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Le développement économique de la Wallonie et de la Flandre et la nécessité de renforcer la collaboration entre les deux Régions

  • Session : 2023-2024
  • Année : 2024
  • N° : 314 (2023-2024) 1

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  • Question écrite du 07/02/2024
    • de CRUCKE Jean-Luc
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    Dans L'Écho, un analyste du réseau d’entreprises flamand VOKA a récemment émis une critique sur le différentiel entre le développement économique de la Région wallonne et celui de la Région flamande.

    Selon cette analyse, les chiffres économiques récents démontrent une divergence persistante entre la Flandre et la Wallonie, avec une croissance économique stagnante en Wallonie comparée à la progression en Flandre. Malgré cette situation, il y aurait une minimisation de l'importance de cette disparité et de la sous-performance économique de la Wallonie.

    Au contraire, les propositions politiques récentes, telles que des impôts plus élevés sur les multinationales et les capitaux, risquent d'aggraver encore davantage la situation en décourageant l'investissement et l'innovation.

    Comment Monsieur le Ministre explique-t-il le retard économique persistant de la Wallonie par rapport à la Flandre, en particulier depuis 2010 ?

    Quelles mesures concrètes le Gouvernement wallon a-t-il prises pour stimuler la croissance économique en Wallonie et réduire l'écart avec la Flandre ?

    Que pense-t-il des critiques selon lesquelles la disparition des industries du charbon et de l'acier ne suffit pas à expliquer la sous-performance économique de la Wallonie, et que d'autres Régions ont mieux réussi leur transition ?

    Quelles actions spécifiques compte-t-il entreprendre pour renforcer la coopération économique et industrielle entre la Wallonie et la Flandre afin de réduire l'écart économique entre les deux Régions ?

    Quelles sont les perspectives pour la prochaine législature, tenant compte de la collaboration entre son ministère et celui de Jan Jambon pour assurer une meilleure mobilité entre travailleurs wallons et flamands ?
  • Réponse du 27/02/2024
    • de BORSUS Willy
    Le taux de croissance du PIB de la Flandre est en effet le plus souvent supérieur à celui observé en Wallonie. Il y a quelques exceptions toutefois : 2008, 2010, 2014, 2018, 2019 et même 2022 d’après les données provisoires. Ces taux de croissance correspondent à un taux de croissance annuel moyen du PIB de 4 % pour la Flandre et de 3,5 % pour la Wallonie pour la période 2010-2022. Certes, la Wallonie est en retard, mais elle le réduit partiellement.

    En termes de part de valeur ajoutée industrielle, la part de la valeur ajoutée de l’industrie dans le PIB wallon passe de 17,6 % à 14,7 % entre 2003 et 2021. Il y a donc une baisse de cette part en termes absolus, mais la position de la Wallonie s’améliore par rapport aux autres régions européennes. En effet, bien que la part de l’industrie wallonne dans son économie ait été inférieure à la médiane européenne de 2011 à 2018, elle se situe désormais au-dessus de la médiane en 2019 et 2020.

    À l’inverse, pour la Flandre, même si elle domine structurellement les autres Régions belges avec 17,1 % de la valeur ajoutée régionale issue de l’industrie en 2021, la part industrielle de la Flandre a tendance à se rapprocher de la médiane calculée sur l’ensemble des régions NUTS au fil des années. Rapporter la valeur ajoutée industrielle au nombre de travailleurs industriels permet de constater que les Régions belges ont une productivité qui dépasse structurellement le troisième quartile européen. De ce point de vue, la Wallonie a été dernièrement plus performante que la Flandre (2008, 2010, 2019 et 2020).

    En termes de productivité, il est un fait remarquable que les Régions belges occupent les premiers rangs européens avec la Wallonie au 7e rang et la Flandre au 9e rang en 2019 sur 92 régions (dernière année avant le Covid). De ce point de vue, la Wallonie surclasse donc la Flandre.

    Cependant, la Wallonie est l’archétype d’une « petite » économie très ouverte sur le monde et en particulier sur les autres régions de Belgique. En effet, il est intéressant de distinguer le solde commercial interrégional et le solde commercial international pour la Wallonie qui a :
    - un déficit de 1 milliard d’euros au niveau international ;
    - un déficit de 16 milliards d’euros avec les deux autres Régions belges

    Cela signifie que la production wallonne ne suffit pas encore à répondre à la demande de ses résidents.

    La répartition des importations wallonnes de services marchands se fait de manière quasi équivalente entre la Flandre et Bruxelles : par rapport à Bruxelles, la demande wallonne est très concentrée dans les services de crédit et d’assurance, tandis que par rapport à la Flandre, elle est plus diversifiée. Les secteurs wallons consomment une part substantielle de produits énergétiques issus des autres Régions. Même si ce constat peut surprendre de prime abord, il est en grande partie lié au fait qu’une grande compagnie de raffinage est implantée en Région bruxelloise. On constate que les exportations de biens industriels wallons à destination des secteurs économiques des autres Régions sont supérieures (+/-4,2 milliards) aux consommations de biens industriels des secteurs wallons importés des autres Régions (+/-3,5 milliards). L’essentiel de ces flux interrégionaux concerne des échanges entre la Wallonie et la Flandre, confirmant le caractère davantage tertiaire de l’économie bruxelloise. Les exportations wallonnes à destination de la Flandre contiennent une part relativement plus importante de biens produits par le sous-secteur industriel spécialisé dans les biens intermédiaires (dont la pharmacie et la métallurgie), tandis que la part des biens d’équipement est sensiblement supérieure dans les importations wallonnes (en grande majorité en provenance de Flandre), ce qui reflète bien les spécialisations sectorielles régionales. Signalons également que le poids des produits issus du secteur primaire dans les exportations interrégionales wallonnes est relativement élevé (1,1 milliard d’euros) en comparaison du poids de la consommation intermédiaire wallonne des produits du secteur primaire importés des autres Régions (600 millions d’euros).

    En termes de mobilités des travailleurs, la mobilité des Wallons a constitué une réponse aux chocs économiques que la Région a subis, ce qui n’est pas sans conséquence sur l’analyse de l’économie wallonne sous l’angle des revenus, plutôt que du PIB. En effet, « les revenus engrangés par les travailleurs wallons en dehors des frontières régionales dépassent 11 milliards d’euros par an. Le revenu régional brut de la Wallonie, en intégrant la rémunération de ces facteurs de production, dépasse le PIB de 12 %. Cette ampleur est inhabituelle, plaçant la Wallonie parmi les régions d’Europe proportionnellement les plus exportatrices nettes de main-d’œuvre et donc les plus dépendantes d’une activité externe. En termes de revenu régional brut, la position de la Wallonie atteint la moyenne européenne (alors que le PIB par habitant de la Wallonie est proche de la médiane européenne, mais sous la moyenne européenne).

    En termes de mobilité des entreprises d’ailleurs, rappelons que la Wallonie bénéficie aussi d’une relative attractivité pour les entreprises flamandes, car on décompte sur les 10 dernières années davantage d’entreprises flamandes se déplaçant en Wallonie que d’entreprises wallonnes se déplaçant en Flandre.

    En conclusion, le rattrapage de la Wallonie ne se fera pas sans une réindustrialisation importante de son tissu économique, une politique business friendly et une remise à l’emploi de ses forces vives.

    Je suis intiment persuadé que la Région dispose de tous les atouts et de toutes les ressources nécessaires pour atteindre des objectifs ambitieux en termes de réindustrialisation. Par exemple, il faut renforcer les compétences nécessaires à l’industrie de demain. On parle ici de la formation initiale et continue et de l’orientation des travailleurs et futurs travailleurs. Nous devons développer des formations orientées vers les métiers de l’industrie, le développement de l’enseignement en alternance et plus d’apprentissages en milieu de travail ou en lien avec le monde du travail, comme le suggère d’ailleurs l’UWE. Il faut aussi, et c’est une priorité, qu’on renforce le cadre et les mesures d’activation des demandeurs d’emploi vers les métiers en demande et les métiers porteurs.

    La Wallonie doit aussi faire sa conversion vers une politique de région « business friendly ». Les charges qui reposent sur les entreprises doivent baisser. Les charges fiscales d’abord, même s’il s’agit d’une compétence fédérale, qui doivent être revues. La fiscalité des entreprises doit être repensée. Mais aussi les charges administratives. J’ai d’ailleurs accéléré cette politique en proposant le décret passeport entreprises adopté par le Parlement ou en travaillant actuellement au système Fast Track.

    Enfin, les relations avec les autres régions, et la Flandre notamment, doivent s’intensifier.