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Les défis et attentes liés au secteur du logement social en Wallonie

  • Session : 2023-2024
  • Année : 2024
  • N° : 185 (2023-2024) 1

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  • Question écrite du 06/03/2024
    • de CRUCKE Jean-Luc
    • à COLLIGNON Christophe, Ministre du Logement, des Pouvoirs locaux et de la Ville
    L'Union des villes et communes de Wallonie (UVCW) souligne l'urgence de faire du logement public une priorité absolue, avec près de 100 000 Wallons en attente de logements sociaux. Ces chiffres, potentiellement sous-évalués, mettent en lumière les défis cruciaux du logement dans la région, particulièrement pour ceux avec des revenus précaires.

    Face à l'urgence des enjeux du logement en Wallonie, le Gouvernement wallon doit prendre la pleine mesure des défis du « vivre ensemble » qui l'attendent sur ce dossier et comprendre comment répondre aux besoins croissants de logements sociaux.

    Quelles mesures le Gouvernement wallon compte-t-il prendre pour répondre à l'augmentation significative de la demande de logements sociaux ?

    Quelle est l'analyse de Monsieur le Ministre en la matière et quels sont ses axes de réflexion ?

    Comment peut-on identifier les sources et causes de ladite problématique ?

    Comment la Wallonie prévoit-elle de financer la construction et la rénovation de logements publics afin de répondre aux besoins croissants ? Quelles sont les perspectives ?

    Comment le Gouvernement envisage-t-il d'encourager la collaboration avec le secteur privé, notamment par le biais de partenariats public-privé (PPP), pour renforcer la politique du logement public ?

    Quelles initiatives sont envisagées pour soutenir la mixité sociale et faciliter l'accès à la propriété, tout en prenant en compte les besoins actuels et futurs des ménages en Wallonie ?
  • Réponse du 09/04/2024
    • de COLLIGNON Christophe
    La question de l’honorable membre recouvre tous les aspects à traiter par la politique wallonne du logement.

    Avant toute chose, il faut souligner que la croissance de la demande en logement public est essentiellement liée à la précarisation grandissante d’une partie de la population qui se trouve en grande difficulté pour se loger sur le marché privé, en proie à une forte inflation des loyers et une financiarisation croissante de sa matière première qu’est le logement. L’écart des loyers pratiqués entre marché privé et public ne cesse de croitre, ce qui crée un phénomène d’appel d’air vers le logement public.

    D'une manière générale, il convient de rappeler que 2,1 millions de Belges courent un risque de pauvreté ou d’exclusion sociale, soit 18,6 % de la population. C'est ce qui ressort des nouveaux chiffres de l’année 2023 que l’office belge des statistiques (Statbel) a publiés sur la base de l’enquête sur les revenus les conditions de vie (EU-SILC).

    Outre cet aspect prédominant, l'augmentation des coûts énergétiques, mais également l’évolution de la structure des ménages, la croissance démographique et les conséquences de la crise climatique contribuent à cette demande croissante.

    Nous devons noter que la demande est aussi de plus en plus diversifiée selon les profils, les trajectoires et les projets de vie ainsi que les désidératas des ménages candidats locataires. Le parc de LUP existant, issu essentiellement des décennies 60, 70 et 80, n’est souvent plus en adéquation avec les besoins d’une population vieillissante, mais aussi marquée par une prédominance des phénomènes de monoparentalité ou d’isolement. Je pense aussi aux souhaits quant à la localisation suivant les proximités à l’emploi, aux services, à la mobilité, et cetera.

    De ce constat, je tire qu’il faut situer la politique du logement dans le contexte des évolutions sociétales pour l’orienter davantage encore à la rencontre des besoins diversifiés des citoyens. Ce qui conditionne le bon exercice et la jouissance de l’ensemble de leurs droits.

    L'urgence et l'importance de donner la priorité au logement public en Wallonie ne sont ainsi plus à démontrer. Les chiffres qu’il a mentionnés, issus de l'étude de l'Union des Villes, mettent en évidence les défis cruciaux auxquels nous sommes confrontés.

    Dans ce contexte, les sociétés de logement d’utilité publique avec tous les autres opérateurs du secteur locatif public ou privé (AIS, APL, CPAS, communes, transit, insertion...) jouent un rôle crucial en offrant une alternative abordable et sécurisée aux familles exclues du marché privé, garantissant ainsi un logement décent et contribuant à atténuer les disparités en matière de logement.

    Le Gouvernement wallon, sous cette législature, s’est également pleinement engagé à faire du logement public une priorité absolue dans la longueur. Les importantes mesures d’investissement en logement d’utilité publique et d’aides régionales en logement privé, ainsi que les différentes réformes réglementaires abouties, en témoignent.

    L’ensemble de ces avancées mises en place sous cette législature ont été pensées et élaborées de manière à être poursuivies et amplifiées au-delà de cette législature, mais également pour créer les conditions propices à une plus grande efficience sociale, économique et environnementale du secteur.

    L’honorable membre m’interroge par ailleurs sur mes axes de réflexion ainsi que sur les perspectives en matière de construction et de rénovation de logements publics. Comme j’ai pu le souligner à plusieurs reprises, j’estime qu’il faut tout d’abord maintenir les budgets publics wallons en la matière et favoriser des initiatives au travers de politiques croisées (régional, fédéral, Union européenne).

    Ainsi, pas plus tard que le 5 mars dernier, j’ai invité, dans le cadre de la Présidence belge du Conseil de l’Union européenne, mes homologues européens à Liège afin d’échanger sur la problématique du logement.

    Par un engagement commun, tous les Ministres du Logement appellent officiellement à un nouveau pacte européen pour le logement abordable et social.

    Pour rappel, ce pacte comporte quatre demandes spécifiques adressées aux responsables de l’Union :
    - la première consiste en l’organisation d’un sommet annuel de l’UE sur le logement social et abordable, réunissant tous les acteurs impliqués dans la mise en œuvre des actions des États membres en matière de logement ;
    - la deuxième demande concerne le développement d’une plateforme de l’UE pour soutenir de manière urgente les partenariats nationaux, régionaux et locaux visant à mettre fin à l’exclusion en matière de logement ;
    - la troisième réclame que la Commission européenne prenne davantage en compte les répercussions des politiques de l’UE sur l’accès au logement et l’exclusion en matière de logement dans ses évaluations d’impact ;
    - enfin, les ministres responsables requièrent le renforcement du soutien de la Banque européenne d’investissement BEI au secteur du logement social et abordable.

    Relativement à ses préoccupations quant au financement du secteur et à la mixité sociale, le gouvernement a mis en place une réforme autorisant les SLSP à intégrer au sein de leur parc existant davantage de mixité grâce au mécanisme du loyer d’équilibre. De même, les nouvelles dispositions de l’article 94, § 3 et 4 du Code wallon de l’habitation durable permettent désormais aux SLSP de développer des opérations de « mixité sociale » axées sur la diversification de leur public tout en bénéficiant de recettes locatives supplémentaires au profit de la création et la rénovation des logements réservés aux ménages les plus précarisés.

    Afin de répondre aux besoins réels des citoyens, et pas uniquement en termes de mélange et de dispersion, il sera essentiel que les projets des sociétés répondent aux besoins détectés sur les territoires et les ressources. Les nombreuses études sur le sujet démontrent que la mixité sociale n’est pas naturelle, elle ne se décrète pas...Le défi est donc au-delà du bâti de mettre en œuvre des projets urbanistiques réfléchis dans le but de favoriser la cohésion sociale, la convivialité, la participation citoyenne, le vivre ensemble et par là tendre à la mixité sociale.

    Quant au développement de la coopération avec le secteur privé, je le rejoins pour constater que le secteur public à lui seul n’est pas en mesure de produire une offre qui répond à la demande en logements sociaux. En même temps, le secteur privé n’a pas vocation à créer du logement abordable pour les publics précarisés. Il faut donc concilier les initiatives publiques et privées et identifier des « terrains » de coopération par le biais de partenariats public-privé PPP.

    Le projet visant l’acquisition de logements sur le marché privé et l’acquisition/valorisation de terrains via des PPP que j’ai initié dans le cadre du PRW me semble, à ce titre, particulièrement efficace et mérite d’être poursuivi au-delà de cette législature.

    Une autre manière d’associer le secteur privé, et par la même occasion favoriser la mixité sociale consiste à activer le levier des charges d’urbanisme pour permettre la « co-création » d’un quota de logements abordables. La révision du CoDT, négociée actuellement avec nos partenaires de Gouvernement, me semble avancée positivement en ce sens.

    Concernant l’accès à la propriété, c’est au travers de programmes spécifiques consacrés à la création de logements acquisitifs, que la Wallonie pourra, à mon sens, favoriser l’accès à la propriété, notamment pour les ménages à revenus modestes.

    Par ailleurs, un cadre législatif a été récemment établi afin de fournir aux sociétés de logement de service public la possibilité de proposer des locations assorties d'une option d'achat pour les logements destinés à la vente. Cette initiative vise à offrir aux ménages la possibilité d'habiter immédiatement un logement tout en épargnant progressivement en vue de son acquisition.

    En conclusion, face à l'augmentation de la précarité et de la demande de logements sociaux en Wallonie, il est crucial d'aborder les défis multiples de manière holistique avec toutes les solutions adaptées et inclusives possibles. Pour ce faire, la pleine collaboration entre les différents opérateurs historiques, administrations, gouvernements, et partenaires sociaux est essentielle. Une mobilisation collective, l'innovation et une vision à long terme me semblent indispensables pour garantir le droit à un logement digne pour tous en Wallonie.