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La Déclaration de Liège sur l’adaptation au changement climatique

  • Session : 2023-2024
  • Année : 2024
  • N° : 415 (2023-2024) 1

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  • Question écrite du 19/02/2024
    • de CRUCKE Jean-Luc
    • à HENRY Philippe, Ministre du Climat, de l'Energie, de la Mobilité et des Infrastructures
    Le « Sommet Climate Chance Europe 2024 » s'est tenu à Liège, en Belgique, dans le cadre de la présidence belge du Conseil de l'Union européenne (UE), et a réuni des organisations non étatiques pour adopter une déclaration commune sur l'adaptation au changement climatique appelée la « Déclaration de Liège ».

    Cette déclaration, signée par 70 organisations, insiste sur l'importance de réduire les émissions de gaz à effet de serre et appelle à une approche holistique basée sur les conclusions scientifiques.

    Elle demande également à l'UE de mettre à jour sa stratégie d'adaptation et d'intégrer l'adaptation à tous les niveaux de gouvernance. Le texte souligne l'importance de l'adaptation locale et régionale et appelle à une négociation internationale sur le financement climatique.

    Quelles actions concrètes le Gouvernement prévoit-il de mettre en place pour intégrer les principes et les recommandations de la « Déclaration de Liège » dans les politiques régionales d'adaptation au changement climatique ?

    Comment la Wallonie entend-elle collaborer avec les organisations signataires de la déclaration (telles que Climate Alliance, CAN Europe, ICLEI EUROPE, CCRE/CEMR et CANOPEA) pour promouvoir et mettre en œuvre les initiatives locales en faveur de l'adaptation ?

    Comment la Wallonie compte-t-elle utiliser les conclusions scientifiques pour orienter ses politiques d'adaptation au changement climatique ?

    Dans quelle mesure le Gouvernement compte-t-il, dans un futur proche, inclure les populations précaires dans la conception et la mise en œuvre de ses politiques d'adaptation, conformément aux principes énoncés dans la déclaration ?

    Comment le Gouvernement entend-il assurer la mise en place d'un système d'assurance garantissant l'égalité entre les citoyens et les territoires, comme préconisé dans la déclaration ? Quelle est son analyse en la matière ?

    Quelles mesures spécifiques le Gouvernement wallon compte-t-il prendre pour répondre à l'appel de la déclaration en faveur d'une accélération de la mise en œuvre des politiques d'adaptation, en particulier dans les secteurs de l'agriculture, de l'industrie, de l'énergie et des transports ?

    Quelles sont les perspectives pour la prochaine législature ?

    Quelles sont les priorités de la Wallonie en termes de financement climatique et comment ces priorités sont-elles intégrées dans ses politiques d'adaptation ?

    Comment la Wallonie prévoit-elle de collaborer avec les autres Régions, notamment la Flandre, et l'UE pour mettre en œuvre la Déclaration de Liège et accélérer l'adaptation au changement climatique ?
  • Réponse du 02/04/2024
    • de HENRY Philippe
    La Wallonie avec l’association internationale Climate Chance a organisé, dans le cadre de la Présidence belge du Conseil de l’Union européenne, un Sommet Adaptation à Liège. L’événement a rassemblé plus de 1 000 participants provenant d’une vingtaine de pays. Conceptuellement, la « Déclaration de Liège sur l’adaptation » est destinée à inspirer les conclusions sur l’avenir des politiques environnementales européennes après 2024, que la formation « Environnement » du Conseil de l’UE doit adopter en juin prochain, soit à la fin de la présidence belge du Conseil. Elle se veut aussi une « pierre à l’édifice » des grands événements de l’agenda international du climat, notamment la COP29 de Bakou en novembre.

    Parmi les signataires de la déclaration, on trouve la Climate Alliance, le plus grand réseau de villes européennes dédié à l'action climatique qui compte plus de 2 000 municipalités et communes, ICLEI EUROPE est constitué par plus de 2 500 collectivités locales et régionales, CAN Europe représente plus de 1 700 ONG, à titre exemplatif plus près de nous l’union de Villes et Communes de Wallonie représente l'ensemble des communes de Wallonie, le CCCRE représente plus d’un million d'élus locaux européens, ou encore Canopea la fédération des associations environnementales en Wallonie.

    La Wallonie collabore avec les organisations signataires afin de mettre en place des initiatives locales d’adaptation. Cela a été le cas tout au long de cette législature : les solutions ont été élaborées par une démarche collaborative et de co-construction tant dans l’élaboration de la feuille de route climatique wallonne pour les décennies à venir, via le Plan Air Climat Énergie (PACE) 2030, comme dans la mise en place des politiques spécifiques ….

    Les acteurs non étatiques présents lors du Sommet Climate Chance qui s’est déroulé au Palais des Congrès à Liège ont souligné l’importance des solutions fondées sur la nature dans l’adaptation au changement climatique, en mettant l’accent sur la préservation, la restauration et la gestion durable des écosystèmes. Ils ont appelé à des investissements dans des infrastructures résilientes, à la promotion de pratiques agricoles et alimentaires durables et à la mise en place de systèmes d’alerte précoce.

    Les populations précaires sont déjà prises en considération dans de nombreuses politiques, soutiens et règlements mis en place pour ce Gouvernement. À titre d’exemple, le droit de tirage PGRI ou encore le droit de tirage « Végétalisation par quartier » incorporent des indicateurs ISDAF de l’IWEPS. La prise en compte de cet indicateur nous permet de soutenir davantage les communes dont les habitants sont confrontés à davantage de précarité, les rendant plus vulnérables aux risques climatiques. Les investissements devront être orientés vers la réduction de l’exposition à de multiples aléas et en parallèle de façon forte sur l’amoindrissement de la vulnérabilité, c’est-à-dire sur la protection et la construction de capacités adaptatives au sein des couches les plus fragiles de la population.

    La participation citoyenne est ancrée dans le nouveau décret neutralité carbone et dans le PACE 2030. Toute la chaine de valeur du Plan Air Climat Énergie bénéficiera de ce mécanisme holistique et socialement inclusif qui tient en compte les générations futures et nos vulnérabilités existantes et à venir. La littérature académique a démontré qu’une participation active des citoyens à de processus de co-constructions de solutions et une information pertinente et holistique de la problématique sont bénéfiques pour effacer une grande partie des peurs bloquantes que le dérèglement climatique et la crise de la biodiversité soulèvent. Le Décret neutralité carbone prévoit l’encadrement de processus de participation citoyenne, notamment dans le cadre de révision ou d’élaboration de futurs PACE en Wallonie. Les propositions émises par les citoyens via un processus participatif officiel seront rendues publiques après leur présentation au Gouvernement.

    Le système d’assurance actuel est factuellement fragile, de nouveaux modus operandi devront être mis en œuvre, ce qui requiert une modification profonde du système en place. Les réflexions et principes signalés dans les ateliers nous incitent à continuer le travail.

    Quelques éléments clés à tirer de l’atelier assurance qui a eu lieu dans le cadre de notre Sommet sont primo que chaque territoire européen requiert une approche spécifique, et deuxio que le système d’assurances aux risques est basé sur la probabilité et la sévérité et que de nouveaux taux de sévérités sont devenus certains. Il existe actuellement un défaut de couverture assurantiel et le travail doit se réaliser sur trois fronts : 1) abandon d’une économie basée sur le fossile ce qui permettra une réduction des émissions, 2) accélération des actions de compréhension et de mise en œuvre de stratégies d’adaptation et 3) augmenter la proportion de personnes et biens assurés. Au niveau européen il y a des territoires dans lesquels il y a un manque d’assurances, comme par exemple certaines zones côtières, des deltas et embouchures, des zones inondables ou des aires où les argiles se contractent et se dilatent. En parallèle, certains secteurs économiques et industriels ont une couverture déficiente. Il faut donc identifier ces déserts assurantiels et le faire de manière solidaire. Un quart seulement des sinistres dus aux catastrophes liées au climat dans l’UE est actuellement assuré ; le déficit d’assurance devrait se creuser à mesure que l’impact du changement climatique s’accentue. L’absence d’assurance contre les catastrophes climatiques peut affecter l’économie et la stabilité financière. Si les sinistres ne sont pas couverts par l’assurance, la rapidité avec laquelle les ménages et les entreprises peuvent reprendre leurs activités est réduite, ce qui ralentit la reprise économique. Le principe de solidarité collective interpersonnelle et interterritoriale est la clé de voute d’un système assurantiel collectivement résilient. Nous devons travailler lucidement avec le secteur pour évaluer correctement les évolutions les plus probables. En outre, une discussion doit être menée pour faire évoluer progressivement le cadre pour les assurances en cas de catastrophes naturelles.

    L’accélération de la mise en œuvre des politiques d’adaptation ne doit pas être ni exclusive ni sectorielle, l’ensemble des acteurs du territoire et du monde académique s’accordent sur la nécessité de casser les silos et d’être holistique. L’étude pluridisciplinaire Adaptation menée dans le cadre du Plan de relance de Wallonie s’inscrit dans cette démarche et la nouvelle stratégie wallonne d’adaptation devra aussi le faire. Il y a une vision comportant des modifications de modus operandi et d’organisation de la société. Les efforts réalisés dans cette législature au niveau wallon dans le cadre des conventions carbone vont aussi dans ce sens : on accompagne les entreprises et leurs investissements dans de processus bénéfiques pour la transition. Le Fonds pour la transition juste ou la Mission Adaptation de l’UE sont d’autres manières de financer publiquement et en partenariat des projets susceptibles de répondre à la sévérité du dérèglement climatique.

    Les perspectives pour la prochaine législature vont beaucoup dépendre de la qualité du compromis collectif du Gouvernement à venir, le temps est compté. L’adaptation ne sera pas la même à 2,8°C ou à 4°C. Il y a des politiques nécessaires qui ne doivent pas être freinées et d’autres particulièrement néfastes qui ne peuvent pas être la réponse à la crise actuelle. À titre d’exemple le Plan de Relance de la Wallonie est fondamentalement un plan vert, les effets des politiques mises actuellement en place se font ressentir déjà et vont s’incrémenter et se rendre tangibles très rapidement dans les années à venir. Il faut monitorer la mise en action des plans, suivre et ajuster, mais il ne faut pas freiner ou changer de cap. Depuis le début de la législature, j’ai veillé à ce que la Wallonie se donne des objectifs climatiques ambitieux et mette en place des actions concrètes pour les atteindre dans tous les domaines et dans une perspective à long terme. Le PACE, le décret neutralité carbone et ses arrêtés d’exécution en sont de bons exemples. Nous avons maintenant une base légale pour soutenir et pérenniser de nombreuses initiatives comme le soutien aux communes, la participation d’experts et de citoyens aux politiques climatiques, ainsi que l’organisation d’un état des lieux annuel du changement climatique.

    À la question sur le financement climatique international je réponds que la Wallonie est une région leader respectée par son action et son investissement sur le sujet. La Wallonie apporte un soutien non seulement financier, mais aussi technique et technologique, aux pays en développement face aux dérèglements climatiques. La contribution wallonne n’a jamais été aussi importante et rencontre les objectifs fixés à la Wallonie dans le cadre du « Burden Sharing ». Pour rappel, une enveloppe de 14 millions d’euros a été dégagée en 2023 avec notamment 5,3 millions de soutien financier pour le Fonds pour l’Adaptation.

    Comme signalé dans la Déclaration de Liège, la première mesure d’adaptation c’est la réduction de notre impact, même si l’impact mondial de la Wallonie est limité. Chacun doit faire sa part de l’effort, et ceci aussi à chaque niveau de compétence.

    L’atténuation doit se cristalliser numériquement dans l’atmosphère, elle se passe dans un fluide et est liée à une dimension internationale, voire mondiale. L’adaptation s’inscrit dans l’ensemble du Système Terre, mais elle se traduit spécifiquement et différentiellement dans chacun de nos territoires avec une multitude d’interactions et des cascades de risques. L’adaptation au dérèglement multiple que nous vivons nécessite de multiples alliances, nul n’y arrivera seul, le collectif est fondamental.

    À cet égard, je me réjouis de la mobilisation collective des acteurs wallons lors du Sommet de Liège, réunissant un très large panel de nos chercheuses et chercheurs, entreprises, syndicats, mouvements associatifs, pouvoirs locaux, administrations, représentants de la jeunesse, et cetera.

    Les synergies interpersonnelles et territoriales à activer sont nombreuses. Il faut collectivement répondre aux attentes de nos concitoyens, de nos entreprises, de nos coopératives, de nos organisations du monde de la culture, de notre jeunesse et ceci dans le cadre des limites planétaires. La Déclaration de Liège est un outil merveilleux et généreux que les acteurs non étatiques mettent à notre disposition pour nous amener vers un avenir choisi et souhaitable.