/

La position de Monsieur le Ministre concernant l'émission d'un nouveau bon d'Etat

  • Session : 2023-2024
  • Année : 2024
  • N° : 91 (2023-2024) 1

2 élément(s) trouvé(s).

  • Question écrite du 28/02/2024
    • de CRUCKE Jean-Luc
    • à DOLIMONT Adrien, Ministre du Budget et des Finances, des Aéroports et des Infrastructures sportives
    Dans un entretien accordé à L'Écho, Jean-François Tamellini de la FGTB et l'économiste Bruno Colmant proposent l'émission d'un bon d'État en Wallonie pour diversifier les sources de financement et réduire la dépendance aux marchés financiers. Ils estiment que cela contribuerait à la responsabilisation économique de la Région.

    Le projet nécessite encore des précisions techniques mais il vise à financer le Plan de relance de la Wallonie et à encourager la croissance régionale. Ils soulignent l'importance de la transparence dans l'utilisation des fonds pour gagner la confiance des souscripteurs potentiels. Malgré les réserves de certains, notamment Belfius, les deux initiateurs du projet restent optimistes quant à sa faisabilité et son potentiel pour stimuler l'économie régionale.

    Quelle est la réception de Monsieur le Ministre de ladite proposition ? Est-elle souhaitable ?

    Quels sont les avantages et désavantages de ladite proposition ?

    Y a-t-il des pistes de réflexion en la matière, de manière concrète, ou sommes-nous encore dans l'hypothèse ?

    Quels sont les détails techniques précisément étudiés pour la mise en œuvre du bon d'État en Wallonie, notamment en ce qui concerne le taux, le précompte et la maturité du bon ?

    Comment le Gouvernement compte-t-il garantir la transparence dans l'utilisation des fonds provenant de la souscription au bon d'État wallon ?

    Par ailleurs, quelles sont les mesures envisagées pour diversifier les sources de financement de la Wallonie et réduire sa dépendance aux marchés financiers ?

    Comment le Gouvernement entend-il assurer la confiance des souscripteurs potentiels face aux réserves exprimées par des acteurs financiers tels que Belfius ?

    Quels sont les critères qui guideront l'affectation des fonds issus de la souscription au bon d'État wallon vers les projets de relance économique régionale ?

    Quelles garanties le Gouvernement pourrait-il offrir aux citoyens quant à la protection de leur épargne investie dans le bon d'État wallon ?

    Comment le Gouvernement compterait-il assurer la pérennité et l'efficacité du programme de relance régionale, notamment au-delà de la période initiale hypothétique de souscription au bon d'État ?
  • Réponse du 18/04/2024
    • de DOLIMONT Adrien
    Pour rappel, l’Agence fédérale de la dette réalise chaque année une ou plusieurs opérations de ce type avec des résultats variables. Le succès du bon d’État qui a permis de lever 22 milliards d’euros en septembre 2023 est intrinsèquement lié au timing de l’émission et aux caractéristiques du bon.

    En effet, à la suite de la hausse rapide des taux que nous avons connue en 2022, le Fédéral a pu offrir aux particuliers un bon état d’une maturité d’un an à un coupon nettement supérieur au rendement offert par les carnets de dépôt. Grâce à cette différence de taux, de nombreux épargnants belges ont rapidement été convaincus de placer leur argent dans ces bons plutôt que de le maintenir sur des comptes d’épargne moins rentables.

    Il convient toutefois de rappeler que généralement ce type d’émission permet de lever des montants limités, et que l’opération de septembre dernier était de nature exceptionnelle. En témoigne la dernière opération de ce type, réalisée en février 2024, qui a permis au Fédéral de lever un total de près de 433 millions d’euros, (contre 6 milliards d’euros estimés) dont plus de 413 millions d’euros via un bon d’État d’une maturité d’un an et environ 19 millions d’euros via un bon d’État d’une maturité de trois ans.

    Comme on peut le constater, le bon d’Etat à un an enregistre un succès nettement plus prononcé que celui à trois ans. En effet, un épargnant préférera bloquer son argent à un an plutôt que pour une période de trois ans, particulièrement dans un contexte d’incertitude sur l’évolution des taux. En addition, le taux d’intérêt proposé pour le bon d’Etat à trois ans est inférieur que celui proposé pour le bon d’Etat à un an. Cette situation est due à l’inversion de la courbe des taux, que nous observons depuis plusieurs mois, et qui a pour conséquence de mieux rémunérer les titres à plus court terme.

    Rappelons également que plusieurs contraintes rendent le bon d’État nettement moins intéressant dans le cas de la Région. Premièrement, en vertu de la loi spéciale de financement, les émissions à destination du grand public doivent faire l’objet d’un accord explicite du ministre fédéral des Finances.

    Ensuite, la Région ne pourrait pas proposer d’autorité un précompte réduit dont le produit va au Fédéral, et rien ne permet de croire que celui-ci serait disposé à abandonner une partie de ses recettes pour faciliter l’opération de la Région. Certes, ce ne fut pas le cas lors de la dernière opération fédérale, mais il n’en reste pas moins que le coût du précompte doit être intégré dans le coût net d’une telle opération pour la Région.

    De plus, la Région Wallonie ne dispose actuellement pas de la documentation lui permettant d’émettre un tel produit, ni d’un réseau de distribution.

    Or, le taux que devrait fixer la Région pour un hypothétique bon wallon devrait aussi couvrir les commissions à payer pour la distribution de ceux-ci. Nous devrions inévitablement relever les taux, mais nous serions au-dessus des conditions offertes aux institutionnels.

    Bien que les bons d’Etat ne soient pas de nouveaux produits financiers, il n’existe pas d’équivalent wallon. Il faudrait donc prévoir un processus de sensibilisation à destination des particuliers pour qu’une opération de ce type réussisse.

    Enfin, une dernière contrainte est liée à l’échéancier de remboursement de la dette directe wallonne. La stratégie de la Région wallonne vise à lisser son profil d’amortissement et à ne pas trop raccourcir sa duration, qui se situe actuellement aux alentours de 12 ans. Compte tenu de ces objectifs et des remboursements à réaliser ces prochaines années, la Région n’a la possibilité d’émettre que des montants limités en 2024, 2025 et 2026.

    Vient ensuite la question du taux que la Région devrait offrir. La Région, au contraire du Fédéral, ne pourrait pas se permettre de proposer aux investisseurs privés un taux plus attractif que celui offert aux investisseurs institutionnels, le risque étant de provoquer un décalage durable de sa courbe des taux vers une hausse des taux. Un tel mouvement engendrerait un coût sensiblement plus élevé des charges auxquelles la Région wallonne devrait faire face à l’avenir.

    Comme je l’ai indiqué lors de la commission du 11 mars 2024, je ne voudrais pas laisser penser ici qu’un appel public à l’épargne privée soit à écarter définitivement. Au contraire, des pistes de financements alternatifs faisant appel à l’épargne privée ne sont pas à écarter par principe. De plus, je pense également qu’il faut que celles-ci soient liées à des projets spécifiques et selon des modalités techniques permettant d’aboutir à une solution « gagnant-gagnant ». Néanmoins, dans le cadre institutionnel actuel, l’expérience nous montre que la mobilisation de l’épargne privée en direct, même pour des projets spécifiques, n’est pas simple à mettre en place ni à suivre. Je pense ici à l’échec du projet de la Caisse d’investissement de Wallonie.