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Les études de Syndex en suite des restructurations des sites AGC de Seneffe et AGC de Fleurus

  • Session : 2023-2024
  • Année : 2024
  • N° : 280 (2023-2024) 1

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  • Question écrite du 02/02/2024
    • de MUGEMANGANGO Germain
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    En séance de la Commission de l'économie, de l’aménagement du territoire et de l’agriculture du mardi 23 janvier 2024, Monsieur le Ministre a déclaré à la suite de mon interpellation sur AGC Moustier : « D'une part, à la suite des demandes de l'ensemble des interlocuteurs sociaux, employeurs et syndicats, vous avez chargé la SOGEPA d'études quant aux restructurations des sites AGC Seneffe et AGC Fleurus. Ces études ont été réalisées par l'expert Syndex en 2021 et en 2022, en parfait dialogue avec les interlocuteurs sociaux de ces deux sites d'AGC ».

    Peut-il donner les conclusions de ces études ?

    De quelles hypothèses sont-elles parties ?
  • Réponse du 23/02/2024
    • de BORSUS Willy
    Suite à une demande de l’ensemble des interlocuteurs sociaux (employeur et syndicats) du site d’AGC Seneffe, l’ex-SOGEPA a été chargée, en 2021, d’une étude externe relative à l’évolution du marché ferroviaire. Cette étude s’inscrivait dans le contexte de la restructuration du site d’AGC Seneffe, dont l’intention, annoncée en janvier 2021, était de réduire ses capacités de production et ses frais fixes, pour retrouver une profitabilité et pérenniser l’activité, au sein de l’activité Transport & Industrial Vehicles (TIV) d’AGC Glass Europe.

    La section TIV de l’usine de Seneffe était spécialisée dans la fabrication de verre à destination du marché ferroviaire. Selon AGC, cette section souffrait depuis de nombreuses années de performances industrielles insuffisantes, générant des pertes financières structurelles pour l’activité TIV d’AGC. Plus globalement, il est utile de noter que la direction financière japonaise du groupe AGC suivait de manière étroite les performances de la branche verre qui présentait des performances opérationnelles moins bonnes que les autres divisions du groupe (chimie et électronique), bien que le verre reste le premier pilier des ventes d’AGC au niveau mondial.

    En 2019, l’augmentation des volumes de production avait permis, malgré tout, de générer un premier résultat financier positif. Cependant, l’année 2020 a marqué un tournant brutal et majeur pour la section TIV de l’usine, réduisant la demande marché sur le moyen terme. Une contraction des marchés ferroviaires était prévue pour 2021 et 2022 due à la crise sanitaire, mais aussi due à une crise structurelle du marché de remplacement déjà en cours. D’un autre côté, l’Union européenne annonçait 2021 comme l'année européenne du rail, souhaitant promouvoir le transport ferroviaire. Si ce passage à une mobilité durable et intelligente se confirmait, il était envisagé que la fabrication et la rénovation de trains augmentent en 2022 et 2023, générant une augmentation de la demande de vitrages estimée à partir de 2024.

    Dans ce contexte, cette étude externe, réalisée par l’expert Syndex et dont les résultats ont été présentés à l’ensemble des interlocuteurs sociaux d’AGC Seneffe, a montré notamment que :
    - si l’impact de la crise sanitaire est indéniable, plus nettement dans le domaine de la rechange (réparation de matériel roulant) que dans celui de la construction neuve, il n’en demeure pas moins que l’avenir de ce secteur est prometteur, poussé par les différents plans de relance nationaux ou européens déjà déployés ou annoncés et par l’impérieux développement d’une mobilité plus soutenable ;
    - s’il y a consensus sur la reprise, celle-ci est anticipée de manière plus ou moins décalée selon les différents experts et les acteurs des deux chaînes de valeur qui structurent cette industrie et les services de mobilité collective. Les données à la disposition de Syndex indiquaient que l’activité serait soutenue les trois prochaines années « dans la première monte » avec les projets existants et d’autres qui devraient émerger à brève échéance (2e semestre 2021-début 2022) du fait des différentes impulsions évoquées plus haut. Pour la rechange, la reprise du trafic était vue comme probable en Europe à un horizon relativement rapproché, dépendant de la capacité des pays européens à maitriser la pandémie par l’intensification de l’effort de vaccination ;
    - il importait, selon Syndex, d’être présent activement durant cette séquence. L’efficacité et les performances pour des acteurs verriers, petits acteurs par la taille, mais non par le talent et les innovations dans les chaînes de valeur ferroviaires, devaient être améliorées. Le risque était que le nécessaire et permanent chantier de transformation-adaptation n’absorbe toutes les énergies, ne démobilise les organisations, n’altère la capacité à répondre immédiatement et non 2 ou 3 ans plus tard, à un moment où les projets risqueraient de se tarir. Les actionnaires poussaient à l’adaptation rapide. Les autres acteurs sociaux devaient pouvoir se faire entendre aussi et montrer que la pérennité requérait de privilégier la transformation régulée et partagée à la restructuration, surtout dans les activités à très forte valeur ajoutée.

    L’ex-SOGEPA a également été chargée d’une mission d’étude externe relative à la fermeture du site d’AGC Fleurus en 2022. Celle-ci a été également menée par l’expert Syndex en dialogue avec les interlocuteurs sociaux. Parmi les résultats de cette étude, on peut souligner malheureusement des pertes récurrentes dans l’activité verrière automobile (qui avaient déjà poussé les volumes prioritaires à se déplacer vers l’Europe de l’Est) et des perspectives sur le marché automobile encore détériorées dernièrement.

    La dégradation de la conjoncture était indéniable. Elle a été causée par plusieurs composantes, conjoncturelles (crise sanitaire), mais aussi structurelles (crise des constructeurs confrontés à un enjeu de transformation notamment de leur système industriel en faveur du véhicule électrique, élargissement et recomposition du champ concurrentiel pour les acteurs les plus fragilisés, tensions durables dans des chaînes de valeur globalisées sur certains composants). Ces sources de tension ont été par ailleurs exacerbées par la guerre déclenchée par la Russie en Ukraine avec l’inflation, des pénuries nouvelles de composants, un ralentissement plus prononcé du profil de la reprise.

    Plus globalement, les pertes financières dans les gammes de verre feuilleté sont récurrentes à l’échelle européenne depuis au moins 2015. La permanence d’un tel déficit qui dépasse largement Fleurus était interpellante. Selon Syndex, elle s’expliquait par le fait que AGC Automotive visait l’optimisation de son résultat au niveau d’un « carset » (véhicule entier) et à partir de ses positions fortes dans les produits trempés (dont l’empreinte industrielle avait été concentrée depuis le milieu des années 2000 en Hongrie, à Tatabánya). AGC était moins bien positionné dans le verre feuilleté et avait une organisation industrielle plus éparse en Europe. La dégradation de la conjoncture dans le secteur automobile constatée depuis 2018-2019, aggravée par la crise sanitaire puis la guerre en Ukraine et le nouvel épisode de gestion coercitive de l’épidémie du covid en Chine ont accentué les baisses de volumes et les pertes dans le secteur du verre feuilleté. Des transferts de production de la Belgique et de la France vers la République tchèque (Chuderice), appelée à devenir le pôle exclusif de production de verre feuilleté en Europe, sont intervenus entre 2019 et 2021, ce qui a contribué à désaturer les lignes de production des sites occidentaux (dont Fleurus) et à réduire sensiblement et durablement la capacité à absorber les coûts fixes. Au vu de l’analyse de Syndex, il apparaissait que la situation de Fleurus était plus fragile pour deux raisons principales :
    - il s’agissait d’un site qui représentait une capacité de bouclage-équilibrage à l’échelle européenne. Peu de développements nouveaux y étaient pratiqués les dernières années. Ce rôle de capacité d’équilibrage tenait tant que les volumes étaient suffisants pour saturer les autres unités, celle de Chuderice en premier lieu. Mais cela n’était plus le cas en 2020-2021 et plus encore à partir de la fin de l’année 2021. La restructuration envisagée en septembre ne faisait que décaler le problème, mais ne le réglait pas : le site devait rester en perte substantielle importante faute de volumes et de développements nouveaux. Les hypothèses de productions, sous le point mort en 2021-2022, anticipaient un très fort repli au-delà ;
    - un investissement dans un four plus moderne (dit « feuille à feuille », en lieu et place des fours existants, à presse) avait été localisé à Chuderice (début 2021) pour servir les nouveaux modèles avec des cadences beaucoup plus élevées. Cet investissement, d’une trentaine de millions d’euros, était essentiel pour être présent dans les futurs développements (2024-2025-2026). Mais il faudrait 1/ que le four de Chuderice soit très rapidement saturé, ce qui n’était plus prévu avant 2026, 2/ que les pertes récurrentes anticipées même après la restructuration imaginée en septembre 2021 soient encore réduites et/ou acceptées par la direction d’AGC Automotive Europe et plus haut par l’actionnaire au Japon 3/ que le groupe accepte d’engager un tel investissement et de le localiser à Fleurus, ce qui paraissait totalement improbable pour toutes les raisons invoquées plus haut et parce que la priorité était donnée à saturer les lignes les moins chères, soit Chuderice.

    Les risques sur les autres activités d’AGC en Belgique restaient à évaluer de manière plus pointue. Des ajustements d’effectifs sur les fonctions centrales étaient considérés comme envisageables, même après la restructuration intervenue en 2020-2021 à Louvain-la-Neuve. Les divisions floats (type de verre plat) étaient exposées à une tension particulière dans le registre énergétique : envolée du prix du gaz et risque sur sa disponibilité. Les débouchés automobiles, très affaiblis par les hypothèses révisées à la baisse de production européenne avec la guerre, pouvaient affecter plus particulièrement la division float de Mol, plus active dans ce type de verre. Toutefois, sa technologie relativement polyvalente permettrait de l’orienter vers le verre architectural.