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Les préoccupations sur la capacité éolienne en Wallonie

  • Session : 2023-2024
  • Année : 2024
  • N° : 419 (2023-2024) 1

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  • Question écrite du 19/02/2024
    • de CRUCKE Jean-Luc
    • à HENRY Philippe, Ministre du Climat, de l'Energie, de la Mobilité et des Infrastructures
    La situation actuelle de la capacité éolienne en Wallonie soulève des préoccupations quant à la réalisation des objectifs ambitieux fixés par la Région en matière d'énergies renouvelables.

    Quelles mesures concrètes le Gouvernement compte-t-il mettre en place pour accélérer le processus d'octroi des permis éoliens et réduire les délais de traitement des recours au Conseil d'État, afin de lever l'insécurité juridique actuelle ?

    Comment le Gouvernement envisage-t-il de coordonner les compétences entre les Ministres de l'Environnement et de l'Aménagement du territoire pour assurer une approche plus harmonisée dans la délivrance des permis éoliens ?

    Face à la division des compétences entre ses membres, quelles initiatives le Gouvernement compte-t-il prendre pour garantir une politique d'octroi de permis d'éoliennes plus cohérente et alignée sur les objectifs régionaux en matière d'énergies renouvelables ?

    Monsieur le Ministre a-t-il traité la matière de manière constructive et efficace avec ses homologues ?

    Quelles consultations et discussions sont prévues avec les parties prenantes, y compris les acteurs du secteur éolien, pour élaborer des modifications réglementaires visant à améliorer la cohérence et l'efficacité du processus d'octroi des permis ?

    Le Gouvernement envisage-t-il d'introduire des incitations supplémentaires ou des ajustements dans le cadre de référence éolien pour stimuler davantage le développement de projets éoliens en Wallonie ?
  • Réponse du 02/04/2024
    • de HENRY Philippe
    La réponse repose sur trois axes :

    1. Directive sur l’énergie produite à partir de sources renouvelables :

    Le 3e pilier du plan REPowerEU, publié par la Commission européenne en mai 2022, propose de soutenir l’accélération des procédures d’octroi de permis pour les projets en matière d’énergie renouvelable et les infrastructures connexes. Ainsi, une modification de la Directive sur l’énergie produite à partir de sources renouvelables (Directive (EU) 2018/2001) a été proposée.

    Pendant que cette proposition de directive suivait sa trajectoire de négociation, l’Union européenne a adopté le Règlement 2022/2577 du Conseil du 22 décembre 2022, établissant un cadre en vue d'accélérer le déploiement des énergies renouvelables. Celui-ci impose des délais pour une série de permis relatifs à l'installation d'équipements d'énergie solaire et d'installations de stockage d'énergie colocalisées, de pompes à chaleur ou encore pour le rééquipement des centrales électriques utilisant des sources d'énergie renouvelables et à la mise à niveau des actifs nécessaires à leur raccordement au réseau. Le règlement dispose également que dans un cas bien précis, l’absence de réponse de l’autorité compétente dans le délai de procédure imposé débouche sur un permis réputé octroyé (tacite).

    Le règlement a anticipé certaines propositions de la révision de la Directive sur l’énergie produite à partir de sources renouvelables, et certaines dispositions du règlement (notamment relatives aux permis pour les pompes à chaleur) ont alimenté la révision de la Directive.

    De manière synthétique, le volet « permitting » de la révision de la directive, finalement adoptée le 18 octobre 2023 (Directive (EU) 2023/2413), comporte des dispositions relatives aux éléments suivants :
    1. L’instauration d’un principe d’intérêt public majeur des énergies renouvelables lors de la mise en balance des intérêts juridiques ;
    2. L’établissement par chaque état membre d’une cartographie des zones nécessaires à l’atteinte de l’objectif 2030 ;
    3. L’établissement de zones d’accélération, dans lesquelles le déploiement d’un ou de plusieurs types spécifiques de sources d’énergie renouvelable devrait avoir des incidences environnementales homogènes ;
    4. L’établissement d’une procédure d’octroi des permis dans les zones d’accélération et hors des zones d’accélération avec des délais réduits ;
    5. La possibilité d’un plan relatif aux zones de réseau et de stockage nécessaires à l’intégration de l’ER dans le système électrique ;
    6. Des dispositions spécifiques pour l’octroi des permis pour le rééquipement, les installations solaires et les pompes à chaleur ;

    Ces dispositions visent la procédure d'octroi de permis couvrant tous les permis administratifs pertinents pour la construction, la modernisation et l'exploitation d'installations de production d'énergie à partir de sources renouvelables (éventuellement combinées), les pompes à chaleur, le stockage d'énergie colocalisé, y compris les installations électriques et thermiques, ainsi que les actifs nécessaires à leur connexion au réseau, et pour l'intégration des énergies renouvelables dans les réseaux de chauffage et de refroidissement.

    En pratique, l’impact de ces dispositions sur la législation wallonne est transversal et nécessite l’adaptation des plusieurs textes au niveau décrétal : Décret du 11/03/1999 Permis d’environnement, le Livre Ier du Code de l’environnement, le Livre II du Code de l’environnement (Code de l’Eau), le CoDT et le CoPaT.

    Un marché public a été lancé par le SPW TLPE et attribué en novembre 2023 afin d’assurer la transposition et la mise en œuvre du volet « permis » de la Directive renouvelable révisée. Le Comité d’accompagnement, s’étant réuni à 3 reprises depuis lors, est constitué de représentants :
    - des Ministres de l’Énergie, de l’Aménagement du territoire, de l’Environnement et du Patrimoine ;
    - du SPW TLPE (Direction générale, Énergie et Bâtiment durable, Aménagement du territoire et de l’urbanisme) ;
    - du SPW ARNE (Permis et Autorisations, Nature et Forêt) ;
    - de la CWaPE ;
    - de l’AWAP.

    Le cabinet SPHERE avocats SRL est l’adjudicataire en charge de la mission qui a abouti à une proposition de décret. Le texte est actuellement examiné par le Conseil d’État, les Pôles du CESE, les GRD et de l’UVCW pour avis. La soumission du texte au Parlement est prévue pour avril afin de respecter le délai de transposition du volet « permis », fixé au 01/07/2024.

    2. Cadre de référence de l’éolien – 2024 :

    La circulaire du gouvernement relative au nouveau Cadre de référence éolien a été adoptée par le gouvernement le 25/01/2024. Une task force, pilotée par le cabinet du Ministre de l’Énergie, s’est appuyée sur les compétences et l’expertise des parties prenantes concernées : EDORA, REESCOOP, la Conférence permanente du développement territorial, CANOPEA, l’Union des Villes et Communes de Wallonie, les Pôles Aménagement et Environnement, l’Union Wallonne des Entreprises et Wallonie Développement.

    Les points importants de la mise à jour sont les suivants :

    2.1. Principe d’intérêt public majeur :

    Jusqu’à ce que la neutralité climatique soit atteinte, le développement des énergies renouvelables constitue un intérêt public majeur au sens de l’article 16 septies de la Directive (UE) 2023/2413. L’indépendance énergétique est un objectif d’intérêt général.

    La construction et l’exploitation des projets éoliens sont présumées relever de l’intérêt public majeur et de l’intérêt de la santé et de la sécurité publiques aux fins des Directives européennes dites « Habitats », « Eau » et « Oiseaux », sauf lorsqu’il est prouvé que ces projets ont des incidences négatives majeures sur l’environnement, qui ne peuvent être atténuées ou compensées.

    Chaque décision de l’autorité compétente pour l’octroi des permis fait la balance des intérêts entre les indications du Cadre de référence et la contribution du projet à la mise en œuvre des objectifs de production éolienne, d'intérêt public majeur dans le cadre d’une approche intégrant les différentes dimensions du développement durable.

    2.2. Participation des communes et des citoyens :

    Favoriser l’acceptabilité sociale des projets et susciter l’adhésion aux projets sont des prérequis importants. Dans l’attente d’un cadre légal rendant obligatoire la participation des communes et des citoyens, les développeurs éoliens sont encouragés à permettre la participation citoyenne et communale. Ainsi, la demande de permis unique portant sur une ou plusieurs éoliennes contient :
    - un rapport relatif à l’appel à manifestations d’intérêts à participer au projet éolien émis à destination des citoyens et des pouvoirs locaux ;
    - les offres de participation émises à concurrence de 24,99 % pouvoirs locaux + 24,99 % citoyens

    Une meilleure acceptabilité sociale des projets éoliens diminuera sensiblement le nombre de recours déposés à leur encontre. Les offres de participation à destination des citoyens tendent vers le respect d’un double principe de proximité et de contrôle.

    2.3. Principes d’implantation :

    Le cadre de référence met l’accent sur la protection du cadre de vie, le principe de parcimonie visant à optimiser l’utilisation de la ressource vent, le respect des principes paysagers, de la disponibilité des données liées à la biodiversité. La définition de parc éolien a été abaissée à 4 mâts, éventuellement moins. En cas de projets s’excluant mutuellement sur un même site, un ordre de priorité est établi. Une ouverture est proposée aux projets éoliens en zone forestière ou zone d’activité économique sous conditions.

    2.4. Consultation :

    Afin de mener une politique d’octroi des permis plus holistique, des instances supplémentaires sont sollicitées pour avis le cas échéant : gestionnaires de réseau de transport et/ou de distribution, intercommunales de développement économique.

    3. Proposition de décret Permis d’Environnement :

    Actuellement, des discussions sont en cours concernant la proposition de Décret permis d’environnement. Les principales dispositions relatives à l’éolien prévoient :
    - la mise en œuvre de l’intérêt public majeur des énergies renouvelables (Directive (EU) 2023/2413) lors de la mise en balance des intérêts juridiques. Les propositions de décisions des Fonctionnaires techniques et Délégué incluraient une motivation spécifique sur la mise en balance des intérêts, cette disposition permettant de diminuer les recours au Conseil d’État.
    - une procédure de suspension des permis pour les projets éoliens s’excluant mutuellement, c’est-à-dire ne permettant pas de maximiser le productible du site, et considérés comme incompatibles ; et procédure de levée de la suspension.
    - l’organisation d’une réunion de concertation préalable obligatoire avec les fonctionnaires technique et délégués, les instances d’avis et consultatives, pour un avis commun afin d’harmoniser les points de vue et limiter les moyens d’annulation.
    - l’obligation de l’ouverture à la participation des citoyens et des communes aux projets éoliens, garantie par les rapports relatifs à l’appel à manifestations d’intérêt des citoyens et des communes, et les offres de participation émises à destination des deux groupes (24,99 % chacun), qui seront intégrés au dossier de demande de permis.