à MORREALE Christie, Ministre de l'Emploi, de la Formation, de la Santé, de l'Action sociale et de l'Economie sociale, de l'Egalité des chances et des Droits des femmes
La Wallonie fait face à une préoccupation majeure liée à la pénurie de médecins généralistes, en particulier dans des zones rurales telles que la province de Luxembourg. La situation actuelle soulève des questions cruciales sur l'accessibilité aux soins de santé dans ces régions.
Comment le Gouvernement wallon analyse-t-il la répartition géographique des médecins généralistes, en particulier dans les zones rurales confrontées à des pénuries sévères ?
Quelles sont les stratégies mises en place pour attirer de nouveaux médecins généralistes dans les zones touchées, notamment en tenant compte des incitatifs financiers et des projets tels que les « Tiers-Lieux » et les PCDR ?
Comment le Gouvernement envisage-t-il de prendre en compte l'âge moyen élevé des médecins actuels, les risques de burn-out et les changements de mode de travail dans ses projections pour résoudre la pénurie sur le long terme ?
Comment le Gouvernement collabore-t-il avec les associations médicales, les communes et autres parties prenantes pour élaborer des plans d'action concrets visant à résoudre la pénurie de médecins généralistes ?
Réponse du 15/05/2024
de MORREALE Christie
Depuis le début de cette législature, la question de l’accès à la médecine générale en Wallonie est un aspect qui a guidé la plupart de mes actions portant sur la première ligne d’aide et de soins et je remercie l’honorable membre pour l’intérêt qu’il y porte.
La pénurie de médecins généralistes est une menace multifactorielle qu’il faut attaquer simultanément sur plusieurs fronts pour être à même de pouvoir garantir à chaque citoyen le droit de bénéficier de soins de santé accessibles.
Mes actions ont consisté, d’une part, à soutenir et développer les dispositifs qui existaient déjà en Wallonie en faveur de l’exercice de la pratique de la médecine générale et, d’autre part, à réorganiser l’ensemble des autres services de la première ligne de soins afin d’en renforcer l’efficacité.
J’évoquerai, pour commencer, le dispositif IMPULSEO qui a pour but d’augmenter, à la fois, l’attractivité des zones en pénurie à l’égard des jeunes diplômés et la rétention des médecins déjà installés.
Afin d’aider l’installation des jeunes médecins dans les zones en pénurie, des primes sont octroyées dans le cadre de IMPULSEO I et rencontrent un vif succès sur le terrain. Le nombre de primes IMPULSEO I accordées a considérablement augmenté depuis la reprise du dispositif par l’AViQ. Il en est de même en ce qui concerne le nombre de subsides octroyés dans le cadre des dispositifs IMPULSEO II et III, qui interviennent soit dans les coûts salariaux, soit dans les frais de recours à des services de télésecrétariat. Le budget total des primes et subsides relatif à l’année 2023 est ainsi estimé à près de 11,5 millions d’euros.
Un subside est également prévu pour des structures d’appui en médecine générale qui proposent un accompagnement aux jeunes médecins pendant les 18 mois après leur installation.
Mais le dispositif IMPULSEO hérité de la 6e réforme de l’État et maintenu en Wallonie n’est pas le seul outil existant pour favoriser l’installation de nouveaux médecins en zones de pénurie. Une autre approche a été de poursuivre l’octroi d’agrément aux équipes multidisciplinaires organisées selon les critères correspondant aux associations de santé intégrée (ASI) et le soutien de ces infrastructures lorsqu’elles sont situées en zone rurale ou semi-rurale, par le fonds Feader. Ces structures permettent d’alléger la charge administrative des médecins généralistes et de leur apporter une meilleure satisfaction de leur travail, dans un cadre adapté.
Depuis mon entrée en fonction en septembre 2019, j’ai agréé 28 associations de santé intégrée (ASI) dont quatre dans le Brabant wallon, 10 dans la province de Namur, 3 en province de Luxembourg, 5 dans le Hainaut et 6 en province de Liège.
D’une tout autre manière, les travaux de Proxisanté, en passe d’aboutir sur le nouveau décret qui réorganisera la première ligne de soins et d’accompagnement, contribuent également à améliorer l’accès à la médecine générale en Wallonie.
Cependant, un facteur déterminant n’a pas encore été évoqué, celui du nombre de nouveaux médecins agréés. Ce point ne relève pas de mes compétences, étant donné que le quota maximum de médecins diplômés est fixé par l’autorité fédérale et que le sous-quota minimum de formations pour l’agrément en médecine générale est fixé par les Communautés, mais bénéficie, en particulier, du cadastre de la médecine générale réalisé chaque année par l’AViQ en étroite collaboration avec les cercles de médecine générale.
Le nouvel accord fixe, pour 2029, le quota INAMI pour la Fédération Wallonie-Bruxelles à 929, dont 473 devraient s’orienter vers la médecine générale. Ces étudiants qui ont débuté leur cursus en 2023 ne termineront leur formation en médecine générale qu’en 2031, ce qui constitue un écart conséquent.
La Ministre de l’Enseignement supérieur et le Gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles ont approuvé de nouveaux sous-quotas minima pour la médecine générale applicables à l’issue de l’année académique 2022-2023. Un minimum de 43 % des étudiants qui terminent un master en médecine devra donc, en 2023, s’orienter vers une spécialisation en médecine générale. Ceci concernerait 306 étudiants. Ces médecins pourront s’installer en Wallonie ou à Bruxelles à partir de 2027.
Avant 2027, ce sont les quotas précédents qu’il faut prendre en considération. Le quota fixé en 2015-2018 était de 492 médecins, dont minimum 160 médecins généralistes. On peut donc compter qu’entre 2024 et 2026, environ 160 médecins seront susceptibles de s’installer chaque année en Wallonie ou à Bruxelles.
Ces chiffres ne tiennent cependant pas compte des médecins étrangers qui peuvent également obtenir un numéro INAMI, ni des médecins qui exercent hors Wallonie et décideraient de venir s’y installer.
En 2022, 272 médecins wallons ont cessé leur activité de médecins généralistes, pour la majorité, il s’agit d’un départ à la pension.
Les prochaines années vont donc encore être très difficiles pour les médecins en fonction qui risquent de renoncer, vu les charges de travail et partant pour les patients, puisque le nombre de médecins diplômés restera inférieur aux besoins pour combler les pénuries (145 médecins manquent dans les communes en pénurie) et environ 270 seront nécessaires chaque année pour remplacer les départs.
Ces prévisions ne tiennent pas compte des modifications du temps de travail chez les jeunes médecins. Comme l’a montré l’enquête réalisée par le SPF Santé publique en 2022, les jeunes médecins, contrairement à leurs aînés qui ne comptaient pas leurs heures de travail, souhaitent travailler moins d’heures, estimant qu’une semaine de travail idéale est de 38 à 40 heures. Il faudrait donc, sans doute, 1,5 jeune médecin pour remplacer un ancien médecin.
Je voudrais souligner que dans la suite des travaux de Proxisanté, un groupe de travail médecine générale a été constitué. En concertation avec les représentants des médecins, un travail est en cours afin d’affiner les critères de reconnaissance de la pénurie. Parmi les pistes explorées, on retrouve la prise en compte du vieillissement de la population, via la proportion de la population bénéficiant d’un statut BIM ou d’un statut maladie chronique, puisque l’on sait que les personnes âgées et les personnes atteintes d’une maladie chronique consultent plus souvent un médecin généraliste.
Toutefois, il conviendra d’être encore plus imaginatif pour répondre à la situation et que les entités travaillent de concert, durant la prochaine législature. Pour la Wallonie, un enjeu supplémentaire est celui de l’attractivité de la médecine rurale. En effet, si dans les villes il subsiste une offre de médecine générale, dans les zones rurales, il en va tout autrement. La collaboration avec les autorités locales visant à favoriser des solutions pragmatiques et, dans certains cas, sur mesure, sera essentielle pour éviter la mise en concurrence des territoires et les impacts d’une telle situation sur les patients, en particulier les plus fragiles. Sans doute qu’il sera nécessaire de mettre en place une forme de « task force » régionale pour y veiller et de procéder à une analyse des meilleurs moyens visant à favoriser l’installation là où la nécessité est la plus grande, tout en veillant au bien-être des médecins concernés.