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La santé mentale des agriculteurs

  • Session : 2023-2024
  • Année : 2024
  • N° : 243 (2023-2024) 1

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  • Question écrite du 02/02/2024
    • de CRUCKE Jean-Luc
    • à MORREALE Christie, Ministre de l'Emploi, de la Formation, de la Santé, de l'Action sociale et de l'Economie sociale, de l'Egalité des chances et des Droits des femmes
    En octobre 2022, les membres de la Commission de l'agriculture du Parlement européen (AGRI) ont exprimé la nécessité d'une action concertée pour améliorer la santé mentale des agriculteurs de l'Union européenne.

    Un rapport de l'Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail de décembre 2020 souligne que les agriculteurs sont soumis à de fortes pressions, ce qui a un impact négatif sur leur bien-être psychologique.

    Les données soulignent que les facteurs de stress incluent le changement climatique, la charge administrative et l'isolement. Les taux de suicide parmi les agriculteurs sont particulièrement élevés, avec des exemples comme celui de la France où le taux de suicide est 20 % plus élevé que la moyenne nationale !

    Une récente enquête du 21 janvier 2024 paru dans Le Monde met en évidence les défis spécifiques rencontrés par les professionnels de la santé mentale dans les régions rurales, où les problèmes de santé mentale sont souvent sous-estimés ou stigmatisés.

    Il y a notamment une forte résistance à l'expression des émotions et une culture du silence autour des difficultés psychologiques. Il est alors question de comprendre les besoins spécifiques en santé mentale dans les zones rurales et l'importance d'adapter les services de santé mentale pour répondre à ces besoins.

    Quelles sont les principales pressions auxquelles sont confrontés les agriculteurs en Région wallonne, et comment ces pressions impactent-elles leur santé mentale ?

    Quels sont les développements à prendre en compte au niveau européen depuis octobre 2022 ?

    Comment le cadre institutionnel a-t-il évolué en la matière depuis lors ?

    Quelles initiatives la Région wallonne prend-elle actuellement pour soutenir la santé mentale des agriculteurs dans notre région ?

    Comment la Région wallonne coordonne-t-elle ses actions avec les politiques nationales et européennes en matière de santé mentale agricole ?

    Existe-t-il des programmes spécifiques de sensibilisation ou de formation sur la santé mentale destinés aux agriculteurs de notre région ?

    Comment la Région wallonne envisage-t-elle d'intégrer la question de la santé mentale agricole dans ses politiques de développement rural ?

    Quelle est l'analyse de Madame la Ministre en collaboration avec les autres Ministres compétents en la matière ?

    Y a-t-il des plans pour renforcer la coopération entre les autorités locales, les organisations agricoles et les professionnels de la santé mentale pour mieux soutenir les agriculteurs en difficulté ?

    Quelles sont les mesures envisagées pour faciliter l'accès des agriculteurs aux services de santé mentale et pour réduire la stigmatisation associée à la recherche d'aide psychologique dans le secteur agricole ?

    Quels sont les défis spécifiques rencontrés par les professionnels de la santé mentale travaillant en milieu rural, en Région wallonne ?

    Qu'en est-il concernant la réticence des habitants des zones rurales à exprimer leurs émotions et leurs difficultés psychologiques ?

    Quelle est son analyse pour répondre aux besoins spécifiques des populations rurales ?

    Quelles stratégies pourraient être mises en place pour sensibiliser davantage aux problèmes de santé mentale dans les zones rurales ?

    En quoi les services de santé mentale pourraient-ils être améliorés ou adaptés pour mieux servir les communautés rurales, selon elle ?

    Comment les gouvernements et les autorités de santé pourraient-ils encourager et soutenir davantage les professionnels de la santé mentale travaillant en milieu rural ?
  • Réponse du 21/02/2024
    • de MORREALE Christie
    Pourquoi les agriculteurs wallons, les agriculteurs d’autres régions et les agriculteurs d’autres pays européens manifestent-ils ? Leurs revendications visent principalement des réglementations européennes qui ont un impact sur les conditions d’exercice de leur profession. Par ailleurs, les agriculteurs sont confrontés à des défis pour maintenir leur compétitivité qui, elle, est influencée par de nombreux facteurs au niveau du commerce international.

    Des mesures sont prises au niveau régional wallon, mais des mesures doivent d’abord être prises au niveau européen et même au-delà.

    Ces constats sont les mêmes dans de nombreux pays européens. C’est d’abord à ce niveau qu’il faut agir pour améliorer le bien-être de nos agriculteurs wallons, car ce sont des déterminants de la santé. Les professionnels de la santé ne peuvent intervenir sur ces facteurs, mais sont appelés à la rescousse pour résoudre leurs conséquences.

    La vision politique de la santé mentale, validée par la Conférence interministérielle de la Santé, se caractérise par une santé publique globale et intégrée allant de la prévention universelle aux soins les plus aigus, en agissant selon le principe de l’universalisme proportionné. La Wallonie a développé cette vision depuis longtemps.

    L’objectif est de couvrir tout le territoire et de rendre l’offre accessible pour toute personne en besoin d’un soutien pour améliorer sa santé mentale, dont les agriculteurs. L’offre de soins en santé mentale est très diversifiée, étendue et complexe. J’ai déjà eu l’occasion d’en parler à de nombreuses reprises et je ne vais pas m’y étendre à nouveau.

    Toutefois, je rappelle le site développé par l’AViQ www.trouverdusoutien.be à toutes fins utiles, pour trouver une ressource proche.

    Vu la thématique, je voudrais mettre l’accent sur l’ASBL Agricall cofinancée par mon collègue en charge de l’agriculture ainsi qu’à travers mes compétences. Son objectif est d’accompagner tout agriculteur et sa famille qui rencontrent des difficultés d’ordre économique, technique, psychologique ou social dans la gestion de l’exploitation agricole en Wallonie. Agricall est composé d’agronomes, de psychologues, d’une juriste et d’un assistant social. L’association travaille aussi avec des structures spécialisées dans les assuétudes.

    Par ailleurs, une cellule d’appui à la gestion financière pour les agriculteurs a été créée en 2016 à la suite de la crise laitière. Il s’agit de Finagri qui est hébergée par Agricall et s’appuie sur son expertise et son réseau.

    Finagri vise à répondre aux difficultés conjoncturelles que les agriculteurs rencontrent en leur proposant un accompagnement individualisé qui porte sur l’aspect financier et économique. Finagri est également cofinancée par nos deux ministères, Agriculture et Santé - Action sociale.

    Il est important de sensibiliser le secteur agricole, tout comme le grand public, à la santé mentale. Dans cette perspective, durant la semaine de santé mentale, en octobre 2023, Agricall a réalisé des capsules vidéo qui sont d’ailleurs toujours disponibles sur le groupe Facebook de l’association :
    https://www.facebook.com/AgricallWallonieAsbl/about_details

    et sur son site internet :
    https://agricall.be/actualite/

    Auparavant, en 2022, Agricall a sensibilisé les étudiants de toutes les écoles agricoles en Wallonie à des thématiques liées à la santé mentale, comme la dépression, l’épuisement professionnel ou encore le suicide des agriculteurs.

    Agricall participe aussi à des débats publics portant sur la santé mentale des agriculteurs et leur bien-être.

    L’association spécialisée a développé un outil de communication « Agrikit’ » pour soutenir les agriculteurs. Il est composé d’une part, de témoignages d’agriculteurs ayant connu des difficultés et, d’autre part, de fiches conseils à destination des acteurs du monde agricole. Ces fiches abordent notamment la dépression, le suicide, la manière d’être soutenant sans se mettre soi-même en difficulté.

    Toujours en matière de sensibilisation et de prévention, j’ai déjà parlé de la campagne de communication « Partager, c’est se libérer » qui a incité les citoyens à parler de leur détresse psychologique.

    Nous devons travailler sans cesse à déstigmatiser la santé mentale, de manière générale, pour toute la population, sans pointer les agriculteurs.

    La Fondation Roi Baudouin et l’ASBL CRésaM ont également œuvré à déstigmatiser la santé mentale dans les médias. Ces derniers constituent un vecteur des représentations sociales et influencent très clairement l’opinion publique. Dans ce cadre, des ressources et des outils adressés ont été développés pour que les médias communiquent de manière non stigmatisante sur la santé mentale.

    Enfin, l’ASBL Un pass dans l’Impasse est spécialisée dans le risque suicidaire et le suivi de personnes suicidaires et de leur entourage. Cette association spécialisée constitue un outil fondamental pour apporter une réponse à ces populations cibles, parmi lesquelles les indépendants – et donc les agriculteurs – à risque suicidaire.

    Elle s’appuie sur une méthodologie éprouvée dans le cadre de la crise sanitaire puis de la crise énergétique. Ces deux crises ont grandement fragilisé les indépendants confrontés à l’arrêt de leurs activités dans le cadre du confinement, à la perte de revenus professionnels, voire à la faillite.

    L’ASBL vient de conclure une convention au sein de la commission technique revalidation, pour développer son activité sur l’ensemble du territoire de la Wallonie. Cette convention a été conclue - et je m’en réjouis - le 26 janvier 2024. Le Gouvernement a libéré les moyens nécessaires. Vu l’enjeu, je l’approuverai dès qu’elle me sera soumise.

    Il y a certainement des mesures existantes à renforcer, comme l’accroissement de la mobilité des psychologues vers les lieux de vie de publics cibles, dont les agriculteurs, ou encore les groupes de parole sur des thématiques liées à la santé mentale pour des publics cibles spécifiques, comme déjà proposé par les psychologues de première ligne. Il convient de tenir compte des charges de travail et de la présence permanente des agriculteurs dans leur exploitation pour s’adapter à cette particularité.