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L'application des critères budgétaires du traité de Maastricht du 7 février 1992 et l'impact sur les investissements dans la transition énergétique en Wallonie

  • Session : 2023-2024
  • Année : 2024
  • N° : 438 (2023-2024) 1

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  • Question écrite du 19/02/2024
    • de CRUCKE Jean-Luc
    • à HENRY Philippe, Ministre du Climat, de l'Energie, de la Mobilité et des Infrastructures
    La réforme des règles budgétaires de l'Union européenne et l'accord de Gand soulèvent à eux deux de fortes préoccupations de la part de divers experts quant à son impact sur la capacité des États membres à investir dans la transition écologique et la mobilité durable.

    Les nouvelles règles budgétaires, bien qu'elles offrent des objectifs plus nuancés pour les ajustements budgétaires, maintiennent des calendriers de réduction de la dette qui pourraient entraver les investissements nécessaires dans ces domaines cruciaux. Les critiques soulignent que ces règles ne permettent pas suffisamment de lutter contre le changement climatique ni d'investir de manière adéquate dans la mobilité durable, ce qui pourrait compromettre les objectifs de transition énergétique et de développement durable de la Wallonie.

    Quel impact la réforme des règles budgétaires de l'Union européenne (UE) est-elle susceptible d'avoir sur les investissements prévus par la Région wallonne dans les projets de transition énergétique et de mobilité durable ?

    Quelles ont été les discussions à ce sujet au sein du Gouvernement par rapport aux politiques menées par les services de Monsieur le Ministre ?

    Comment la Région prévoit-elle de concilier les contraintes budgétaires imposées par les nouvelles règles de l'UE avec ses objectifs de développement de sources d'énergie renouvelable et de promotion de la mobilité durable ?

    Quelles sont les principales préoccupations de la Région concernant les calendriers de réduction de la dette proposés dans la réforme des règles budgétaires de l'UE ?

    Quelles mesures spécifiques sont envisagées pour garantir que ces contraintes n'entravent pas la mise en œuvre de ses politiques énergétiques et de mobilité durable ?

    Quelles sont les considérations au sein de son administration en la matière ?

    Comment la Région prévoit-elle de maintenir son engagement en faveur de la transition énergétique et de la mobilité durable malgré les contraintes financières découlant des nouvelles règles budgétaires de l'UE ?
  • Réponse du 02/04/2024
    • de HENRY Philippe
    Tout d’abord, il est encore tôt pour avoir une analyse détaillée de l’impact de cette décision au niveau wallon de manière générale ou pour ce qui concerne la transition énergétique, bien entendu, cette décision sera mûrement analysée par le gouvernement (et à cet égard, je me permets de renvoyer l’honorable membre vers le Ministre-Président et le Ministre du Budget).

    On se souvient que la gouvernance économique est, depuis 1992, une pierre angulaire de l'architecture de l'Union économique et monétaire, qui vise à prévenir et à corriger les déséquilibres macroéconomiques susceptibles d'affaiblir les économies nationales et d'affecter d'autres pays de l'UE par des retombées transfrontières.

    De plus, on ne peut que constater que l’économie de l'UE est confrontée à de nouveaux défis liés à la reprise après la pandémie de Covid-19 et aux conséquences de la guerre d'agression menée par la Russie contre l'Ukraine. Dans un contexte caractérisé par des niveaux d'endettement et des taux d'intérêt plus élevés, ainsi que par de nouveaux objectifs communs en matière d'investissements et de réformes, l'UE a décidé de réviser le pacte de stabilité et de croissance et de réexaminer comment son efficacité pourrait encore être améliorée.

    C’est dans ce contexte que le 26 avril 2023, la Commission a présenté un ensemble de trois propositions législatives : deux règlements visant à remplacer (volet préventif) ou à modifier (volet correctif) les deux piliers du pacte de stabilité et de croissance, adopté à l'origine en 1997, ainsi qu'une directive modifiée sur les exigences applicables aux cadres budgétaires des États membres.

    Le 21 décembre 2023, le Conseil a adopté formellement un mandat de négociation avec le Parlement européen en ce qui concerne le règlement relatif au volet préventif et un accord de principe en vue de consulter le Parlement européen sur le règlement relatif au volet correctif et la directive sur les exigences applicables aux cadres budgétaires nationaux.

    Les négociateurs du Conseil (représentés notamment par le Ministre belge des Finances, Vincent Van Peteghem) et du Parlement européen sont parvenus à un accord politique provisoire sur la proposition de réforme du cadre de gouvernance économique de l'UE. Le principal objectif de cette réforme est de garantir que les finances publiques soient saines et viables, tout en promouvant une croissance durable et inclusive dans tous les États membres grâce à des réformes et à des investissements.

    L'accord politique provisoire relatif au volet préventif du cadre de gouvernance économique doit encore être soumis à l'approbation du Conseil au sein du Comité des représentants permanents et de la commission des affaires économiques du Parlement, avant de faire l'objet d'un vote formel au Conseil et au Parlement. Une fois adopté, le texte sera publié au Journal officiel de l'UE et entrera en vigueur le lendemain.

    Les nouvelles règles ne sont donc pas encore officiellement adoptées et ne sont pas encore analysées par mon administration, dont je rappelle qu’elle n’est pas en charge du suivi de ces discussions au niveau européen, je me permets à cet égard de le renvoyer vers le Ministre-Président.

    Il existe une étude selon laquelle les nouvelles règles de l’UE en matière de dettes et de déficits nationaux entraveront la capacité des États membres à réaliser les investissements publics nécessaires pour lutter efficacement contre le changement climatique. De plus, ces nouvelles règles ont également été fermement condamnées par les syndicats, car elles prévoient des « trajectoires de dépenses » individuelles pour chaque État membre, afin de réduire la dette et les déficits dans les limites fixées par les traités de l’Union. Selon l’étude de l’Institut Rousseau, un groupe de réflexion français, commandée par les Verts/ALE, il est presque certain que les États membres devront s’endetter beaucoup plus que ce qui sera permis par les nouvelles règles pour financer la transition écologique au cours des 25 prochaines années.

    L’un des principaux auteurs de l’étude a souligné qu’un financement public important était nécessaire parce que de nombreux investissements requis « ne sont pas assez rentables » pour que le secteur privé assure leur financement à lui seul, en particulier dans les secteurs de la rénovation des bâtiments et de l’industrie lourde. L’étude estime que près de trois quarts des investissements nécessaires pour atteindre la neutralité climatique doivent provenir des gouvernements nationaux. Toutefois, pour de nombreux économistes traditionnels, ce sont les investissements privés qui devront être beaucoup plus importants que les investissements publics pour atteindre les objectifs climatiques de l’UE.

    Comme exprimé plus haut, une analyse détaillée n’est pas encore disponible. Une première piste de solution se trouverait néanmoins dans l’amélioration du recours aux financements européens de toutes natures par les opérateurs et porteurs de projets wallons. Ce point figure d’ailleurs dans le Plan Air Climat Énergie adopté en mars 2023, qui propose notamment « afin de faciliter l’accès à l’information et aux financements par des sources tierces, notamment européennes ; afin d’augmenter le potentiel de développement de l’offre en Wallonie », la mesure 258 : Mettre en place un réseau administratif à destination des porteurs de projet, qui met à disposition l’information relative aux programmes européens de financement. Cette mesure pourra s’appuyer sur le Walmeet.eu qui est le dispositif de la Région wallonne qui facilite et accompagne le positionnement des acteurs wallons dans les initiatives et financements européens, à cet effet, Walmeet.eu organise une veille et des rencontres avec des institutions européennes.

    Ce soutien sera bien nécessaire, car si la Commission a intégré l’action climatique dans tous les grands programmes de dépenses de l’UE, le soutien aux projets énergie est dispersé dans plusieurs programmes.

    Les principaux programmes destinés à financer les mesures de transition énergétique à différents stades de développement des projets et en fonction des niveaux de distribution d’énergie sont :

    1. Le Mécanisme pour l’interconnexion en Europe (MIE) Connecting Europe Facility (CEF) (pilotage transport) :

    Le CEF vise à soutenir les projets d’infrastructure visant à interconnecter l’Union et ses régions. Il vise aussi à une meilleure intégration des secteurs du transport, de l'énergie et du numérique afin d'accélérer la décarbonation et la digitalisation de l'économie européenne.

    Nouveauté : il permet le soutien aux projets prévus par les mécanismes de coopération de la Directive 2009/28 relative à la promotion des énergies renouvelables, notamment pour les études préalables nécessaires à la mise en œuvre de ces projets complexes.

    Budget de 42,3 milliards d’euros pour sept ans (2021-2027) ;

    Budget énergie total : 8,7 milliards d’euros :
    - volet interconnexion (CIP) : 7,785 milliards d’euros (90 %) ;
    - volets renouvelables transfrontaliers : 870 millions d’euros (10 %).

    2. Horizon Europe :

    Dans la prolongation d’Horizon 2020, le programme de recherche et d’innovation et un moteur de la croissance économique et de l’emploi. Il a pour fonction de soutenir les politiques de l’UE comme la transition vers une économie à faible intensité de carbone, la protection de l’environnement et l’action climatique.

    Il inclut un cluster “Climat, énergie, mobilité » qui porte sur 9 thématiques :
    - Climate Science and Solutions ;
    - Energy Supply ;
    - Energy Systems and Grids ;
    - Building and Industrial Facilities in Energy transition ;
    - Communities and Cities ;
    - Industrial Competitiveness in Transport ;
    - Clean Transport and Mobility ;
    - Smart Mobility ;
    - Energy Storage.
    Budget : 97,6 milliards d’euros ;
    Budget Cluster CEM : 15 milliards d’euros.

    3. LIFE :

    Programme pour l’environnement et l’action pour le climat, il porte sur l’élaboration et la mise en œuvre de solutions innovantes pour répondre aux défis en matière d’environnement et de climat, telle que la transition vers une énergie propre.

    Nouveautés : Il prévoit un volet spécifique action pour le climat lui-même composé de deux axes : Atténuation et Adaptation d’une part et Transition vers une énergie propre.

    Ce volet correspond au transfert du volet relatif au renforcement des capacités pour la transition de l’énergie actuellement financé au titre du programme Horizon 2020, dans le programme Life, il ne s’agit donc pas d’une augmentation du programme environnement.

    Budget total : 5,4 milliards d’euros ;

    Budget énergie : 1 milliard d’euros.

    4. InvestEU :

    Le nouvel instrument d’investissement de l’Union (il succède à l’EFSI).

    Il fournira une garantie de l’UE qui devra permettre de mobiliser les fonds publics et privés sous la forme de prêts, de garanties, de participations ou d’autres instruments fondés sur le marché en vue d’investissements stratégiques à l’appui des politiques internes de l’UE.

    Budget de l’UE : 15,2 milliards d’euros.

    Objectif : mobiliser plus de 650 milliards d’euros d’investissements supplémentaires.

    5. Politique de cohésion :

    La politique de cohésion soutient le développement durable au moyen d’investissements en faveur de l’adaptation au changement climatique et de la prévention des risques, ainsi qu’en faveur de l’infrastructure et de mesures de protection de l’environnement. Le développement durable est un principe consacré par les règlements instituant ces fonds et doit être encouragé à toutes les étapes de la préparation et de la mise en œuvre.

    Pendant la prochaine période, le FEDER et le Fonds de Cohésion aideront les EM à combler leurs écarts sur le plan économique, social et territorial grâce à des interventions axées sur cinq objectifs :
    1) une Europe plus intelligente ;
    2) une Europe plus verte et sans émissions de carbone ainsi qu’une transition énergétique propre et équitable ;
    3) une Europe plus connectée ;
    4) une Europe plus sociale ;
    5) une Europe plus proche des citoyens.

    Des synergies seront assurées notamment avec le programme LIFE pour l’action en faveur de l’environnement et du Climat notamment grâce à des projets stratégiques intégrés LIFE.

    Par ailleurs, il faut noter que si le CEF finance les interconnexions et la smartisation des réseaux de transport d’énergie, les actions à mener au niveau du réseau de distribution doivent être financées par le FEDER et le Fonds de Cohésion.

    Budget : dotée d’un budget global de 273 milliards d’euros ;

    FEDER : 200.629 millions d’euros ;

    Dont coopération territoriale européenne (INTERREG) : 8.430 millions d’euros ;

    Fonds de Cohésion : 46.622 millions d’euros.

    En conclusion, pour identifier les pistes de financement pour l’ensemble des projets en énergie, il est nécessaire de rassembler toutes les pièces de ce puzzle… le soutien aux opérateurs est donc essentiel et il sera impératif de veiller au maintien de ces budgets pour le prochain cadre financier pluriannuel, les négociations démarreront en juin 2025.