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Le recours à un système de préparation de médication individuelle

  • Session : 2023-2024
  • Année : 2024
  • N° : 315 (2023-2024) 1

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  • Question écrite du 07/03/2024
    • de SOBRY Rachel
    • à MORREALE Christie, Ministre de l'Emploi, de la Formation, de la Santé, de l'Action sociale et de l'Economie sociale, de l'Egalité des chances et des Droits des femmes
    Récemment, la presse relayait les services de Polly, une startup qui s'attaque à la prise chronique de médicaments et aux erreurs d'administration qui peuvent être commises. En effet, près de la moitié des personnes qui prennent plusieurs médicaments quotidiennement se sont déjà trompées, ce qui peut avoir de graves répercussions.

    Pour éviter ces situations dangereuses, Polly offre aux patients qui doivent ingérer au minimum 4 médicaments par jour, la possibilité de recevoir, dans leur propre pharmacie, l'ensemble de leurs médicaments conditionnés dans des sachets par moment de prise. Chaque sachet indique un moment, par exemple mardi matin, et contient l'ensemble des médicaments devant être pris à cet instant.

    La préparation de médication individuelle (PMI) est particulièrement développée dans certains autres pays d'Europe, comme les Pays-Bas où 90 % des patients considèrent le système comme efficace. Chez nous, sauf erreur, la PMI est déjà bien présente dans les maisons de repos et maisons de repos et de soins, mais peine à se généraliser.

    Alors que le Gouvernement encourage les maisons de repos et maisons de repos et de soin à un usage rationnel des médicaments, comment fonctionne actuellement la PMI au sein des maisons de repos et maisons de repos et de soin de Wallonie ?

    Madame la Ministre est-elle favorable à la généralisation de la PMI, notamment au sein de la première ligne de soins de santé ?

    Entend-elle promouvoir la PMI auprès des publics fragilisés, comme les séniors vivant seuls et, le cas échéant, comment ?
  • Réponse du 02/04/2024
    • de MORREALE Christie
    L’arrêté royal établissant les règles relatives à la préparation de médication individuelle du 24 septembre 2012, relève de la compétence de l’État fédéral et son application de l’Agence fédérale des médicaments et des produits de santé (AFMPS), tout comme la consommation de médicaments à domicile est liée à la pratique médicale qui relève de ces mêmes autorités. Il n’appartient donc pas à la Wallonie de définir des normes en la matière.

    Néanmoins, les thématiques comme la polymédication, notamment des personnes âgées au domicile, dans les maisons de repos et maisons de repos et de soins, ainsi que l’aide apportée à la première ligne, sont des sujets auxquels j’accorde une importance particulière.

    L’honorable membre fait référence au système POLLY, le pilulier 2.0, un service mis en place par une société implantée à Gand, qui vise à implémenter la PMI (préparation de médication individuelle) au niveau ambulatoire.

    Il s’agit, pour le patient chronique, de recevoir de leur pharmacien un rouleau de petits sachets détachables dans lesquels se trouve le dosage exact de leur médication, ce qui renforce la traçabilité et la sécurité du médicament, mais favorise aussi la compliance au traitement. Le coût pour le patient s’élève à 3 euros par semaine.

    D’autres systèmes de PMI ambulatoire existent, notamment le service SIMPLYMED mis en place par la société coopérative MULTIPHARMA, qui propose à ses coopérateurs un système équivalent. Les médicaments sont conditionnés dans de petits sachets par moment de prise de la journée, dans une boite dont la préparation est facturée à 15 euros par boite.

    En dehors de ces deux initiatives, la PMI est un service que le pharmacien peut offrir à ses patients chroniques, mais reste actuellement facultatif. Il faut distinguer la PMI manuelle (boîtier, pilulier …) de la PMI automatisée (sachets préparés via un appareillage de PMI géré par un ordinateur robot). La PMI manuelle doit se faire à l’officine et le pharmacien ne peut pas la faire faire dans une autre pharmacie. La PMI automatisée, quant à elle, peut être réalisée par un autre pharmacien (délégation) qui dispose du matériel adéquat (robot).

    La PMI a pour objectif d’améliorer la sécurité lors de la prise de médicaments par le patient dans un traitement chronique. Elle est réservée en priorité à certains patients en fonction de pathologies ou d’états physiologiques particuliers. Il s’agit avant tout de patients polymédiqués.

    Sont visés par la PMI les médicaments et les compléments alimentaires (prescrits ou non).

    Il est bon de rappeler que toutes les spécialités et produits ne conviennent pas pour la PMI, seules les formes orales et sèches sont visées. Tous les comprimés ou gélules ne conviennent pas (comprimés friables, formes oro-dispersibles, et cetera)

    La PMI (manuelle ou automatisée) doit répondre à des exigences et conditions bien précises, allant de l’accord du patient à l’étiquetage de la préparation en passant par la sous-traitance. La PMI en tant qu’acte technique a un coût pour le pharmacien, qu’il peut répercuter au patient en ayant pris soin de l’en avertir préalablement.

    Pour l’instant, l’INAMI ne prend pas en charge un honoraire PMI « Ambulatoire », mais les discussions au niveau de l’INAMI sont toujours en cours.

    Une attention doit être portée sur le financement de ces services. En effet, la mise en place d’un système de PMI, qu’elle soit manuelle ou automatique, a un coût non négligeable pour le pharmacien et il ne faudrait pas que cette mise à disposition soit impayable pour le bénéficiaire.

    Plusieurs facteurs peuvent influencer la prise de médicaments au domicile chez les personnes âgées : confusion en raison de ressemblance entre des médicaments ayant une phonétique similaire, risque de ressemblance d’un produit, mauvaise lecture de la prescription médicale, erreur dans le calcul de la dose à prendre, oubli, et cetera.

    Dès lors, la PMI telle que proposée par des acteurs comme Polly ou Multipharma et le fait que les médicaments arrivent en pharmacie, conditionnés dans des sachets par moment de prise, pourrait être une réponse potentielle à certains problèmes que rencontrent les personnes vivant seules à leur domicile.

    Néanmoins, même dans le cas où les personnes disposeraient de leurs médicaments dans des sachets préparés, encore faudrait-il rester vigilant au fait que ces derniers soient effectivement pris, que le bon sachet soit pris au bon moment, que la personne ne l’oublie pas, et cetera.

    La PMI solutionnerait, en effet, certains soucis en lien avec la préparation adéquate des médicaments, mais ne remplacerait pas, dans certains cas, l’obligation d’un passage d’un professionnel ou de l’entourage pour aider et veiller à l’administration des médicaments au domicile de la personne.

    L’INAMI finance actuellement la préparation de pilulier par les infirmiers à domicile pour un certain groupe de patients (difficultés pour collaborer au traitement prescrit, confusion par rapport au traitement, comportement indiquant que le patient n’adhère pas au traitement, médicaments pris seulement en partie ou pas du tout, et cetera). La polymédication n’est cependant pas un des critères repris par l’INAMI pour pouvoir bénéficier de cet accompagnement.

    L’Agence pour une vie de qualité ne possède pas de statistiques concernant les pourcentages de maisons de repos et de maisons de repos et de soins qui sont passées à la délivrance en PMI, mais de plus en plus de MR. S y passent, car cette méthode de délivrance améliore la sécurité du circuit du médicament, notamment la règle d’or dite des 5 B : « administrer au Bon patient, le Bon médicament, à la Bonne dose, sur la Bonne voie, au Bon moment ».

    La PMI présente de nombreux avantages : la sécurisation des traitements (« medication review » et diminution du risque d’erreurs de manipulation lors de la préparation des doses journalières en institution) ; une très bonne observance des traitements et un meilleur suivi ; une traçabilité des traitements garantie jusqu’au chevet des patients ; un allègement de la charge de travail au sein de l’institution, ce qui laisse plus de temps aux soignants pour se consacrer à d’autres tâches et un avantage économique certain lié à la promotion des alternatives moins chères et à la rationalisation en amont des schémas de médication.

    Elle offre de plus aux médecins, médecins coordinateurs, pharmaciens, infirmiers et gestionnaires des MR. S une occasion supplémentaire de se concerter dans le but d’assurer aux résidents la qualité et la sécurité de l’administration des médicaments.

    Dans le cadre de cette migration d’un système standard « à la boîte » vers un système de délivrance PMI, les services d’inspection de l’AViQ et notamment un pharmacien-inspecteur peuvent accompagner les maisons de repos pour que cette migration s’effectue le plus sereinement et le plus efficacement possible.

    De plus, l’arrêté du Gouvernement wallon du 28 octobre 2021 relatif aux médecins conseillers et coordinateurs précise qu’une des missions de ceux-ci est l’usage rationnel des médicaments. La révision en tant que telle des médicaments est du ressort du médecin traitant, mais la discussion autour de la polymédication et l’usage rationnel des médicaments au sens large dans l’établissement fait partie des missions des médecins coordinateurs et conseillers.

    La formation de base et continuée des médecins coordinateurs et conseillers aborde également cette notion d’usage rationnel des médicaments.

    Un projet « pilote » de révision médicamenteuse au niveau des maisons de repos est en cours sous l’égide du (PACT) Projet d’accompagnement concerté transversal de la région du centre, mais il est encore trop tôt pour en tirer des conclusions.

    Comme pour le domicile, la PMI dans les MR.S permet d’éviter un nombre important d’erreurs, mais, comme le soulignent de nombreuses études, l’administration du médicament représente également une part non négligeable du risque lié au circuit du médicament. Il est évident que, comme pour le domicile, la présence de personnel qualifié pour aider à la prise des médicaments est essentielle.