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Le "blues des élus" communaux et la grève des membres du Collège communal d’Enghien

  • Session : 2023-2024
  • Année : 2024
  • N° : 136 (2023-2024) 1

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  • Question écrite du 22/02/2024
    • de CRUCKE Jean-Luc
    • à COLLIGNON Christophe, Ministre du Logement, des Pouvoirs locaux et de la Ville
    Le Collège communal d'Enghien a décidé de ne pas ouvrir la séance du conseil communal et de se mettre en « grève de la démocratie », en réaction aux propos haineux et aux agressions verbales dont les élus et les employés communaux sont victimes. Ils ont également noté l'absence de protection juridique adéquate contre les attaques régulières sur les réseaux sociaux et les agressions verbales, ainsi que la mise à mal persistante de leur mandat démocratique.

    Quelles mesures peuvent être prises pour renforcer la protection juridique des élus et des employés communaux contre les attaques et agressions verbales ?

    Quelles ont été les pistes de réflexion en la matière à la suite du récent rapport de l'Union des villes et communes de Wallonie sur le « blues des élus » ?

    Y a-t-il des avancées en la matière que Monsieur le Ministre peut nous présenter ou expliquer ?

    Comment l'administration peut-elle soutenir les communes dans la gestion des comportements nuisibles sur les réseaux sociaux et les agressions physiques sur le terrain ?

    Devrions-nous réfléchir de manière approfondie à un programme ou une politique publique pour sensibiliser et à prévenir les comportements hostiles à l'égard des élus et des employés des services publics ?

    Quels sont les recours disponibles pour les communes confrontées à des situations similaires à celle d'Enghien, où le malaise et les menaces persistent malgré les actions précédentes ?

    Comment l'administration de Monsieur le Ministre aborde-t-elle le « blues des élus » et le malaise généralisé signalé dans le rapport de l'Union des Villes et Communes ?

    Tenant compte des éléments de contexte concernant la « grève démocratique » du Collège communal d'Enghien, quelles sont les autres communes qui ont dû faire face à un certain regain de violence verbale et/ou physique notamment envers les employés communaux ?

    Monsieur le Ministre peut-il faire un rapport sur l'état actuel de la situation globale ?
  • Réponse du 23/04/2024
    • de COLLIGNON Christophe
    L’échelon communal reste pour de nombreuses personnes le lieu de rencontre privilégié pour échanger sur leurs préoccupations. Sa proximité avec les habitants le rend d’autant plus pertinent pour prendre en charge les problèmes du terrain. De ce fait, les attentes pesant sur les élus locaux sont nombreuses. La responsabilité des élus est colossale et leur proximité avec les citoyens va de pair avec l’urgence, la pression de l’immédiateté et les atteintes portées à leur intégrité même physique. Je condamne fermement la violence, quiconque en soit la victime.

    Lorsque la conciliation n’est pas suffisante, les voies pénale et/ou civile doivent être utilisées. Aussi, en ce qui concerne la violence exprimée sur les réseaux sociaux, j’ai interpellé, au mois de février 2023, le ministre de la Justice afin que soit apportée une réponse pénale aux expressions délictueuses sur les réseaux à l’égard des élus et sollicité le Collège des procureurs généraux afin que, dans l’attente d’une réforme de l’article 150 de la Constitution, les Parquets poursuivent ces expressions et sollicitent le renvoi de leurs auteurs en Cour d’assises. Un rappel a été adressé au nouveau Ministre de la Justice.

    La situation du Collège communal d’Enghien, ainsi que l’enquête de l’UVCW, présentée lors de son assemblée générale du 23 mai 2023, méritent notre attention de manière immédiate sur la question des relations avec les citoyens et l’impact des réseaux sociaux. Cette étude pointait également d’autres difficultés telles que la lourdeur administrative, une certaine bureaucratie trop envahissante ainsi que des moyens limités.

    Il est très important de pouvoir répondre à la crise de vocation que subissent certains de nos élus de proximité afin de garantir le bon fonctionnement de notre démocratie locale et de préserver un cadre de travail serein pour les administrations locales. L’évolution de notre société engendre de nouvelles charges et de nouveaux défis toujours plus complexes pour ces derniers. Durant mon mandat, j’ai donc tenté d’être attentif à leurs revendications et remarques, en travaillant sur plusieurs axes et leviers relatifs à cette thématique.

    Premièrement, les nombreuses rencontres effectuées grâce à l’opération #AmbitionsCommunes m’ont permis d’échanger avec près de 300 bourgmestres et directeurs généraux et de travailler avec 250 agents locaux.

    Aussi, cela m’a permis, en ce qui concerne la simplification administrative, d’intégrer les apports de cette opération dans les décrets modificatifs du CDLD et de la loi organique des CPAS sur les marchés publics votés par le Parlement en octobre 2022.

    De plus, des travaux menés en groupe de travail avec des représentants des pouvoirs locaux (dont l’UVCW, le SPW IAS et les Fédérations de grade légaux) entamés déjà depuis 2021, m’ont permis de déposer deux projets de décrets modifiant le CDLD et la loi organique des CPAS visant à simplifier le fonctionnement et l’organisation des organes communaux et provinciaux. Ces projets de décrets on été votés également en ce début d’année.

    Ils intègrent également les réseaux sociaux au niveau de la communication. Les modifications visent à réglementer l’accès des groupes politiques aux réseaux sociaux de la commune. Les communes peuvent, de surcroît, ouvrir une page officielle sur les réseaux sociaux destinée à fournir rapidement des informations aux citoyens.

    Ensuite, la simplification administrative et la logique des appels à projets ayant un caractère transversal, j’ai invité chaque membre du Gouvernement par une note déposée le 30 mars 2023 à prendre connaissance du rapport de l’opération #Ambitionscommunes et des pistes de solution émises par les pouvoirs locaux, et à mener, dans sa sphère de compétences, une réflexion quant à l’intégration de celles-ci. Ce rapport a d’ailleurs donné lieu au lancement d’un groupe de travail, le 28 février dernier, réunissant trois administrations (à savoir le SPW IAS, le SG et le SPW ARNE), sous l’encadrement de la Direction de l’Optimisation et des Relations usagers, dont l’objectif est l’optimisation du processus des appels à projets, dans une optique de simplification et de planification dont les pouvoirs locaux pourront bénéficier.

    S’agissant de la gestion des ressources humaines, les préoccupations exprimées par les pouvoirs locaux rejoignent les constats qui ont été dressés dans le cadre du groupe de travail du Comité C consacré à une réforme de la Fonction publique locale adoptée par le Parlement ce 13 mars 2024. Elle concrétise les réponses à apporter aux difficultés soulevées sur la thématique de la gestion des ressources humaines : plus de souplesse, de réactivité, d’attractivité, de mutualisation… elle sera complétée par une circulaire.

    Par ailleurs, la démocratie participative fait, selon moi, partie de la solution pour renouer le dialogue et redynamiser le fonctionnement institutionnel. La crise est aussi une crise de confiance, pour ne pas dire de défiance à l’égard du politique. C’est pourquoi j’ai confié à l’administration la tâche de rédiger des outils à destination des pouvoirs locaux et des citoyens. Le premier opus, relatif aux conseils consultatifs communaux, est déjà paru. Les deux guides suivants (consultation populaire et budgets participatifs) le seront prochainement.

    Enfin, concernant les réseaux sociaux dont l’incivilité de certains utilisateurs touchant un public beaucoup plus large que les élus et fonctionnaires locaux, une action de grande ampleur est nécessaire. Il est donc important, comme le souligne le rapport de l’UVCW, de soutenir l’action de l’Union européenne dans sa volonté de réglementer les réseaux sociaux :
    * Par le biais d’un Code de bonnes pratiques contre la désinformation déjà adopté par plus de 30 acteurs du numérique et des réseaux sociaux (tels que Google, Facebook, Microsoft, TikTok et Twitter) qui s’engagent à prendre des mesures contre la désinformation en ligne.
    * Le Digital Services Act (DSA), obligatoire à toutes les plateformes en ligne depuis le 17 février 2024, s’attaque aux contenus illicites. Il vise l’incitation à la haine, à la violence et le cyberharcèlement. Les différentes plateformes veilleront à proposer un outil permettant aux utilisateurs de signaler ces contenus, afin qu’ils soient supprimés et leur accès bloqué. Les algorithmes des plateformes seront également revus afin de limiter la propagation des contenus de désinformation.

    Plus concrètement, les formations à destination des élus locaux peuvent permettre de les armer face aux dérives des réseaux sociaux. Une piste de solutions est également de former les agents communaux à la modération sur les réseaux sociaux. Concomitamment à la rédaction de ces avant-projets, des formations pour les nouveaux élus ont donc été préparées pour les aider à l’usage constructif des réseaux sociaux qui créent aujourd’hui de nombreuses difficultés. La réglementation en matière de dépenses électorales en ligne pour les élections communales et provinciales a également été modifiée afin de limiter ces dépenses. Cette mesure contribue à ne pas réduire la politique à des échanges sur les réseaux sociaux qui, souvent, sont des lieux où la violence s’exprime plus librement que lors de débats plus classiques en présentiel.

    Je ne suis pas informé de statistiques en la matière et n’ai d’ailleurs pas à l’être dans la mesure où les agressions de citoyens à l’égard d’agents communaux doivent être dénoncées auprès de l’employeur lui-même et auprès des autorités policières et judiciaires. Je suis cependant conscient de cette réalité et des problèmes vécus concrètement, sur le terrain, par les agents locaux, mais également les mandataires. À cet égard j’ai d’ailleurs sollicité le Ministre de la Justice.

    Plus directement, en ma qualité de Ministre des Pouvoirs locaux, j’agrée régulièrement, après avis du Conseil régional de la formation (CRF), des organismes dispensant des formations à la gestion globale de l’agressivité, à destination des agents des pouvoirs locaux. Elles correspondent à des besoins identifiés tant par les organismes de formation, que par les pouvoirs locaux, ou par les composantes du CRF (organisations patronales, syndicales et départements régionaux).

    On retrouve ainsi dans l’offre de formation agréée de base proposée :
    - gestion globale de l’agressivité - hors soins
    - gestion globale de l’agressivité – soins
    - la gestion des conflits – comment gérer les divergences de vues ? UVCW
    - s’initier aux techniques de médiation et de gestion de conflits (Progress consulting)

    S’y ajoutent les formations à « l’accueil dans un service public » données par les instituts provinciaux de formation et qui sont obligatoires.

    Par ailleurs, l’UVCW organise également deux modules intitulés : « gestion de conflits » et « améliorer l’accueil au sein de mon organisation ». Le premier est consacré à la gestion de l’agressivité dans le cadre des interactions interpersonnelles. Le second est plus spécifiquement orienté vers les interactions avec le citoyen.

    Au cours des cinq dernières années, l’UVCW a organisé 18 sessions de formation à l’attention de 284 personnes en provenance (notamment) de 66 communes wallonnes.

    Quant à l’assistance psychologique, le Code du bien-être au travail attribue comme compétence aux conseillers en prévention notamment la gestion des aspects psychosociaux du travail suite à des faits de violence d’origine externe (art I 3-3. §1er, art I 2-23, art II. 1-13 du Code du bien-être au travail).

    Si toutes les problématiques ne peuvent être solutionnées au cours de cette législature, les recommandations émises lors de l’opération #Ambitionscommunes notamment continueront à exister au-delà et pourront être traitées dans la prochaine DPR et législature.