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La gestion du carbone industriel et la prochaine proposition de la Commission européenne

  • Session : 2023-2024
  • Année : 2024
  • N° : 382 (2023-2024) 1

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  • Question écrite du 02/02/2024
    • de CRUCKE Jean-Luc
    • à HENRY Philippe, Ministre du Climat, de l'Energie, de la Mobilité et des Infrastructures
    Un document de la Commission européenne divulgué révèle des plans pour la gestion du carbone industriel, visant à recycler le dioxyde de carbone capturé dans des processus chimiques ou comme carburant maritime et aéronautique.

    Le document souligne la nécessité d'une approche européenne pour établir un marché unique européen du carbone industriel, en accord avec l'objectif de l'Union de parvenir à des émissions nettes nulles d'ici 2050. Il énonce des objectifs pour la capture, la suppression et l'utilisation du carbone, mettant en évidence l'importance de ces mesures dans l'atteinte de la neutralité climatique.

    Les options politiques incluent l'intégration des technologies de capture du carbone dans le système d'échange de quotas d'émission de l'UE (ETS) et l'exemption des carburants à faible teneur en carbone comme l'hydrogène vert des obligations d'échange d'émissions. Le document suggère également de considérer des objectifs spécifiques pour les suppressions de carbone et d'explorer des mécanismes de conformité dans le cadre du système ETS de l'UE.

    Cependant, les groupes environnementaux soulèvent des préoccupations quant au maintien de l'intégrité environnementale et à la prévention des failles dans les techniques d'utilisation du carbone.

    Monsieur le Ministre a-t-il pris connaissance dudit document ?
    Si oui, comment le Gouvernement wallon prévoit-il d'aligner ses politiques énergétiques sur les objectifs de l'UE en matière de gestion du carbone industriel, tel que décrit dans le document de la Commission divulgué ?

    Quelles mesures spécifiques la Région wallonne envisage-t-elle pour soutenir le développement et le déploiement des technologies de capture, de suppression et d'utilisation du carbone au sein du secteur industriel wallon ?

    Compte tenu de l'accent mis sur la création d'un marché unique européen pour le carbone industriel, comment le gouvernement wallon collaborera-t-il avec d'autres régions et institutions de l'UE pour assurer une approche coordonnée ?

    À la lumière des préoccupations soulevées par les groupes environnementaux concernant l'intégration des suppressions de carbone dans le système ETS de l'UE, quelles mesures le gouvernement wallon prendra-t-il pour répondre à ces préoccupations et assurer l'intégrité environnementale ?

    Comment la Wallonie entend-elle exploiter les mécanismes de financement tels que le fonds d'innovation de l'UE ETS pour soutenir des projets de suppression de carbone de haute qualité, durables et permanents dans la région ?

    Comment la Wallonie compte-t-elle encourager l'adoption de technologies de capture et de suppression du carbone dans le secteur de l'énergie, en particulier dans les industries fortement émettrices de CO2 ?

    Existe-t-il des partenariats ou des initiatives de recherche en cours ou prévus en Wallonie visant à développer des solutions innovantes pour la gestion du carbone dans le secteur de l'énergie ?

    Y a-t-il des plans pour stimuler l'investissement privé dans des projets de gestion du carbone dans le secteur de l'énergie en Wallonie, et si oui, quelles sont les mesures envisagées ?

    Comment la Wallonie prévoit-elle de collaborer avec d'autres régions de l'UE pour harmoniser les politiques énergétiques et de gestion du carbone à l'échelle européenne ?
  • Réponse du 02/04/2024
    • de HENRY Philippe
    En prélude de ma réponse aux nombreuses questions de l’honorable membre, j’aimerais rappeler que la capture du CO2 est une dimension de la transition énergétique en pleine émergence ; tout est encore à construire : les partenariats, les normes réglementaires et les infrastructures.

    La communication de la Commission européenne parue le 6 février 2024 contient la stratégie en matière de gestion industrielle du carbone. Cette stratégie annonce notamment un paquet législatif pour 2025 pour ce qui concerne les d’infrastructures. Ceci illustre d’ailleurs les incertitudes qui entourent encore le développement de cette nouvelle filière.

    Il est à noter que la Wallonie n’a pas attendu l’Europe pour commencer ses travaux puisque le décret relatif au transport de CO2 par canalisations entrera en vigueur dans les prochaines semaines. Le gestionnaire du réseau de transport sera désigné dans l’année, selon la procédure prévue dans ce décret, la Commission européenne vient seulement d’adopter, le 6 février dernier, sa stratégie en matière de gestion industrielle du carbone.

    Ce n’est pas tout, le Gouvernement a pris d’autres initiatives pour faciliter l’émergence de cette nouvelle filière.

    Nous avons signé plusieurs accords de partenariats (Memorandum of Understanding) avec des pays qui ont un potentiel de stockage important : les Pays-Bas en mars 2023, le Danemark début 2024 et avec la Norvège très prochainement. Ces accords nous permettent de nous positionner stratégiquement sur la carte des investissements du futur opérateur de transport et de renforcer notre attractivité pour les pays voisins.

    Cette question de l’interconnexion est doublement fondamentale. D’une part, elle est indispensable pour permettre à nos entreprises de trouver un « débouché » pour leur CO2 capté. D’autre part, la question du volume de CO2 transporté s’annonce cruciale pour permettre de réaliser ce transport à un coût compétitif pour nos entreprises. Il faut donc permettre à la Wallonie de faire partie intégrante d’un backbone européen.

    Au niveau industriel, l’appel à projets 0Carbon4Wal de la fiche 46 du PRW a permis, comme l’honorable membre s’en rappellera sans doute, de soutenir 3 initiatives industrielles de développement expérimental en matière de capture de CO2. Le montant du subventionnement wallon s’élève à 4 198 520 euros ; si on y ajoute les fonds privés (5 095 880 euros), ce sont donc près de 9 294 400 euros qui seront investis dans la capture plus efficace du carbone issu des procédés industriels grâce à cet appel à projets.

    Le dialogue avec les parties prenantes wallonnes s’organise par ailleurs et le Gouvernement apporte également son soutien politique aux entreprises wallonnes qui sollicitent des financements européens dans le cadre des appels à projets du Fonds pour l’Innovation.

    Plus largement, la Wallonie co-organisera avec la Flandre, dans les prochaines semaines, deux workshops techniques sur ce sujet au niveau européen dans le cadre de la Présidence belge de l’Union européenne. Ces workshops seront l’occasion d’entendre les préoccupations et demandes du secteur et, ensuite, de les relayer vers la prochaine Commission européenne.

    Comme il peut le constater, nous prenons cette thématique à bras le corps afin de donner toutes ses chances à l’industrie wallonne de réussir sa transition dans la trajectoire édictée par le PACE pour atteindre ses objectifs à l’horizon 2030.

    Toutefois, comme il le souligne, la question de l’intégrité environnementale de cette technologie mérite d’être posée, en particulier en ce qui concerne la capture directe du CO2 dans l’air, dont les technologies sont actuellement trop peu matures. Dans le cadre de notre appel à projets (dont étaient exclues les technologies de capture directe de CO2 dans l’air), il était demandé aux porteurs de projets d’être attentif aux questions liées à la responsabilité (notamment en cas de fuite de CO₂) ainsi qu’au bilan climatique et énergétique total du processus.

    Il est important de rappeler que la capture du CO2 n’est pas une solution miracle. Cependant, cette technologie est vitale pour les entreprises qui font face à un défi spécifique : les émissions dites « de process », qui sont des émissions de CO2 inévitables, générées par la nature même de l’activité (principalement le secteur de la chaux et du ciment).

    Comme le rappelle la Communication de la Commission européenne, la capture du CO2 doit constituer la dernière option pour la décarbonation de nos entreprises ; la réduction des émissions par l’efficacité énergétique, le recours aux énergies renouvelables et la sobriété étant à privilégier.