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Les règles en matière de neutralité lors d’engagements politiques

  • Session : 2023-2024
  • Année : 2024
  • N° : 119 (2023-2024) 1

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  • Question écrite du 29/01/2024
    • de EVRARD Yves
    • à COLLIGNON Christophe, Ministre du Logement, des Pouvoirs locaux et de la Ville
    Nous apprenions récemment par la presse qu'un membre d'un média bien connu a été suspendu de ses fonctions dès à présent, et ce jusqu'aux élections communales prochaines en raison de son possible engagement politique lors des prochaines élections.

    Cette nouvelle interpelle d'autant que, le même jour, la presse a indiqué également que dans le cas de figure d'une personne médiatique qui affiche sa volonté de se présenter lors d'élections qu'elles soient régionales, communales ou fédérales, elle conserve le droit de s'exprimer.

    On le sait, la situation est complexe, mais mérite à tout le moins que l'on se penche sur la question avec pour objectif une forme d'équité et l'assurance que le même traitement est appliqué pour chacun.

    D'autres personnalités vivent-elles la même situation, à savoir être écartée de leur emploi en raison de leur engagement politique ?

    Quelles sont les règles en la matière ?

    S'agit-il d'une recommandation ou d'une obligation en termes de neutralité et de déontologie ?

    Dès lors, doit-elle s'appliquer d'office à toute personne exposée médiatiquement ?

    Comment sont définies les caractéristiques d'une personne exposée médiatiquement ?

    Chaque entreprise dispose-t-elle du droit d'écarter un agent en raison de son engagement politique ?

    Se pose alors la question de l'équité.

    Dans le cas qui nous occupe, pourquoi une telle décision aujourd'hui alors que cette personne est active en politique depuis de nombreuses années ?

    Monsieur le Ministre peut-il nous éclairer sur les règles en la matière afin de garantir à chacun un traitement équitable ?
  • Réponse du 21/03/2024
    • de COLLIGNON Christophe
    L’assurance d’un traitement équitable, appliqué aux listes démocratiques et à leurs candidats, est une condition nécessaire à la bonne tenue des scrutins et, par extension, à une démocratie sérieuse, solide et lisible. Cette attention à porter à ces questions est indispensable. Au vu des récents résultats du baromètre social de la Wallonie produit par l’IWEPS, 87 % de nos concitoyens souhaitent davantage de contrôle des conflits d’intérêts et 23 % seulement se disent satisfaits de la démocratie en Wallonie. Nous sommes donc tenus à un devoir d’exemplarité et de transparence quant aux règles appliquées.

    L’écartement, temporaire et de certaines tâches, d’un employé régulièrement à l’antenne a été décidé par la direction de la RTBF. Il ne me revient pas, comme Ministre des Pouvoirs locaux, de me positionner sur une telle décision qui relève de la relation contractuelle entre un employé et son employeur. Aussi, la question pourrait être adressée à la Ministre ayant dans ses attributions la tutelle sur la RTBF, pour avoir un éclairage précis sur la réflexion interne qui a amené à cette décision.

    Néanmoins, sur base des éléments et des pièces dont je dispose, voici quelques informations.

    La personne concernée par la question est, depuis de nombreuses années, mandataire. Elle siège au nom d’un parti politique qui présentera également des listes lors des élections européennes, fédérales et régionales. Dans ce cadre, la RTBF a fait le choix d’une prudence certaine quant à ses passages directs dans les médias, tant en vue des élections du mois de juin que du mois d’octobre.

    Je n’ai, à ce stade, pas connaissance d’autres cas comparables.

    Par ailleurs, je renvoie l’honorable membre au document, disponible sur le site du CSA, reprenant le dispositif électoral de la RTBF en vue des élections du 9 juin. Celui-ci est assez clair en la matière :

    Du lundi 25 décembre 2023 au 13 juillet 2024, date à laquelle la période de prudence précédant les élections provinciales et communales prendra cours, compte tenu de la multiplication des scrutins en cette année 2024, une période de vigilance accrue sera d’application.

    Durant cette période, l’administrateur général de la RTBF évaluera, et si besoin limitera, la présence de candidats, mandataires et militants notoires de partis politiques dans des émissions de talk-show, d’animation, de jeux, de divertissement, d’événements sportifs ou culturels.

    On entend par :

    […]

    3. « militant notoire » : toute personne, qu’elle soit ou non candidate aux prochaines élections, qui affiche ouvertement son adhésion à un parti politique ou à une liste de candidats ou à la doctrine d’un parti politique ou d’une liste de candidats, que ce parti soit représenté dans une des assemblées parlementaires visées par le scrutin ou un nouveau parti émergeant, en ce compris notamment :
    - les membres de cabinets ministériels,
    - les porte-parole de ministres ou secrétaires d’État,
    - le personnel et les porte-parole de partis politiques ou de présidents de partis politiques ou de listes de candidats,
    - les figures historiques toujours représentatives de partis politiques, tels que les anciens présidents de partis, anciens ministres, anciens secrétaires d’État et anciens bourgmestres,
    - le personnel des centres de recherche et autres associations dépendant des partis politiques ou de listes de candidats,
    - les membres de cabinets des bourgmestres, échevins et présidents de CPAS,
    - les influenceurs actifs notamment sur les réseaux sociaux, qui, de manière ouverte, manifeste et répétée, soutiennent un parti ou un candidat.

    Les journalistes seront particulièrement attentifs aux caractéristiques définissant la notion de « militant notoire » et du large champ qu’elles balayent. Toute autre situation susceptible de poser question, et notamment celle de personnes qui, sans appartenir à un parti politique, en adoptent les vues et approuvent publiquement l'essentiel de sa politique, devra être soumise au directeur de l’information et des sports, avec un préavis suffisant, pour lui permettre de prendre une décision adéquate.

    Le texte apporte donc l’explication de la date choisie pour écarter de l’antenne le présentateur. Il propose aussi une acceptation large de la notion de « militant notoire ».

    En outre, le point 49 de l’avis n°03/2023 du CSA portant sur le « règlement relatif aux programmes sur les services de médias audiovisuels en période électorale » explique ceci : « (art.22) Les éditeurs fixent, dans leur dispositif électoral, les modalités de l’absence sur leur(s) service(s) des candidat(e)s avec lesquel(le)s ils collaborent professionnellement. À cette occasion, ils tiennent compte du fait que ces modalités relèvent de manière importante des règles de déontologie professionnelle applicables à ces candidats. »

    Aussi, les entreprises ne disposent pas, a priori, du droit d’écarter des travailleurs de leurs fonctions ou de leurs tâches à l’approche des élections. Des exceptions peuvent être prévues, notamment dans des professions où la neutralité politique est essentielle pour préserver l'objectivité ou l'intégrité du service fourni comme la profession de journaliste, a fortiori sur des médias publics.

    La Constitution, notamment les articles 10 et 11, garantit le droit à la liberté d'expression et à la participation politique. Les employeurs sont également et évidemment tenus de respecter la législation anti-discrimination en vigueur.