture wallonne (wallonie.be)).

    L’État de l’Agriculture wallonne souligne que les prix des moyens de production ont progressé de 50 % en un an et atteint le niveau le plus haut depuis 2001. La hausse de ces prix n’est pas étrangère aux difficultés vécues par les agriculteurs de l’Union européenne.

    Bien sûr, les éleveurs ont la possibilité de recourir à la fertilisation organique, par l’épandage d’engrais de ferme ou de lisier. Toutefois, cet épandage ne garantit pas que le fertilisant azoté sera à disposition de la plante au moment précis où elle en a besoin, tandis que le surplus ira enrichir en nitrates les nappes phréatiques, souvent à la limite de la norme de potabilité. D’où la nécessité de fertiliser à la bonne époque et en fonction de conditions météo favorables. Pour les engrais phosphatés et potassiques, le problème ne se pose pas en Wallonie, car ces engrais restent limités en surface.

    La Région wallonne encourage indirectement le recours aux engrais de ferme, en soutenant diverses initiatives :
    - Projet GAIN: Gestion des Adventices par Innovation de la Fertilisation Azotée ;
    - Patat’Up : production d’une pomme de terre bas intrants ;
    - PréFertiBio : fertilisation de cultures avec des produits issus de fauches de prairies temporaires (luzerne).

    En ce qui concerne les travaux du CRA-W destinés à une réduction du recours à des intrants chimiques, je renvoie l’honorable membre à la réponse que j’ai donnée à Monsieur le Député Samuel Nemes, sur le sujet le 20 mai 2022.

    Concernant la préoccupation sur les défis spécifiques, ils se manifestent directement par une érosion des bénéfices des agriculteurs, car la dépendance des grandes cultures aux engrais, notamment azotés, est importante. La disponibilité et le prix des engrais ont un impact direct sur le niveau de production et la rentabilité de la culture. Donc, les bénéfices réalisés sur les productions animales et végétales fondent comme neige au soleil. En effet, les difficultés sont énormes pour répercuter ces prix sur les bourses mondiales en ce qui concerne les productions végétales, ainsi que sur le secteur de la grande distribution pour les productions animales.

    La résilience du secteur agricole doit passer par des pratiques qui augmentent progressivement l’indépendance vis-à-vis des engrais, par l’utilisation des ressources disponibles (par exemple via le développement et l’acceptation des engrais Renure et par des accords avec des pays tiers intra ou extraeuropéens.

    La Région wallonne encourage une adoption de pratiques agricoles plus durables via le plan stratégique wallon de la PAC. Ce plan permet d’accroitre la résilience des exploitations vis-à-vis des engrais. Le soutien couplé aux protéagineux permet de cultiver ces plantes qui fournissent de l’azote à la culture suivante, c’est aussi le cas pour la variante 1 de l’écorégime « Cultures favorables à l’environnement ». La variante 3 de ce même écorégime encourage la culture de céréales avec un protéagineux qui fournit de l’azote directement à la céréale au cours de la croissance. Les mesures de la conditionnalité (BCAE 5 «Gestion du travail du sol en vue de réduire le risque de dégradation et d’érosion des sols » , BCAE 6 « Couverture des sols minimale en vue d’éviter les sols nus dans les périodes les plus sensibles » et BCAE 7 « Rotation des cultures sur les terres arables ), l’écorégime « Couverture longue du sol » et l’écorégime « Réduction d’intrants » visent à faire adopter des pratiques favorables aussi bien d’un point de vue agronomique qu’environnemental et contribuent notamment à un bon état des sols. L’écorégime « Maillage écologique » vise un renforcement de la biodiversité. Ces pratiques permettent d’avoir des conditions de culture robustes et résilientes qui diminuent la dépendance aux intrants et aux événements perturbateurs, accroissant la résilience des exploitations.