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Les nouveaux objectifs européens de réduction des déchets alimentaires et l’introduction d’une responsabilité-cadre pour l’industrie du textile

  • Session : 2023-2024
  • Année : 2024
  • N° : 305 (2023-2024) 1

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  • Question écrite du 22/02/2024
    • de CRUCKE Jean-Luc
    • à TELLIER Céline, Ministre de l'Environnement, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité et du Bien-être animal
    La Commission de l'environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire (ENVI) du Parlement européen a adopté de nouveaux objectifs de réduction des déchets alimentaires et a introduit une responsabilité élargie du producteur pour l'industrie textile dans le cadre d'une révision de la directive-cadre relative aux déchets de l'Union européenne (UE).

    Les objectifs proposés par le Parlement sont plus ambitieux que ceux de la Commission européenne, suscitant des critiques concernant le non-respect des engagements du Pacte vert.

    La directive révisée vise également à améliorer la collecte séparée des textiles et encourage les États membres à améliorer la collecte et le tri des déchets municipaux mixtes. Cependant, des préoccupations ont été exprimées quant aux coûts et à l'impact environnemental de ces mesures.

    Quelle est la position de la Wallonie face à ce développement législatif européen majeur et plus que nécessaire pour le combat climatique et environnemental ?

    Quels sont les prochains impacts de ces nouveaux objectifs en matière de réduction de déchets alimentaires ?

    Quelle est l'analyse de Madame la Ministre en la matière ?

    Qu'en est-il en particulier concernant les préoccupations soulevées par les acteurs industriels et environnementaux quant aux coûts et à l'impact des nouvelles mesures proposées ?

    Comment le Gouvernement entend-il soutenir la mise en œuvre des nouveaux objectifs de réduction des déchets alimentaires adoptés par le Parlement européen, en particulier en ce qui concerne les initiatives de sensibilisation et de changement de comportement dans la Région ?

    Quels sont les plans du Gouvernement pour garantir que l'industrie textile de la Wallonie assume sa responsabilité élargie en matière de gestion des déchets, conformément aux dispositions de la directive révisée de l'UE, notamment en ce qui concerne le financement des programmes de collecte et de recyclage ?

    Comment le Gouvernement compte-t-il aborder les lacunes identifiées concernant l'absence d'objectifs spécifiques pour la gestion et la prévention des déchets textiles dans la directive révisée de l'UE ?
  • Réponse du 03/04/2024
    • de TELLIER Céline
    À ce stade, la Belgique n’a pas encore eu l’opportunité d’exprimer officiellement une position sur la proposition de révision de la directive-cadre déchets adressée par la Commission au Parlement européen et au Conseil en date du 5 juillet 2023, dans la mesure où la Présidence espagnole n’a pas inscrit ce dossier à l’agenda d’une réunion du Groupe de travail environnement du Conseil - ci-après WPE.

    Le rôle qui est maintenant dévolu à la Présidence belge depuis le 1er janvier 2024 est de rechercher un compromis entre les positions que les autres États membres ont pu exprimer lors de trois réunions du WPE qui se sont tenues respectivement le 12 janvier, le 26 janvier et le 6 février 2024. Des propositions de textes de compromis ont ainsi été discutées lors de WPE en date des 19 février et 4 mars. Par ailleurs, des éléments techniques non encore abordés lors de ces réunions ont fait l’objet d’un tour de table lors d’un WPE en date du 18 mars 2024.

    Le Conseil Environnement qui s’est réuni le 25 mars 2024 a débattu de deux questions. L’une portait sur les objectifs en matière de pertes et gaspillages alimentaires, qui sont étroitement liés à l’année de référence et à la méthodologie de calcul à appliquer. L’autre portait sur le principe même de la mise en place d’un schéma de responsabilité élargie des producteurs pour les textiles, tel qu’il se dessine dans le compromis élaboré par la Présidence belge. Il résulte des discussions qui ont eu lieu que :

    1) En ce qui concerne les déchets alimentaires, la fixation d'objectifs de réduction à la fois ambitieux et réalistes bénéficie d'un large soutien. Des suggestions, en sens divers, ont été formulées sur le choix de l’année de référence, la nécessité d’appliquer un facteur de correction pour les zones touristiques, le champ d’application ou encore le niveau des objectifs.

    2) En ce qui concerne les déchets textiles, la proposition de responsabilité élargie des producteurs (REP) est accueillie favorablement par l’ensemble des Ministres. Le rôle important que doivent jouer les entreprises de l'économie sociale a été souligné par bon nombre d’eux, une majorité souhaitant, à l’inverse de la Commission, que ces entreprises, souvent des PME voire des TPE, soient incluses dans le champ d’application de la REP, tout en prenant en compte la nécessité d'éviter de générer à leur encontre des charges administratives beaucoup trop lourdes. L'importance de la prévention, par exemple par le biais de l'écomodulation des redevances REP, afin de modifier la manière dont les textiles sont produits et consommés, a été mise en avant au cours de ce débat.

    Au terme de ces débats, l’objectif de la Présidence belge est que le Conseil Environnement de juin adopte une orientation générale. Le Parlement européen a adopté sa position en session plénière le 13 mars 2024. Les Trilogues débuteront vraisemblablement à la fin du 3e trimestre 2024.

    En matière de pertes et gaspillages alimentaires, la position belge, à laquelle adhère la Région wallonne, soutient la proposition formulée par la Commission étayée par une étude d’impact fort complète, d’autant que la Région wallonne s’est déjà fixé des objectifs ambitieux en la matière depuis 2015 à travers la mise en œuvre du Programme wallon de lutte contre les pertes et gaspillages alimentaires (Plan REGAL) dont l’objectif est de réduire de 30 % les pertes et gaspillages alimentaires d’ici 2025, au niveau des différents maillons de la chaîne alimentaire.

    Pour plus d’informations, consulter :

    http://environnement.wallonie.be/regal/17ACTIONS-Brochure-presentation-REGAL2-0-V1.pdf

    et http://etat.environnement.wallonie.be/contents/indicatorsheets/MEN%20Focus%202.html

    Des acteurs tels que CANOPEA et Bond voor Beter Leefmilieu ont fait état de leur déception quant au fait que les objectifs envisagés n’étaient pas ceux repris dans l’Objectif de Développement Durable -ODD 12.3 des Nations Unies (d’ici à 2030, réduire de moitié à l’échelle mondiale le volume de déchets alimentaires par habitant au niveau de la distribution comme de la consommation et réduire les pertes de produits alimentaires tout au long des chaînes de production et d’approvisionnement, y compris les pertes après récolte). Cet objectif avait cependant été défini dans la directive-cadre “déchets” (UE) 2018/851 de manière non contraignante et sans réelle méthodologie de calcul, en 2016 pour l’horizon 2030. Le Parlement européen a opté pour une solution médiane en proposant des objectifs 10 % supérieurs à ceux envisagés par la Commission et le WPE.

    Par ailleurs, la Commission propose 2020 comme année de référence, car c’est la première année pour laquelle Eurostat dispose de données fiables pour les 27 États membres établies dans le respect des règles méthodologiques définies en 2019. Cette année de référence fait l’objet de nombreuses discussions au sein du WPE.

    Les fédérations FEVIA et COMEOS ont quant à elles fait mention de ce qu’il était indispensable de pouvoir se référer à une année antérieure à 2020, sous peine de ne pas être en mesure de rencontrer les objectifs de réduction de 10 % et 30 % les concernant respectivement, car bon nombre d’efforts ont déjà été consentis en Belgique depuis 2015, avec des investissements déjà réalisés. Une clause de révision permettrait de revoir en cas de besoin les objectifs qui seront adoptés pour 2030, d’en définir d’additionnels pour 2035 et d’envisager le cas échéant des objectifs au niveau du secteur primaire, qui n’est pas visé pour l’instant dans la proposition de la Commission. Sur ce dernier point, la toute grande majorité soutient, en WPE, la proposition de la Commission. À ce stade, la Wallonie soutient la proposition de compromis élaborée par la Présidence belge, celle-ci permettant d’inscrire la Wallonie dans la continuité du Plan REGAL.

    Compte tenu des différences assez importantes des positions du WPE et du Parlement européen, il serait prématuré de se livrer à ce stade à une analyse détaillée des conséquences que la mise en œuvre des dispositions nouvelles aura concrètement pour différents acteurs en Wallonie.

    En ce qui concerne les textiles, la Wallonie est favorable à l’obligation de responsabilité élargie du producteur, conformément au décret du 9 mars 2023 relatif aux déchets, à la circularité des matières et à la propreté publique. Ce régime permet notamment le financement de programmes de prévention, de collecte, de réutilisation et de recyclage des déchets textiles. Dans un souci d’harmonisation au niveau belge, il est fortement souhaitable et plus que probable qu’un régime de REP textiles soit élaboré au niveau interrégional. En effet, le projet d’accord de coopération interrégional concernant le cadre de la responsabilité élargie des producteurs pour certains flux de déchets et pour les déchets sauvages adopté dans les trois Régions en seconde lecture prévoit qu’une responsabilité élargie du producteur s’applique aux déchets textiles. En pratique, cette responsabilité serait mise en place au travers d’un accord de coopération d’exécution (ACE) qui fixera les divers objectifs à atteindre, ainsi que l’ensemble des modalités pratiques et organisationnelles à mettre en œuvre. Le travail de rédaction de cet ACE n’a pas encore débuté, mais les trois Régions échangent dès à présent leurs points de vue en surveillant de très près les dispositions qui seront mises en place au niveau européen.

    À l’instar de la proposition initiale de la Commission, la proposition de compromis portée par la Présidence belge ne comporte pas d’objectifs spécifiques pour la gestion et la prévention des déchets textiles. Une clause de révision - fin 2028 - prévoit que ceux-ci puissent être définis ultérieurement. Le Parlement européen souhaite une approche plus rapide en la matière. Cependant, rien n’interdit à un État membre de fixer des objectifs et c’est probablement l’approche qui prévaudra en Belgique au travers du futur ACE, démontrant ainsi la traditionnelle position ambitieuse et volontariste de la Belgique en matière de gestion des déchets.