/

Les prêts pour l'acquisition d'un logement

  • Session : 2023-2024
  • Année : 2024
  • N° : 184 (2023-2024) 1

2 élément(s) trouvé(s).

  • Question écrite du 06/03/2024
    • de CRUCKE Jean-Luc
    • à COLLIGNON Christophe, Ministre du Logement, des Pouvoirs locaux et de la Ville
    Toutes les enquêtes l'indiquent, les prêts pour l'acquisition d'un logement sont en substantielle baisse depuis l'augmentation des taux d'intérêt et le marché n'offre pas de perspectives sérieuses de retournement.

    Face à cette situation qui frappe en premier lieu les ménages les plus fragiles, quelle réponse apporte Monsieur le Ministre ?

    Quelles sont les initiatives prises afin d'éviter une dépression qui fragilisera non seulement les milieux économiques de la construction, mais creusera encore plus le fossé de la pauvreté ?

    Des contacts ont-ils été pris avec les secteurs notariés et bancaires ?

    Quand et quel fut le contenu ?

    Quelles furent les conclusions et les éventuelles pistes de relance mises sur la table à cette occasion ? Un consensus s'est-il dégagé ? Quel est-il ?

    De nouveaux dispositifs de financement sont-ils étudiés ? Lesquels ?

    Certains spécialistes du secteur considèrent qu'il convient de populariser davantage l'emprunt in fine qui permettent à l'emprunteur de limiter le remboursement aux seuls intérêts, le capital faisant l'objet d'un remboursement lors du paiement de la dernière mensualité !

    Quels sont sa lecture et son point de vue ? Y voit-il une opportunité à saisir ?

    L'allongement de la durée du remboursement est parfois également évoqué pour diminuer le coût des mensualités ?

    Ce mécanisme a-t-il sa faveur ? Quelle est son approche ?
  • Réponse du 09/04/2024
    • de COLLIGNON Christophe
    Tous les analystes s’accordent effectivement pour dire que le marché immobilier est en régression. D’après les données extraites du Baromètre des notaires, si une diminution de l’activité immobilière de 1,1 % a été observée à l’échelle du pays, cette régression est de l’ordre de 15 % pour ce qui est du volume des ventes immobilières. Et les tendances observées au cours des premiers mois de cette année 2024 vont dans le même sens ! Dans le même temps, les prix des immeubles d’habitation ont augmenté de 1,1 % par rapport à 2022 et même de 2 % en Wallonie ! Dans ces conditions, il n’est dès lors pas étonnant de constater, sur base des données communiquées par l’Union professionnelle du crédit, une sérieuse diminution en termes de volume sur le marché du crédit hypothécaire. Et cela d’autant plus que dans le même temps, une succession d’augmentations des taux d’intérêt a pu être observée sur les marchés financiers, complexifiant par-là l’accès à la propriété pour de nombreux ménages.

    Cette réalité donne encore davantage de sens à la décision du Gouvernement wallon de soutenir l’accès à la propriété des ménages de conditions modestes à travers son Plan de relance de la Wallonie et le soutien apporté au crédit social. Nonobstant l’évolution à la hausse des taux d’intérêt, le soutien apporté par les pouvoirs publics permet au Fonds du Logement de Wallonie et à la SWCS de proposer à des familles, dont la plupart n’ont pas ou plus accès au crédit bancaire traditionnel, des taux d’intérêt inférieurs aux taux du marché, mais surtout des quotités d’emprunt qui excèdent la valeur vénale de l’immeuble ou encore des durées de remboursement pouvant aller jusqu’à 30 ans. Sur ce dernier aspect, il est symptomatique de constater que la durée moyenne de remboursement des crédits sociaux accordés ne cesse d’augmenter. Les emprunteurs ayant signé un crédit avec une durée moindre ont également la possibilité d’introduire une demande d’allonger de durée (moyennant justifications). La durée de remboursement constitue donc l’un des paramètres sur lesquels un prêteur peut jouer en vue de dégager une charge de remboursement en phase avec la capacité financière des ménages. Il faut toutefois être conscient du coût de cette formule, tant pour le prêteur que pour l’emprunteur amené à acquitter davantage d‘intérêts sur une période plus importante et à assumer un coût plus important pour les contrats annexes comme le contrat d’assurance solde restant dû.

    Notons également que les conditions de revenus et de valeur maximale des logements achetés pour accéder au crédit social sont régulièrement rehaussées pour permettre au plus grand nombre de prétendre à ce type de prêt.

    L’honorable membre évoque la piste du crédit bullet. Ce type de crédit s’apparente à un crédit hypothécaire où l’emprunteur ne payera que les intérêts durant la durée du contrat ; à charge pour lui de rembourser le capital au terme du crédit. De prime abord, cette formule peut apparaître comme relativement séduisante en ce sens qu’elle offre à l’emprunteur un certain confort au niveau des charges de remboursement. Se pose toutefois alors la question de la formule de remboursement du capital au terme du crédit. Et là, l’emprunteur doit dès le départ prouver qu’il disposera à terme des liquidités nécessaires ou recourir à une formule d’assurance au terme de laquelle il pourra bénéficier du capital nécessaire ; cela n’est pas sans coût et la charge mensuelle s’en trouve alourdie. Les taux d’intérêt pratiqués par les banques pour ce type de formules sont par ailleurs bien souvent plus élevés que pour un crédit hypothécaire traditionnel ; et cela d’autant plus que la banque va bien souvent couvrir le risque accru de ce type de formule par une prime de risque plus conséquente. Bref, le crédit Bullet m’apparaît comme davantage réservé à des profils de type investisseur et ne cadre pas avec les catégories de ménages qui ont réellement besoin.

    La poursuite de la politique de soutien des ménages en vue de leur permettre d’accéder à la propriété via un crédit social fort assorti d’une authentique politique d’accompagnement m’apparaît au contraire comme la voie dans laquelle il nous faut persévérer.

    En outre, le soutien apporté au crédit social devra se doubler d’un autre soutien à consacrer aux ménages confrontés à la nécessité de rénover leur logement en vue de réduire leur consommation énergétique et leur impact environnemental. Ce défi colossal devrait quant à lui rejaillir de manière positive sur l’ensemble du secteur de la construction et constituer une réponse à l’une des autres craintes exprimées à travers la question !

    Cela étant, il me parait également essentiel de développer de nouvelles formules axées notamment sur le démembrement de la propriété ou la location/achat.

    Relativement au mécanisme de démembrement de la propriété, la SWCS réalise déjà des opérations de prêt pour l’acquisition d’un logement dans le cadre d’un droit d’emphytéose, donc sans le droit de propriété sur le terrain.

    Cette formule me parait plus que prometteuse, mais s’agissant d’un mécanisme relativement neuf, les experts et les notaires sont encore dans une phase exploratoire avec une réelle difficulté à mesurer le risque hypothécaire (lié à l’évaluation des biens concernés) et les montages juridiques sont peu standardisés.

    S’agissant de la location-achat, le mécanisme a été mis en œuvre pour les logements publics au travers de l’AGW relatif à la cession et l’acquisition de droits réels sur un bien par les SLSP, adopté définitivement le 1er mars dernier par le Gouvernement. La location-achat peut être une solution idéale pour les ménages qui ne disposent pas des ressources nécessaires pour faire un prêt afin d’acquérir le logement mis en vente. Les loyers versés au cours de la période de location sont alors utilisés précisément pour la constitution d’une épargne qui servira de la mise de fonds. C’est donc une façon astucieuse de préparer son achat tout en bénéficiant dès à présent du bien. De plus, cela leur permet de se familiariser avec la maison avant d’en devenir propriétaire.

    Enfin, comme j’ai déjà pu l’exprimer dans la presse et au Parlement wallon, certaines évolutions me semblent indispensables sur les questions des droits d’enregistrement, du chèque habitat ou encore des abattements et incitants fiscaux.

    J’ai pu, sur ce sujet, m’entretenir avec des représentants du Conseil francophone de Fednot dont le mémorandum en vue des élections de 2024 est particulièrement inspirant.

    Globalement, un soutien financier en amont des projets d’acquisitions et ciblé sur certains publics comme les jeunes ménages ou ceux à revenus modestes me semblerait plus porteur.

    Je pense donc que la « boîte à outils fiscaux wallons » peut être encore davantage optimisée dans le cadre d’une stratégie fiscale wallonne globale et intégrée, s’appuyant bien évidemment sur les travaux du Parlement en matière de réforme de la fiscalité immobilière et du précompte immobilier.