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La hausse des prix des terrains forestiers

  • Session : 2023-2024
  • Année : 2024
  • N° : 327 (2023-2024) 1

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  • Question écrite du 19/02/2024
    • de CRUCKE Jean-Luc
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    Selon la Fédération nationale des experts forestiers, une hausse significative des prix des fonds de bois en Wallonie est observée, ce qui soulève des préoccupations sur les plans économique, environnemental et sociétal.

    Cette tendance, observée depuis plusieurs années, pose des questions sur son impact sur la gestion forestière et le secteur du bois d'œuvre. La déconnexion entre la valeur technique des forêts et leur valorisation sur le marché soulève des inquiétudes quant à la viabilité économique et à la gestion durable des ressources forestières.

    Quelles sont les causes sous-jacentes de l'augmentation des prix des terrains forestiers en Wallonie et dans quelle mesure la rareté de l'offre et l'augmentation de la demande ont-elles contribué à cette dynamique ?

    Comment Monsieur le Ministre évalue-t-il l'impact économique de cette hausse des prix sur la gestion forestière et le secteur du bois d'œuvre en Wallonie ? Quelles mesures sont envisagées pour atténuer les risques pour les acteurs de ces secteurs ?

    Envisage-t-il d'instaurer des politiques de régulation pour stabiliser les prix des terrains forestiers ?

    Comment de telles politiques pourraient-elles contribuer à maintenir une évaluation cohérente et équitable ?

    Quelles sont ses prévisions concernant les conséquences sur la filière du bois d'œuvre en Wallonie et quelles stratégies spécifiques sont envisagées pour soutenir les acteurs de cette filière dans le contexte de cette évolution des prix des terrains forestiers ?
  • Réponse du 13/03/2024
    • de BORSUS Willy
    Au niveau de l'offre, il est de notoriété publique que l'offre de terrains forestiers est globalement inférieure par rapport à la demande. La forêt wallonne reste limitée à l’aune du marché. Les forêts publiques sont hors de ce marché et la plupart des forêts privées restent un patrimoine familial auquel les propriétaires tiennent. Ce n'est donc globalement que lors de successions ou suite à d'autres aléas que certaines propriétés sont vendues.

    Au niveau de la demande, on observe :
    • plus de demandes de placement lorsque l'épargnant n'a pas confiance dans les marchés financiers et que l'épargne ne rapporte pas (phénomène accentué après la crise financière de 2008-2009) ;
    • une demande liée au fait qu'il s'agit d'un patrimoine fiscalement intéressant : pas de droits de donation, ni de succession sur la valeur des bois (et même sur le terrain si celui-ci est situé en Natura 2000), pas de précompte immobilier si le terrain est situé en Natura 2000 ;
    • une pression foncière liée à :
    - la chasse : des propriétaires chasseurs veulent agrandir leur territoire pour en avoir la maîtrise complète ;
    - au déconfinement et au besoin de certains citadins d'acquérir un coin de nature pour se ressourcer : ce nouveau profil de propriétaires souvent peu informés du marché foncier forestier peut attribuer des valeurs de convenance élevées ;
    - l'acquisition de parcelles par des associations environnementales subventionnées ;
    • aux autres spéculations foncières liées aux usages qui peuvent dans certains cas être faits de la zone forestière : une spéculation foncière peut être liée à des revenus potentiels autres que les revenus forestiers traditionnels. Il faut citer ici les projets éoliens, l'habitat léger, les sapins de Noël, voire certains défrichements (moyennant permis d'urbanisme) pour une utilisation agricole.

    Par ailleurs, pour les terrains boisés, la valeur du fonds de bois n'est qu'une composante du prix d'achat de la propriété. La valeur des arbres présents sur la parcelle peut varier entre candidats acheteurs selon la finalité du placement. Dans certains cas, une valeur élevée du foncier peut être liée à une valeur de convenance attribuée à l'ensemble du bien, fonds et bois compris.

    En matière de gestion forestière, l'augmentation de ces prix du foncier pourrait, dans un premier temps, conscientiser les propriétaires forestiers à la valeur de leur patrimoine et donc à l'importance de le gérer en bon père de famille. Cependant, cette augmentation de la valeur peut rendre plus compliquée la transmission de la propriété lors des successions ou donations : les héritiers repreneurs n'ayant pas la possibilité de racheter les parts aux autres indivisaires.

    Le problème potentiel concerne davantage les « nouveaux » propriétaires peu familiarisés à la gestion forestière, mais aussi les propriétés qui seraient prioritairement gérées pour des spéculations autres que forestières : la chasse ou d'autres spéculations foncières, mais aussi des propriétés acquises dans un but exclusivement environnemental. Le risque est alors grand que la multifonctionnalité et la durabilité de la gestion forestière ne soient plus au cœur des préoccupations des propriétaires et ne soient donc plus assurées. Il en est forcément de même alors pour les ressources forestières : coupes effectuées sans prise en compte de critères technico-économiques (coupes prématurées ou surcapitalisation), absence de renouvellement des ressources, et cetera.

    Instaurer une régulation pour stabiliser le prix de terrains forestiers paraît compliqué à mettre en œuvre. Par contre, il est possible d'agir sur les droits et devoirs des propriétaires afin de s'assurer que la forêt reste bien de la forêt et que les principes d'une gestion durable y sont appliqués.

    En particulier, il est indispensable de vérifier que les possibilités entrouvertes par le CoDT en matière d'occupation de la zone forestière (éolien, habitat léger, sapin de Noël) ne conduisent pas à une spéculation foncière qui nuirait à la gestion forestière durable et donc à une production forestière soutenable. Cette analyse est également à mener en ce qui concerne les propriétés acquises dans un but cynégétique afin qu'elles continuent à remplir des rôles en matière de production de bois et d'autres services écosystémiques.

    La mise en œuvre de plans simples de gestion durable ou la création d’un observatoire du marché des forêts à l'instar de ce qui se fait en France peuvent constituer des pistes intéressantes à suivre.